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Poésie

BESTIAIRE DE LA VAGUE VENUE ME VOIR À NICE DE LA PART DE MON AMI LE POÈTE JULES SUPERVIELLE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 26 juin 2020



Illustration
    
BESTIAIRE DE LA VAGUE VENUE ME VOIR À NICE DE LA PART DE MON AMI LE POÈTE JULES SUPERVIELLE

Une vague entre en hésitant
une vague entre des milliers
Elle entre et court dans la maison
toute légère et chuchotant
monte et descend les escaliers
d’un pas prudent plein de poissons
s’excusant d’être si mouillée
et d’un bleu si déconcertant
et d’avoir tellement à dire
qu’elle en a peut-être oublié
ce qui est le plus important
et qui l’empêche de dormir

De Montevideo à Nice
il y a tant de ciel et d’eau
tant de navires feux éteints
et tant d’épaves qui pourrissent
tant de bateaux tant de radeaux
qu’une vague y perd son latin
même en se dépêchant très fort
même en marmonnant jour et nuit
entre les lames et le vent
même en sautant par-dessus bord
des grandes cheminées de suie
qu’elle rencontre à son avant

Une vague entre en hésitant
et danse et saute autour de moi
entre la table et le fauteuil
toute confuse et me léchant
grand épagneul d’eau et de soie
qui pose sur moi son gros oeil
cherchant à faire pardonner
d’avoir oublié en chemin
ce que le poète avait dit
une grosse vague étonnée
qui lèche doucement ma main
comme elle fit à mon ami
il y a des mois des années.

(Claude Roy)

 

Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

2 Réponses vers “BESTIAIRE DE LA VAGUE VENUE ME VOIR À NICE DE LA PART DE MON AMI LE POÈTE JULES SUPERVIELLE (Claude Roy)”

  1. En perdition
    ———-

    Navires traversant une rade ignorée,
    Je vois qu’ils sont passés par de mauvais moments ;
    Un ondin les tourmente avec acharnement,
    Une sirène aussi, par le Diable inspirée.

    L’aumônier aux marins donne les sacrements,
    Par lesquels sont un peu leurs âmes rassurées ;
    Même, cela fait fuir la sirène apeurée,
    Mais l’ondin, quant à lui, s’en moque franchement.

    Ces nefs, que l’on avait joyeusement lancées,
    Se sont, dès leur départ, dans la brume enfoncées,
    Vivement propulsées par les vents de travers.

    Matelot, dans le vin veux-tu tremper tes lèvres ?
    À ces pénibles jours de panique et de fièvre,
    De plus puissant remède on n’a pas découvert.

    • Bois flotté
      ——–

      L’arbre qui me portait continue d’exister,
      Mais vainement vers lui mon âme vagabonde ;
      Je sais bien qu’il s’agit d’une quête inféconde
      Et que je cherche en vain, dans cette immensité.

      Sur la plage le flux pourrait me rejeter,
      Comme il le fait parfois d’une nef moribonde ;
      Il pourrait me porter aux terres qu’il inonde,
      Aux lieux qu’il rafraîchit au plus fort de l’été.

      Tout cela, c’est très clair pour mon esprit lucide,
      Et cela ne saurait me pousser au suicide ;
      Dans la sérénité tu me vois dérivant.

      Je suis le bois flotté, le débris solitaire,
      Guidé par les démons du ciel et de la terre ;
      Ce vieux corps fatigué n’est ni mort, ni vivant.

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