Les anges (Christian Bobin)
Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2022
Illustration: Giovanni Giacometti
Les anges Nella
ne sont pas
comme on voit dans la peinture
des serviteurs aux mains de femme
des messagers aux manières tendres
aux ailes sucrées
Les anges c’est vrai nous amènent quelque chose
mais avant de l’amener
il leur faut débarrasser notre coeur
de tout ce qui l’encombre
comme on passe une éponge sur la table
avant d’y déplier une dentelle
une soie très fragile
qu’un rien pourrait salir
Les anges comme je les sais
n’ont qu’un seul travail
qui est d’arrêter de suspendre
interrompre la vie ordinaire
l’eau courante de la vie
comme on dresse un barrage sur un fleuve
pour avoir un peu plus d’eau d’énergie
Après on peut reprendre poursuivre
après on peut entendre
la bonne nouvelle
de vivre
après seulement
Les anges ne sont pas des personnes
ne sont que des silences
de purs silences gardiens
On peut en voir souvent
si on regarde bien
dans les jardins publics
auprès d’une femme
penchée sur son enfant
ou d’un arbre
incliné sur son ombre
(Christian Bobin)
Recueil: La Vie Passante
Editions: Fata Morgana
This entry was posted on 30 novembre 2022 à 5:33 and is filed under méditations, poésie. Tagué: (Christian Bobin), aile, amener, ange, arbre, éponge, barrage, coeur, débarrasser, dentelle, eau, encombrer, enfant, femme, fleuve, fragile, gardien, interrompre, jardin, main, messager, ombre, ordinaire, peinture, personne, poursuivre, reprendre, serviteur, silence, soie, sucre, suspendre, tendre, travail, vie, vivre, voir. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, ou trackback from your own site.
Cochonfucius said
Ange d’ombre
———-
Mon âme est de faux or,
Mon esprit est fait d’ombre ;
J’aime les endroits sombres,
Où rôde Belphégor.
Même en vie, je suis mort,
Mon coeur n’est que décombres ;
Tu vois, je suis du nombre
Des fantômes sans corps.
Voulant planer, je tombe
Vers un terrain maudit
Où s’ouvrira ma tombe.
D’ailleurs, je le mérite,
Un criquet me l’a dit ;
Car je fus sybarite.
Cochonfucius said
Ange balistique
——–
Mon vol est fait de paraboles,
Mais toujours j’évite de choir ;
Mon langage est fait d’hyperboles
Ou de charades à tiroirs.
Au coeur des forêts de symboles,
Je traverse un obscur miroir ;
Une reine m’offre une obole
Pour conjurer sa peur du noir.
Certains jours mes ailes font grève,
Ça me fait une pause brève ;
Le lendemain je vole mieux.
Enfin je me place en orbite
Autour du bel astre où j’habite ;
Presque je me prends pour un dieu.