Arbrealettres

Poésie

La Béatrice (Charles Baudelaire)

Posted by arbrealettres sur 16 juillet 2022


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Dans des terrains cendreux, calcinés, sans verdure,
Comme je me plaignais un jour à la nature,
Et que de ma pensée, en vaguant au hasard,
J’aiguisais lentement sur mon cœur le poignard,
Je vis en plein midi descendre sur ma tête
Un nuage funèbre et gros d’une tempête,
Qui portait un troupeau de démons vicieux,
Semblables à des nains cruels et curieux.
A me considérer froidement ils se mirent,
Et, comme des passants sur un fou qu’ils admirent,
Je les entendis rire et chuchoter entre eux,
En échangeant maint signe et maint clignement d’yeux :

—«Contemplons à loisir cette caricature
Et cette ombre d’Hamlet imitant sa posture,
Le regard indécis et les cheveux au vent.
N’est-ce pas grand’pitié de voir ce bon vivant,
Ce gueux, cet histrion en vacances, ce drôle,
Parce qu’il sait jouer artistement son rôle,
Vouloir intéresser au chant de ses douleurs
Les aigles, les grillons, les ruisseaux et les fleurs,
Et même à nous, auteurs de ces vieilles rubriques,
Réciter en hurlant ses tirades publiques ?»

J’aurais pu (mon orgueil aussi haut que les monts
Domine la nuée et le cri des démons)
Détourner simplement ma tête souveraine,
Si je n’eusse pas vu parmi leur troupe obscène,
Crime qui n’a pas fait chanceler le soleil!
La reine de mon cœur au regard non pareil,
Qui riait avec eux de ma sombre détresse
Et leur versait parfois quelque sale caresse.

(Charles Baudelaire)

Une Réponse vers “La Béatrice (Charles Baudelaire)”

  1. Nef à la dérive
    ———-

    La vague se soulève et le nuage crève,
    Qui depuis ce matin au ponant se forma ;
    Entends battre la voile, entend craquer le mât,
    Neptune de ses coups nous harcèle sans trêve.

    Ce voyage, au départ, était comme un beau rêve,
    Mais de mauvais desseins l’océan s’anima ;
    Trompeuse avait été la douceur du climat,
    Il aurait mieux valu ne point quitter la grève.

    Nous étions bien peinards, buvant sous une treille,
    Admirant la serveuse et ses lèvres vermeilles ;
    En l’aimable taverne il faisait bon s’asseoir.

    Mais la noire bourrasque a déchiré les voiles,
    J’entends hurler le vent, le ciel n’a pas d’étoiles,
    Les requins nous auront pour leur repas du soir.

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