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Poésie

Posts Tagged ‘aboiement’

L’ATTENTE (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023



Illustration: Serguéï Andréïévitch TOUTOUNOV
    
L’ATTENTE

Si tu viens pour rester, dit-elle, ne parle pas.
Il suffit de la pluie et du vent sur les tuiles,
il suffit du silence que les meubles entassent
comme poussière depuis des siècles sans toi.

Ne parle pas encore. Écoute ce qui fut
lame dans ma chair : chaque pas, un rire au loin,
l’aboiement du cabot, la portière qui claque
et ce train qui n’en finit pas de passer

sur mes os. Reste sans paroles : il n’y a rien
à dire. Laisse la pluie redevenir la pluie
et le vent cette marée sous les tuiles, laisse

le chien crier son nom dans la nuit, la portière
claquer, s’en aller l’inconnu en ce lieu nul
où je mourais. Reste si tu viens pour rester.

(Guy Goffette)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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TABLEAU MÉTÉOROLOGIQUE (Tomas Tranströmer)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2022



TABLEAU MÉTÉOROLOGIQUE

L’océan d’octobre scintille froidement
avec la nageoire dorsale de ses chimères.

Il n’y a plus rien qui rappelle
le vertige blanc des régates.

Une lueur ambrée sur le village.
Et tous les bruits en fuite lente.

Les hiéroglyphes d’un aboiement ont été dessinés
dans l’air au-dessus du jardin

où un fruit jaune a rusé
avec l’arbre et s’est laissé tomber.

(Tomas Tranströmer)

 
Illustration: ArbreaPhotos

 

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ON NE PARLE QUE DU TEMPS (Jaime Labastida)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2022



sphynge

 

ON NE PARLE QUE DU TEMPS

Que devient la dent féroce,
la fêlure froide des heures,
sinon du temps ? La chair,
pourrie quelques années plus tard, quelques rues
plus loin. Puis vint l’aboiement de l’ombre,
ce chien abstrait lui dévora le visage.

Et le champignon foulé au pied,
négligemment, et la fumée dense
des terrasses, parfaite,
que deviendront-ils, sinon du temps ?
Pas seulement les griffes, ni même
l’horloge, puits ouvert dans un mur
cobalt. Pas seulement le mois qui forme
des rides, ni l’année avec sa queue
de scorpion. Aussi la main
qui trace l’incision de chirurgie,
et celle qui dissèque un organisme vivant.

Je ne parle pas seulement de la seconde prolongée,
irrésolue, qui détruit le coeur ou taille
les pierres. Je parle à peine du temps,
de l’automne qui s’est jeté par terre
pour boire les couleurs du jardin,
de la fleur qui torture
par sa stricte géométrie aveugle.
Temps debout, eau qui lutte
encore contre l’hiver, temps aussi
l’armée assyrienne qui avançait,
comme une forêt de pierre,
sur Ninive, les fleurs dans le parc
de Rodin, temps encore la sphinge
et sa stupeur vide dans une cité
qui ne fut pas faite pour elle, temps
ce groupe de mandrills
qui vénèrent le soleil. Tout saigne
et se meut, tout est temps
et amour, scintillement de l’absence :
ainsi jaillit du sein le lait, le temps.

(Jaime Labastida)

 

 

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Quand j’ai faim tout me nourrit (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2020



Claughton Pellew Valleyevening_Knight
Quand j’ai faim tout me nourrit
racontait cette chanteuse
dont le nom m’est inconnu

Un visage la pluie l’aboiement
d’un chien moi aussi
quand j’ai grande faim

musardant par les rues populeuses
dérivant au gré de mon humeur
je m’emplis de tout ce qui s’offre

Des visages des regards un arbre un nuage
la lumière du jour le sourire d’un enfant
tout est absorbé tout me nourrit

(Charles Juliet)

Découvert chez la boucheaoreilles ici

Illustration: Claughton Pellew

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QUAND (Eugène Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 20 juin 2020



QUAND

Quand peu avant midi
Le soleil est sur la prairie,

Que la chaleur,
Disent les pâquerettes, est bonne
Au niveau de la fleur
Au niveau des racines,

Que le pré est ouvert
A des champs, des landes,
Des chemins, du ciel,

Qu’il y a :
C’est un chant comme c’est du silence,

Que toutes les choses
Ont le temps de se regarder,

Le brin d’herbe
A les dimensions du monde.

II
Quand beaucoup de choses
Au soleil s’acceptent,

Quand on n’a pas envie
De quitter le pré, le talus,

Quand on se sent de connivence
Avec tous les verts,

Avec la barrière et plus loin
Les toits du hameau,

On peut être tenté de se dire
Que la sphère est partout
En train de s’accomplir.

III
Quand la plage vers le soir
Est de la couleur de la mer,

Que la mer
N’est que le prolongement de la plage,

Quand il n’y a de sûr
Que ce gris qui n’est même pas gris,

Ce plan horizontal et, au-dessus de lui,
Le vague hémisphère translucide,

Il faut sortir
De cette espèce d’éternité.

