VERS DE HAUTES PORTES (Marc Chagall)
Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2019
Illustration: Marc Chagall
VERS DE HAUTES PORTES
Seul est mien ce pays
Qui se trouve en mon âme;
Comme un familier, sans papiers,
Je m’y rends.
Il voit ma tristesse et ma solitude,
Il me couche pour m’endormir,
Me recouvrant d’une pierre d’odeurs.
Un vert jardin fleurit en moi, des fleurs imaginées,
En moi mes propres rues s’étendent.
Les maisons manquent
Depuis le temps de mon enfance elles sont en ruines,
Leurs habitants s’égarent dans les airs,
Ils cherchent un logis, ils vivent dans mon âme.
Voici pourquoi quelquefois je souris
Quand le soleil scintille à peine,
Ou bien je pleure
Comme une pluie légère dans la nuit.
Je me souviens d’un temps
Où je portais deux têtes…
C’était un temps
Où les deux têtes
Se couvraient d’un voile d’amour,
Se dissipaient comme le parfum d’une rose.
Il me semble à présent
Que même en revenant sur mes pas
J’avance
En direction de hautes portes
Qui cachent un chaos de murs
Où les tonnerres abattus passent leurs nuits
Et les éclairs brisés.
(Marc Chagall)
Traduction:
Editions: Gallimard
Cochonfucius said
Penseur bicéphale
———
Ce monstre, il eut deux chefs aux cervelles ardentes,
Il les avait déjà quand il était petit ;
Cet être infortuné montre un double appétit,
De plus il dit toujours des choses redondantes.
Quand ses deux paires d’yeux fixent une passante,
Elle pense aussitôt « Cet homme est mal loti » ;
Puis son double désir est bien vite amorti,
Même si la donzelle est assez ravissante.
Ses deux cerveaux, pourtant, se font une raison,
Retournant bouquiner dans leur pauvre maison ;
Dans le jardin s’étiole une maigre verdure.
On trouve pire encore en ce vaste univers,
Témoin le tricéphale aux trois visages verts ;
Ce sont des mutations qui depuis longtemps durent.