Arbrealettres

Poésie

Jamais l’amour ne fut plus loin (Alain Borne)

Posted by arbrealettres sur 7 décembre 2017



Illustration: Paul Delvaux
    
Jamais l’amour ne fut plus loin
les femmes cachent leur sexe de leurs mains sanglantes
et leur visage blanc n’est plus le soleil
ni même la dernière étoile errante.

La nuit est pleine comme le cour d’un fruit sans graine
et tourne une couronne noire trop grande pour mon front
les femmes ne se couchent plus pour la joie
les femmes ne tendent plus de pièges
les femmes ne vêtent plus leurs entrailles
ne voilent plus leurs lèvres du cri de leur désir
les femmes sont en silence.

Où sont les bien-aimées de ma jeune journée
les enfants du matin, les filles transparentes
les fileuses d’amour sous leur quenouille blonde
la saison neuve durcit son poing sur mon écorce
voici l’été et le bateau croulant dans un soir de galère
vieilles amies de ma chair, restez dans le passé
qui vous garde si belle.

Qu’êtes-vous devenues, embarquées avec moi dans les plis de la mort ?
que la voile noire nous tienne serrés
je ne vois plus qu’elle et votre odeur n’a plus de trouble
je découvre sous l’eau qui troue votre visage
et fait jouer le ciel sous vos cils de combat
l’effigie même de notre reine.

Votre fard coule de chair, votre tunique est décousue de sang
vos os sont nus que le plaisir a nettoyés
comme un chacal aux dents précises
vous êtes nues, hottes d’ivoire, berceaux d’entrailles
doux autrefois de mon amour.

(Alain Borne)

 

Recueil: Oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Curandera

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