LE CHIEN ENCHAÎNÉ (Robert Delahaye)
Posted by arbrealettres sur 7 octobre 2015
LE CHIEN ENCHAÎNÉ
A l’entrée de la ferme
Dans un tonneau défoncé
Le chien mal rasé
Aux yeux de saltimbanque
Regardait la lune
Vagabonder à son aise.
Il n’aboyait jamais
Sa voix était cassée.
Il n’attendait personne.
Son maître rentrait tard
La nuit
En titubant.
Le vent caressait son échine
Mais les enfants avaient peur de sa mauvaise mine
Quand il sortait de sa niche
Sa chaîne
Derrière lui
Faisait un bruit d’enfer.
Il ne songeait à rien
Pas même à la liberté
Et sculptait des os
Pour tuer le temps
Devant les canards médusés
Plantés devant sa loge
Comme devant un musée.
On l’avait condamné à la réclusion
A perpétuité.
Maintenant
ll lapait sa soupe à petits coups de langue
Dans la somnolence des pierres et des racines
Et mesurait d’un oeil limpide
La profondeur du ciel.
Lorsqu’il mourut
De vieillesse
Ou d’oubli
On lui ôta son carcan.
Pour la première fois.
(Robert Delahaye)
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