L’ARMOIRE NORMANDE (Robert Campion)
Posted by arbrealettres sur 26 décembre 2016
L’ARMOIRE NORMANDE
Près de la huche, sous le chaume
Où fleurit Jeanne ainsi qu’un lis,
Comme la reine du royaume
Se tient l’armoire du pays.
C’est le bijou de la famille,
Un ancêtre le cisela ;
C’est aussi la dot d’une fille,
Ce vieux grand meuble que voilà.
Elle est solidement montée :
Sa ferrure est en fer forgé,
Et de sa corbeille sculptée
Pas une rose n’a bougé.
En ses rosaces se marie
L’églantine aux fleurs du pommier,
Et la tourterelle apparie
Son rêve au rêve d’un ramier.
Chacune de ses quatre planches
Supporte de beaux draps de lin,
Des nappes, des chemises blanches,
Des robes, des rubans sans fin.
Et tout en haut, touchant le faîte,
Encore animé d’un frisson,
Gît le bonnet des jours de fête,
En dentelle et point d’Alençon.
Elle est en chêne fin, si grande
Qu’on y pourrait dormir à deux
Et qu’il n’est pas une Normande
Qui n’y cache son amoureux.
En ses tiroirs sont les reliques
Du vieux et du bon temps passé,
Des médaillons, des bucoliques
Et les cheveux d’un trépassé.
Quand il faudra marier Jeanne,
Je veux qu’en plus de son trousseau
Elle ait mes chandeliers, mon âne,
Mon armoire à double panneau.
Sa richesse serait complète,
Si dans le coin du souvenir
Elle y trouvait une layette
Pour mon petit-fils à venir.
(Robert Campion)
Qu'est-ce que ça vous inspire ?