HOSPES COMESQUE (Marguerite Yourcenar)
Posted by arbrealettres sur 11 mars 2022
Illustration: Ernest Pignon-Ernest
HOSPES COMESQUE
Corps, portefaix de l’âme, en qui peut-être croire
Serait plus vain, cher corps, que de ne t’aimer pas;
Coeur sans fin transmuté dans ce vivant ciboire;
Bouche toujours tendue aux plus récents appâts.
Mers où l’on peut voguer, sources où l’on peut boire;
Froment et vin mêlés au rituel repas;
Alibi du sommeil, douce cavité noire;
Inséparable terre offerte à tous nos pas.
Air qui m’emplis d’espace et m’emplis d’équilibre;
Frissons au long des nerfs; spasmes de fibre en fibre;
Yeux sur l’immense vide un peu de temps ouverts.
Corps, mon vieux compagnon, nous périrons ensemble.
Comment ne pas t’aimer, forme à qui je ressemble,
Puisque c’est dans tes bras que j’étreins l’univers ?
(Marguerite Yourcenar)
Traduction:
Editions: Gallimard
Cochonfucius said
Dolmen tombal
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Autour du monument, nulle présence humaine,
Même les animaux ces parages ont fui :
Sinistres sont les jours, infernales les nuits,
Porteuse de malheur est l’eau e la fontaine.
À minuit l’on entend pleurer une âme en peine,
Mais tu ne verras rien sous la lune qui luit;
Dix mille feux follets sont par l’enfer conduits,
Garde-toi d’écouter leur triste cantilène.
Les morts sont délivrés de leurs terrestres liens,
Cependant, pour longtemps l’inframonde les tient ;
Leur soif de liberté n’est donc pas assouvie.
Aussi, je ne suis pas pressé de m’en aller ;
Tant qu’il me reste un peu de pente à dévaler,
Tu ne m’entendras pas me plaindre de la vie.