LE GRAND LIVRE (Lionel Ray)
Posted by arbrealettres sur 5 septembre 2017
LE GRAND LIVRE
Quelque part dans un tuyau d’orgue
dans les carafes et le sang des libellules
dans les villes mentales
et la ménagerie des fantômes
On est allé. on s’est dissous
dans l’étonnement. on a postulé
le coeur de la terre. puis on s’est tu
avec le couteau qui se repose.
Quelque part dans la résine ou les pépins de pomme
dans des ferveurs d’hirondelle
dans une serpillière et la trompette qui éclate
dans l’écurie aux morsures fraîches
On s’est frayé un chemin égarant.
On s’est repu de patience et de nuages
et d’obscurité sans limites.
On s’est évanoui dans la splendeur.
Quelque part dans le bois ou l’espèce de sourire
des chaises fracassées. dans la langue affaiblie
des violettes. dans la main froide des étrangers
et les petites créatures paisibles.
Dans le chant limpide des fenêtres
et la poussière vivante. dans le moustique scintillant.
les stèles, les arcs. et le fouet des tempêtes.
dans la sphère exacte de la bulle.
On s’est inscrit. on s’est enfoui. on a germé.
on est devenu la Terre.
on s’est rassemblé. on s’est accepté.
on a regardé le Grand Livre.
(Lionel Ray)
Recueil: Le nom perdu
Editions: Gallimard
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