Arbrealettres

Poésie

Aux arbres (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 12 janvier 2021




    

Aux arbres

Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous! – vous m’avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour.
La contemplation m’emplit le coeur d’amour.
Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l’esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l’oeil dans l’herbe profonde,
L’étude d’un atome et l’étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m’avez vu fuir l’homme et chercher Dieu!
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s’élance,
Et je suis plein d’oubli comme vous de silence!
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours, – je vous atteste, ô bois aimés du ciel! –
J’ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère!

Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des antres sourds,
Ravins où l’on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives!
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime!
Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt! c’est dans votre ombre et dans votre mystère,
C’est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m’endormirai.

(Victor Hugo)

 

Recueil: Cent poèmes de Vivtor Hugo
Traduction:
Editions: Omnibus

2 Réponses vers “Aux arbres (Victor Hugo)”

  1. Trois jeunes arbres
    ————

    Nous avons partagé les printemps, les automnes
    Et les autres saisons avec tous les vivants ;
    Nous avons écouté la romance du vent
    Et celle du clocher qui au village sonne.

    Nous accompagnons ceux que la vie abandonne
    Et ceux qui ont des nuits et des jours éprouvants ;
    Nous écoutons aussi leurs récits émouvants
    Ou les refrains légers que leur âme fredonne.

    Ici croît un bouleau à l’écorce d’argent
    Qui à mille sujets tout le jour va songeant,
    Laissant vagabonder sa pensée incertaine.

    Au long d’un vert sentier passe un petit ours brun ;
    Sans doute il ira voir sa promise lointaine
    Dont son coeur croit déjà respirer le parfum.

  2. Arbres du roi
    ———

    Trois arbres ont poussé dans une cour carrée,
    Plantés par mon grand-père, il y a bien longtemps ;
    Ils furent de ma part l’objet de soins constants,
    Leur croissance par rien ne fut contrecarrée.

    Leurs dryades, vois-tu, elles sont délurées,
    Avec elles je vis des moments épatants ;
    Je n’en abuse point, car je n’ai plus vingt ans,
    Les efforts que je fais sont de courte durée.

    Elles sont courtisées par un trio de dieux
    Qui sont plus dessalés que les anges des cieux ;
    Avec ceux-là, c’est bref, c’est ardent, c’est intense.

    Un démon d’inframonde ici s’est fourvoyé,
    Lequel a vainement son charme déployé ;
    Pour elles, ces gaillards sont de peu d’importance.

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