La poésie n’est plus l’attribut du poème,
mais un attribut caché de ce qui existe,
son horizon dans l’âme des hommes,
c’est-à-dire l’horizon, dans ce qui aspire à l’être,
de ce qui aspire à la mort.
Nous n’avons plus à cristalliser la beauté dans le vase clos d’une oeuvre,
nous portons en nous la cristallisation poétique de tout ce qui est manifesté.
L’amour du réel n’est que le pressentiment de la beauté à y dévoiler.
L’image, l’acte poétique vaudront par le changement qu’ils seront susceptibles d’opérer dans la vision.
Dans une terre grasse et pleine d’escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l’oubli comme un requin dans l’onde.
Je hais les testaments et je hais les tombeaux;
Plutôt que d’implorer une larme du monde,
Vivant, j’aimerais mieux inviter les corbeaux
A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.
O vers! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,
A travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s’il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts!
Dans le grand labyrinthe où je cherchais ma vie,
Volant de feu en flamme comme un grand oiseau ivre,
Parmi les dieux déchus et les pauvres amis,
J’ai cherché le vertige en apprenant à vivre.
J’ai cheminé souvent, les genoux sur la terre,
Le regard égaré, embrouillé par les larmes,
Souvent par lassitude, quelquefois par prière,
Comme un enfant malade, envoûté par un charme.
Dans ce grand labyrinthe, allant de salle en salle,
De saison en saison, et de guerre en aubade,
J’ai fait cent fois mon lit, j’ai fait cent fois mes malles,
J’ai fait cent fois la valse, et cent fois la chamade.
Je cheminais toujours, les genoux sur la terre,
Le regard égaré, embrouillé par les larmes,
Souvent par lassitude, quelquefois par prière,
Comme un enfant rebelle qui dépose les armes.
Mais un matin tranquille, j’ai vu le minotaure
Qui me jette un regard comme l’on jette un sort.
Dans le grand labyrinthe où il cherchait sa vie,
Volant de feu en flamme, comme un grand oiseau ivre,
Parmi les dieux déchus et les pauvres amis,
Il cherchait le vertige en apprenant à vivre.
Il avait cheminé, les genoux sur la terre,
Le regard égaré, embrouillé par les larmes,
Souvent par lassitude, quelquefois par prière,
Comme un enfant rebelle qui dépose les armes.
Dans ce grand labyrinthe, de soleil en soleil,
De printemps en printemps, de caresse en aubaine,
Il a refait mon lit pour de nouveaux sommeils,
Il a rendu mes rires et mes rêves de reine.
Dans le grand labyrinthe, de soleil en soleil,
Volant dans la lumière, comme deux oiseaux ivres,
Parmi les dieux nouveaux et les nouveaux amis,
On a mêlé nos vies et réappris à vivre…
Tiens-moi dans ta main inconnue
et ne me lâche pas.
Conduis-moi par des ponts brillant de la lumière du matin
dessus les abîmes vertigineux
où tu tiens l’obscurité captive.
Mais l’obscurité ne peut longtemps être tenue captive.
Bientôt ce sera soir au-dessus de tes ponts
et nuit.
Et peut-être serai-je très seul.
***
Håll mig i din okända hand
och släpp mig inte.
För mig på morgonljusa broar
över de svindlande djup
där du håller mörkret fängslat.
Men mörkret fängslar man inte länge.
Snart skall det vara afton över dina broar
och natt.
Och kanske skall jag vara mycket ensam.
De tout ce que tu as vu
entendu
énoncé
mangé
bu
éprouvé
rêvé
qu’est-ce qui prime
la réalité vécue
de l’instant révolu
ou la version créatrice
qu’en dessine sans tarder
la mémoire ?
(Abdellatif Laâbi)
Recueil: Tribulations d’un rêveur attitré
Traduction:
Editions: La Différence
L’amour, c’est cela l’essentiel.
Le sexe n’est qu’un accident.
Il peut être identique
ou différent.
L’homme n’est pas un animal :
C’est une chair intelligente
Parfois malade cependant.