Une famille des plus charmantes
Trois enfants maman papa
Partit un beau jour de Nantes
Pour visiter le Canada
Fixant leur itinéraire
Après maintes réflexions
Ils choisirent pas ordinaire
Ces moyens de locomotion
C´est ainsi qu´avant de partir
Ils chantaient pour se divertir
{Refrain:}
Nous irons à Toronto
En auto
Nous irons à Montréal à cheval
Nous traverserons Québec à pied sec
Nous irons à Ottawa en oua oua
Nous irons à Valleyfield sur un fil
Nous irons à Trois Rivières en litière
Passant par Chicoutimi
Endormis
Nous irons au lac Saint-Jean en nageant
Voilà! Voilà!
Un beau voyage un beau voyage
Voilà! Voilà!
Un beau voyage au Canada!
Oui mais parfois c´est étrange
On ne fait pas toujours ce qu´on veut
Bien souvent le hasard change
Nos projets les plus heureux
Nos amis furent c´est pas de chance
Victimes d´une distraction
Du chef du bureau de l´agence
Des moyens de locomotion
Et à cause de l´employé
Qui s´était trompé de billets
Ils allèrent à Toronto
En nageant
Ils allèrent à Montréal endormis
Ils se rendirent à Québec en litière
Ils allèrent à Ottawa sur un fil
Ils allèrent à Valleyfield à pied sec
Ils allèrent à Trois Rivières en oua oua
Passant par Chicoutimi à cheval
Ils plongèrent dans le lac Saint-Jean en auto
Voilà! Voilà!
Un beau voyage au Canada!
Depuis ce temps-là
Messieurs dames
Les voyageurs ont compris
Pour éviter bien des drames
Il faut à n´importe quel prix
Contrôler dans les agences
Les billets de locomotion
Si vous partez en vacances
La plus simple des précautions
C´est de chanter mon petit air
Mon petit air itinéraire
Philosophes hardis, qui passez votre vie
À vouloir expliquer ce qu’on n’explique pas,
Daignez écouter, je vous prie,
Ce trait du plus sage des chats.
Sur une table de toilette
Ce chat aperçut un miroir ;
Il y saute, regarde, et d’abord pense voir
Un de ses frères qui le guette.
Notre chat veut le joindre, il se trouve arrêté.
Surpris, il juge alors la glace transparente,
Et passe de l’autre côté,
Ne trouve rien, revient, et le chat se présente.
Il réfléchit un peu : de peur que l’animal,
Tandis qu’il fait le tour, ne sorte,
Sur le haut du miroir il se met à cheval,
Deux pattes par ici, deux par là ; de la sorte
Partout il pourra le saisir.
Alors, croyant bien le tenir,
Doucement vers la glace il incline la tête,
Aperçoit une oreille, et puis deux… à l’instant,
À droite, à gauche il va jetant
Sa griffe qu’il tient toute prête :
Mais il perd l’équilibre, il tombe et n’a rien pris.
Alors, sans davantage attendre,
Sans chercher plus longtemps ce qu’il ne peut
Comprendre,
Il laisse le miroir et retourne aux souris :
Que m’importe, dit-il, de percer ce mystère ?
Une chose que notre esprit,
Après un long travail, n’entend ni ne saisit,
Ne nous est jamais nécessaire.
Viens, toi, chanson d’amour,
Du coeur des éléments,
Sur l’aile de l’orage,
Dans le hurlement des cyclones.
Viens des abîmes de la nuit,
A cheval sur les tourbillons,
Avec le bouillonnement des eaux profondes,
Que t’amènent les pâtres de l’air
En troupeaux d’étoiles
Aboyées par le tonnerre.
Viens,
Tourbillon de démons,
Chair des nuages
Fouettée par l’éclair,
Brisée sur l’échine des ténèbres.
Viens, taureau du crépuscule
Déchiré par la dent-faucille de la lune
Apparue aux gencives du ciel.
Viens,
Frémissement de l’aube,
Avec, sur la tête, la javelle d’or du soleil,
Réveille
Le nénuphar sur le lac,
La tourterelle dans son nid
La voix de
l’usine dans sa poitrine de métal,
La jeune fille dans les bras du sommeil,
Les ivrognes dans la lie du vin,
L’amoureuse dans
sa chair enlacée,
Les abeilles dans la chaleur de la ruche.
Viens sur mille sentiers,
Neige fondue,
Pluie mêlée au soleil,
Herbe folle écartelant la terre,
Feuille tombée,
Raisins au pressoir,
Balbutiement du moût dans les tonneaux,
Cristallise-toi d’un coup
Dans les mots murmurés par l’homme
A l’oreille de la bien-aimée,
Enveloppés dans un baiser,
A peine compris,
Frêles et chauds :
Je suis près de toi.
Maman, plus tard, moi je serai
blanchisseur de nuages ou berger d’oiseaux,
peut-être compteur de gouttes d’eau,
arbitre pour combats d’escargots,
garde du corps pour papillons,
acupuncteur pour hérissons,
clown pour passants fatigués,
imprimeur pour sans-papiers,
décorateur de coccinelles,
empêcheur de tomber du ciel.
Puis, j’inventerai la machine à ne rien faire
qui se tendra en hamac depuis la Terre
vers un point très lointain du vaste univers.
Alors, on m’élira comme la plus lente
et la plus mignonne étoile filante.
Respirant le grand air des galaxies,
à cheval sur l’Ourse, sur la queue de Castor,
employé des affaires privées de l’infini,
je connaîtrai enfin l’âge d’or.
(Carl Norac)
Recueil: Les poèmes ont des oreilles
Traduction:
Editions: Rue du Monde
Par les fentes du vent
entre les mailles des feuillages
dans la faille des falaises
à cheval sur la rafale
vers la croisée des horizons
tu te rues en avant.
Mais c’est l’arbre le nuage
le rocher la mer le mont
l’ombre le poisson l’oiseau
qui s’approche de ton visage
glisse s’approche sans un mot
et t’épargne le passage.
Don Pedro viendra à cheval
Comme un fou quand il saura
Que je suis emprisonnée
Pour avoir brodé son pavillon.
Et si l’on me tue, il viendra
Pour mourir à mon côté,
Car il me l’a dit un soir
En m’embrassant les cheveux;
Il viendra comme un saint Georges
De diamants et d’eau noire,
Laissant flotter en l’air la fleur
Eclatante de sa cape vermeille.
Et parce qu’il est noble et modeste,
Pour que personne ne le voie,
Il viendra au petit matin,
Dans le petit matin frais
Alors que sur l’air obscur
Le citronnier brille à peine
Et que l’ombre dessine dans les vagues
Des frégates d’ombre et de soie.
Je me suis dévêtue pour monter à un arbre ;
mes cuisses nues embrassaient l’écorce lisse et humide;
mes sandales marchaient sur les branches.
Tout en haut, mais encore sous les feuilles et à l’ombre de la chaleur,
je me suis mise à cheval sur une fourche écartée
en balançant mes pieds dans le vide.
Il avait plu. Des gouttes d’eau tombaient et coulaient sur ma peau.
Mes mains étaient tachées de mousse,
et mes orteils étaient rouges, à cause des fleurs écrasées.
Je sentais le bel arbre vivre quand le vent passait au travers;
alors je serrais mes jambes davantage et j’appliquais mes lèvres ouvertes
sur la nuque chevelue d’un rameau.
(Pierre Louÿs)
Recueil: Les chansons de Bilitis
Traduction:
Editions: Gallimard