Des moineaux qui nourrissent leurs petits.
Se coucher seule dans une chambre délicieusement parfumée d’encens
S’apercevoir que son miroir de Chine est un peu terni.
Une nuit où l’on attend quelqu’un.
Tout à coup, on est surpris par le bruit de l’averse que le vent jette contre la maison.
Qui a marché sur ces terres,
Qui a arpenté ces champs détrempés par le sang,
Qui a rêvé par ces routes ?
N’était-ce pas — attends — Peter Bezruc,
quand il composait les chants de Silésie,
Ces poèmes graves, pleins de plomb ?
Je regardais : un collier d’acier,
Oh, et du sang — oh — du sang affreux
Qui dégouttait comme du plomb,
De sorte que le champ en rougit,
Que la route en rougit.
« Peter Bezruc, attends! attends !
Moi aussi comme toi j’ai un collier
Et à moi aussi
Le sang dégoutte des lèvres éclatées! »
Peter avance, encadré par les policiers.
Ils attendent qu’il ploie,
Qu’il courbe l’échine —
Et au tournant, la voisine :
» Peter, Peter ! » Et elle éclate en sanglots.
Mais Peter ne se courbe pas.
Que sont la souffrance et la mort
A qui se meurt pour la Justice!
Qui a marché sur ces terres ?
Il ressemblait tout à fait à Peter,
Le sang de sa bouche dégouttait,
Il portait les montagnes sur ses épaules;
Et il a haussé les épaules
Et les montagnes ont résonné;
Et il a replié son bras,
Et les fers se sont brisés,
Et il a ouvert ses bras,
Et cela a tonné dans les carrières.
Qui a marché sur ces champs
Tel un bon agneau blanc,
Et n’a pas même soufflé mot,
Quand on l’a conduit au cachot ?
Frottant contre la toile
son front couvert d’encre très noire
travaille un peintre chinois
faiseur de lac
monts et nuages
puis il se lave en riant
près des femmes à peau de safran
qui voudraient retenir
dans leur rêve aigu
cieux et terres.
Epique, aigre, de petit bois et sur les dents
Cette époque écoute le fracas des naufrages
Les marées têtues de la fièvre.
Elle grandit au milieu des statues,
Elle enfante des spectres et des machines.
Son âme, pour ne pas rouiller, est peinte au minium,
C’est la couleur du sang,
Du sang magique et secret qui bat sans fin
Dans les artères aveugles et soudées.
Les bivouacs ont peur de fermer l’oeil
Dans les avoines gorgées de nuit
Et les hommes pour gagner le ciel
Amarrent les cathédrales égarées dans ce siècle.
C’est l’heure où l’haleine des prairies
Entre dans les chambres des jeunes filles
Et souffle sur les braises du désir.
Avec tout cet acier qui se fabrique chaque nuit,
Avec ses terreurs, ses sortilèges, ses massacres,
Cette époque, je vous la laisse
Pour les maigres fleurs rousses des champs.