IV
Quand on torture quelque part
Un corps qui ne peut pas
Crier plus fort que lui,

Rien ne le dit.
Le sol

Est comme un autre jour,
L’air aussi, les feuillages,
Les courbes, les couleurs
Et l’aboiement d’un chien
Aux confins de la Beauce.

Mais il est vrai
Que l’on torture tous les jours
Depuis toujours,

Que l’habitude est prise,
Que c’est enregistré
Sans grandes variations.

(Eugène Guillevic)

 

 

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A TRAVERS LES RUELLES SOUILLEES (Gyula Illyès)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2020



 

Otto Dix   Painting 032 [1280x768]

A TRAVERS LES RUELLES SOUILLEES

En courant, j’atteignis la porte,
sur mon front et sur ma poitrine,
les perçant de gouttes alertes,
la terreur soudain s’installa.
J’inspectai le ciel et le rauque
aboiement des armes, tout comme
le pas pressé de mes comparses,
martelait mon coeur. Des étoiles
brillaient bien au-dessus de moi.

Temps lointains, temps d’après l’orage
largement enrichis d’ozone,
vous dont je crois à la venue,
gardez-nous en votre mémoire
hommes et filles d’un bonheur
futur, nous qui nous faufilions
à travers les ruelles souillées,
dans la dispersion et la crainte,
tendant une main hésitante
pleine d’amour à la recherche
d’un chaleureux embrassement
pour qu’en naissent vos âmes fortes.

(Gyula Illyès)

Illustration: Otto Dix 

 

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IN MEMORIAM (Aron Kushnirov)

Posted by arbrealettres sur 5 janvier 2020



Illustration

    

IN MEMORIAM

Meurs mon cri, meurs, car de toute manière
Des cieux tu ne seras même pas écouté.
Par la nuit la nouvelle lune fut pointée
Comme un couteau sur le cou de la terre.

S’étranglera bientôt soi-même le silence
Avec les aboiements exacerbés des chiens,
Mais la nuit ne cessera point ses violences
Et nul à mon aide ne vient.

Alors pour qui, pour qui tombe-t-on à présent,
Pour soi-même et pour vous faut-il demander grâce
Quand tremblantes d’effroi les étoiles se cachent
Dans les plis de fer du torrent ?

Je ne suspendrai pas ma harpe aux branches d’arbre
Mais pour tous les vents j’en jouerai,
Même en rêve déjà je n’ai plus en partage
Un pays de miel et de lait.

Un souriceau dans mon âme grignote,
Pères, aïeux, votre vieux chant s’abat
La semaine – clouant un astre sur sa porte –
Et il verrouille mon propre Shabbat.

Broyez-moi, broyez-moi, minuscules pépins,
Meules des temps passés et des temps à venir
Si seulement ainsi l’étoile du matin
Comme une pomme peut mûrir.

(Aron Kushnirov)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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JOUISSANCE (Giuseppe Ungaretti)

Posted by arbrealettres sur 14 octobre 2019




    
JOUISSANCE

Je me sens la fièvre
de cette
crue de clarté

J’accueille cette
journée comme
le fruit qui s’adoucit

J’aurai
cette nuit
un remords comme un
aboiement
perdu dans
le désert

(Giuseppe Ungaretti)

 

Recueil: Vie d’un homme Poésie 1914-1970
Traduction:
Editions: Gallimard

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JE RENTRE (Philippe Soupault)

Posted by arbrealettres sur 5 avril 2019




    
JE RENTRE

Mon chapeau se cabosse
j’entends maintenant les aboiements récents
la fenêtre m’applaudit aussitôt
et ma table sourit

je regarde au loin le bouton de sonnette
et le vent actif agace mes cheveux
l’être innombrablement ailé je le suis aussitôt
je partis oubliant mon cerveau

(Philippe Soupault)

 

Recueil: Poèmes et Poésies
Traduction:
Editions: Grasset

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Saison fidèle aux Coeurs… (Charles Guérin)

Posted by arbrealettres sur 28 juillet 2018




Saison fidèle aux Coeurs…

Saison fidèle aux coeurs qu’importune la joie,
Te voilà, cher Automne, encore de retour.
La feuille quitte l’arbre, éclatante, et tournoie
Dans les forêts à jour.

Les aboiements des chiens de chasse au loin déchirent
L’air inerte où l’on sent l’odeur des champs mouillés.
Gonflés d’humidité, les prés mornes soupirent
En cédant sous les pieds.

Les oiseaux voyageurs, par bandes, dans les rues,
Emigrent vers le Sud et les soleils plus chauds.
Les laboureurs, penchés sur les lentes charrues,
Couronnent les coteaux.

Le soir, à l’horizon, parfois le ciel est rose ;
Des troupes de corbeaux traversent le couchant.
Dans le creux des sillons de la plaine repose,
Pensive, une eau d’argent.

(Charles Guérin)

Illustration

 

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