SCHUBERTIANA (Tomas Tranströmer)
Posted by arbrealettres sur 19 mai 2016
SCHUBERTIANA
À la nuit tombante, sur une place en dehors de New
York, un point de vue d’où l’on peut, d’un seul
coup d’oeil, embrasser les foyers de huit millions d’hommes.
L’immense ville, là-bas, est une longue congère
scintillante, une nébuleuse spirale vue de côté.
Dans cette galaxie, on fait glisser des tasses de café sur
les comptoirs, les vitrines demandent l’aumône aux
passants, un grouillement de chaussures qui ne laissent aucune trace.
Les échelles d’incendie grimpent aux façades, les
portes des ascenseurs se rejoignent, un perpétuel
flot de paroles derrière les portes verrouillées.
Des corps affaissés somnolent dans les wagons du
métro, ces catacombes qui filent droit devant.
Je sais aussi – sans aucune statistique – qu’à cet
instant précis, dans une de ces chambres là-bas, on
joue du Schubert et que ces notes pour quelqu’un
sont plus réelles que tout le reste.
(Tomas Tranströmer)
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