Exil doré (Jean Royère)
Posted by arbrealettres sur 14 août 2018
Exil doré
J’ai retiré mon âme au manoir du Silence ;
J’ai fait derrière moi sonner les gonds d’airain.
Nul ne viendra troubler ma solitude immense,
Nul ne viendra souiller mon vierge souterrain !
Les rumeurs de la vie expirent à ma porte :
Mon parc est sans ramage et mon mur sans échos.
J’ai ravagé les nids que le printemps m’apporte,
Et, de mon lourd donjon, j’ai chassé les corbeaux.
Nulle clarté d’emprunt n’illumine mes salles,
Ni lustres aux plafonds, ni torches aux piliers ;
Seuls, les rayons du jour, bondissant sur les dalles,
Ruissellent à travers mes larges escaliers.
Puis, la Nuit lentement accroche ses pans d’ombre
Aux chapiteaux massifs des pilastres géants ;
Le manoir, tout entier, dans les ténèbres sombre,
Partout on voit s’ouvrir des abîmes béants.
J’aime mes murs déserts comme un rustre ses landes ;
J’y savoure, à l’écart, la douceur du relais,
Les Heures, le front ceint de fleurs et de guirlandes,
Y tissent mon destin d’allégresse et de paix.
Et je ne suis pas seul dans ce palais féerique,
Bien que nul importun n’y pénètre jamais,
Car le Rêve y déploie, étrange et magnifique,
Sa verte frondaison en superbes forêts.
(Jean Royère)
Cochonfucius said
Manoir des utopistes
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Cet édifice est en un plaisant lieu,
Bien loin de nous l’idée de nous en plaindre ;
Nous y vivons sans guère nous contraindre,
Tout est facile, et tout est pour le mieux.
Nous sommes tous de braves petits vieux
Dont les travers sont amusants à peindre ;
De travailler nous ne savons pas feindre,
Ne pas agir, c’est correct, à nos yeux.
La muse vient jusqu’ici nous distraire,
Mais d’autres jours, nous restons solitaires.
Heureux aussi d’attendre son retour.
Les soirs d’hiver, la rime nous enivre,
Car c’est cela, vraiment, qui nous fait vivre ;
Et le bon vin, disons-le sans détour.