SE PROMÈNENT LES BELLES (Carlos Drummond de Andrade)
Posted by arbrealettres sur 9 mai 2017
Illustration: Angelo Garino
SE PROMÈNENT LES BELLES
Se promènent les belles, l’après-midi, sur l’Avenue
qui n’est pas une avenue, mais un long chemin blanc
où les robes roses vont laissant,
non, elles ne laissent nulle ombre, c’est en moi qu’elles en laissent.
Se promènent, l’après-midi, les belles sur l’Avenue.
Sont-elles aussi belles que je les vois, ou plus encore?
À leur seul passage, au seul souvenir de leur passage, la beauté
en elles se plante éternellement, dague d’or.
Se promènent sur l’Avenue, l’après-midi, les belles,
les toujours belles dans l’avenir le plus lointain.
Elles foulent de la fine semelle et du talon haut
de leurs souliers de satin le temps et le rêve.
L’après-midi, sur l’Avenue, se promènent les belles,
le sein voilé soigneusement mais palpitant
la jambe dissimulée, mais Dieu sait les lignes perturbatrices
qu’engendrent les rythmes, et le chemin blanc est tout rythme.
Sur l’Avenue, se promènent les belles, l’après-midi,
dans la ville haute qui au milieu des arbres s’apprête
pour son sommeil de huit heures du soir et ne sait pas que les belles
laissent sans sommeil, la nuit entière, un enfant ébloui.
(Carlos Drummond de Andrade)
Recueil: La machine du monde et autres poèmes
Traduction: Didier Lamaison et Claudia Poncioni
Editions: Gallimard
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