LA ROUE (Robert Guiette)
Posted by arbrealettres sur 31 mars 2015
LA ROUE
I
Chante, étranger sur le trottoir
Ta voix n’écarte aucun volet
Au soleil blanc reste en arrêt
Chante plus fort chante plus noir
Dos au mur aveuglant
Face au fronton des façades
La note frappera la seule vitre en flammes
Aux mille éclairs vois le sourire du temps
Comme
un grand visage
qui se nomme
II
O doux éclatement
Le livre s’est ouvert
et j’ai vu du coeur qui ne ment
déborder les souvenirs de mon enfance
Comment
dis-moi comment
ce passé s’est ouvert
que tu gardais si pieusement
pour habiter ce coeur d’abondance
La bouche de blessure
avait-elle mis son secret
dans la grenade mûre
Si longtemps
si longtemps après
C’est bien ma solitude
comme une ancienne fleur
qui plus tard a germé dans ce feu
Où donc
jadis perdue
III
La parole est morte
Et le monde est venu
Et les rues sont pleines de monde
Personne ne passe la porte
Tout se nomme refus
Et les ruines s’enivrent de monde
Au fond de la chaussée
une grande fleur d’encre
qui rature la joie
L’attente folle
couleur de fuite
un souvenir géant
qui efface tout
IV
Coeur dévasté pour rire
beauté usée par les sales regards
Le triste et le gai
comme des éventails
et la blessure comme un loup
L’histoire finit
lorsqu’il n’est plus temps
V
La rue suit sa pente
Les hommes leur chemin
ou suivent les passantes
Moi seul je me souviens
Le soleil las poursuit sa route
Les fenêtres s’entrouvrent
au silence à la fraîcheur
Une grande roue tourne
et tourne grande roue
où les hommes s’usent
La terre mâche la terre
(Robert Guiette)
Qu'est-ce que ça vous inspire ?