Absence (Jorge Luis Borges)
Posted by arbrealettres sur 12 octobre 2017
Absence
Il me faudra soulever la vaste vie
qui est encore ton miroir:
il me faudra le reconstruire chaque matin.
Depuis que tu es partie
combien d’endroits sont-ils devenus vains
et dénués de sens, pareils
à des lumières dans le jour.
Soirs qui furent abri pour ton image,
musiques où toujours tu m’attendais,
paroles de ces temps-là,
il me faudra les briser avec mes mains.
Dans quel creux cacherai-je mon âme
pour ne pas voir ton absence
qui, comme un soleil terrible, sans couchant,
brille définitive et impitoyable?
Ton absence m’entoure
comme la corde autour de la gorge.
La mer où elle se noie.
(Jorge Luis Borges)
Recueil: Quand on n’a que l’amour
Editions: Bruno Doucey
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