Dépit (Juana de Ibarbourou)
Posted by arbrealettres sur 19 septembre 2016
Dépit
Ah, que je suis fatiguée ! J’ai tant ri,
tant, que les larmes m’en sont montées aux yeux ;
tant, que ce rictus qui contracte ma bouche
est une trace étrange de mon fou rire.
Tant, que cette intense pâleur que je montre
(comme sur les portraits de vieille lignée)
vient de la fatigue du fou rire
Qui, dans tout mon corps, glisse sa torpeur
Ah, que je suis fatiguée ! Laisse-moi dormir ;
car, comme l’angoisse, la joie rend malade.
Quelle drôle d’idée de dire que je suis triste !
Quand me suis-je vue plus joyeuse qu’à présent ?
Mensonge ! Je n’ai ni doutes, ni envies,
ni inquiétude, ni angoisses, ni peines, ni désirs,
si dans mes yeux brille la rosée des larmes,
c’est parce que j’ai fait l’effort de rire autant…
***
Despecho
¡Ah, qué estoy cansada! Me he reído tanto,
tanto, que a mis ojos ha asomado el llanto;
tanto, que este rictus que contrae mi boca
es un rastro extraño de mi risa loca.
Tanto, que esta intensa palidez que tengo
(como en los retratos de viejo abolengo)
es por la fatiga de la loca risa
que en todo mi cuerpo su sopor desliza.
¡Ah, qué estoy cansada! Déjame que duerma;
pues, como la angustia, la alegría enferma.
¡Qué rara ocurrencia decir que estoy triste!
¿Cuándo más alegre que ahora me viste?
¡Mentira! No tengo ni dudas, ni celos,
Ni inquietud, ni angustias, ni penas, ni anhelos,
Si brilla en mis ojos la humedad del llanto,
es por el esfuerzo de reírme tanto…
(Juana de Ibarbourou)
This entry was posted on 19 septembre 2016 à 2:43 and is filed under poésie. Tagué: (Juana de Ibarbourou), étrange, bouche, briller, dépit, désir, dormir, doute, effort, envie, fatigue, fou rire, inquiétude, joyeux, larme, mensonge, pâleurangoisse, peine, rictus, rire, rosée, trace, triste. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, ou trackback from your own site.
jeanbaptistebesnard said
Je préfère l’image « la rosée des larmes » à la stupide notation « derrière les assiettes vides »
arbrealettres said
😉 on ne va pas en faire tout un plat ? 😉 😉 😉
jeanbaptistebesnard said
Très drôle. Ou une grosse marmite accrochée à la crémaillère dans laquelle mijote la bonne soupe d’autrefois dans la cheminée.
arbrealettres said
oui souvenirs aussi de toute cette ambiance.. et l’âtre qui réchauffait les briques qui nous tenaient bien au chaud les nuits d’hiver 🙂