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Poésie

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Devant les ruines d’un vieux palais (Du Fu)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Devant les ruines d’un vieux palais

Le ruisseau s’éloigne en bouillonnant, le vent crie sa violence à travers les pins ;
Les rats gris s’enfuient à mon approche et vont se cacher sous les vieilles tuiles.
Aujourd’hui sait-on quel prince éleva jadis ce palais ?
Sait-on qui nous légua ces ruines, au pied d’une montagne abrupte ?
Sous forme de flammes bleuâtres, se montrent des esprits dans les profondeurs sombre
Et, sur la route défoncée, on entend des bruits qui ressemblent à des gémissement
Ces dix mille voix de la nature ont un ensemble plein d’accords,
Et le spectacle de l’automne s’harmonise aussi avec ce triste tableau.
Le prince avait de belles jeunes filles ; elles ne sont plus que de la terre jaune,
Inerte comme l’éclat de leur teint, qui déjà n’était que mensonge ;
Il avait des satellites pour accompagner son char doré,
Et, de tant de splendeurs passées, ce cheval de pierre est tout ce qui reste.
La tristesse m’étreint ; je m’assieds sur l’herbe épaisse,
Je commence des chants où ma douleur s’épanche ;
Les larmes me gagnent et coulent abondamment.
Hélas ! Dans ce chemin de la vie, que chacun parcourt à son tour,
Qui donc pourrait marcher longtemps !

(Du Fu)
(712-770)

 

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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Les eaux montent (Lu Ji)

Posted by arbrealettres sur 7 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Les eaux montent

Mon service prend fin et je descends les marches du palais
Repos du soir — je gagne enfin mes appartements
L’éclair hurlant éclate dans la nuit pleine
Les flèches de lumière vive rayent les ténèbres
De noirs nuages harcèlent les tours vermillonnes
Et le vent frappe le linteau des fenêtres.
L’eau s’écoule bouillonnante par les gouttières du toit
Des flaques jaunes noient les degrés aveugles des terrasses
Les cieux dénués s’engrènent impassibles sans se déchirer
De larges voies d’eau rejoignent abondantes un canal englouti
À Liang et Ying, les cultures meurent sous les flots du ciel
Des paysans vagabonds passent devant les bras furieux du fleuve
Les eaux montent inlassables et changent nos vies en ruine marine.

(Lu Ji)

(261-303)

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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Mais sous vos lettres (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 29 novembre 2022



Illustration: Natasha Wescoat   
    
Mais sous vos lettres
Nella
sous vos lettres je sais bien
ce qui est
et que c’est tout
ou presque
Ce qu’il y a sous vos lettres
c’est ce qui est parfois
entre un homme et une femme
c’est une rivière
et c’est un arbre aussi
planté entre l’homme et la femme
grandi en un seul souffle
abondant souverain
il porte le joli nom de
charme

Je vous écris au pied de cet arbre
souvent aussi je n’écris pas
et c’est sans importance
je dors ou bien je lis

(Christian Bobin)

 

Recueil: La Vie Passante
Editions: Fata Morgana

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Herbe (Bai Juyi)

Posted by arbrealettres sur 13 juillet 2022



Illustration: He Zhihong
    
Herbe

L’herbe verte et abondante qui pousse dans la plaine,
Chaque année flétrit, puis renaît.
Le feu ardent ne peut l’anéantir,
Elle repousse toujours avec le vent printanier.
Son parfum exhale sur les vieux chemins,
Sa couleur verdoyante s’étend jusqu’aux ruines de la ville.
Un nouvel adieu aux amis qui repartent,
Même l’herbe luxuriante renferme la douleur de la séparation.

***

(Bai Juyi)

Recueil: Poèmes de Chine de l’époque dynastique des Tang
Traduction: Guillaume Olive & He Zhihong
Editions: Seuil

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LES ROSES (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2018




    
LES ROSES

1
Si ta fraîcheur parfois nous étonne tant,
heureuse rose,
c’est qu’en toi-même, en dedans,
pétale contre pétale, tu te reposes.

Ensemble tout éveillé, dont le milieu
dort, pendant qu’innombrables, se touchent
les tendresses de ce coeur silencieux
qui aboutissent à l’extrême bouche.

2
Je te vois, rose, livre entrebâillé,
qui contient tant de pages
de bonheur détaillé
qu’on ne lira jamais. Livre-mage,

qui s’ouvre au vent et qui peut être lu
les yeux fermés…,
dont les papillons sortent confus
d’avoir eu les mêmes idées.

3
Rose, toi, ô chose par excellence complète
qui se contient infiniment
et qui infiniment se répand, ô tête
d’un corps par trop de douceur absent,

rien ne te vaut, ô toi, suprême essence
de ce flottant séjour;
de cet espace d’amour où à peine l’on avance
ton parfum fait le tour.

4
C’est pourtant nous qui t’avons proposé
de remplir ton calice.
Enchantée de cet artifice,
ton abondance l’avait osé.

Tu étais assez riche, pour devenir cent fois toi-même
en une seule fleur;
c’est l’état de celui qui aime…
Mais tu n’as pas pensé ailleurs.

5
Abandon entouré d’abandon,
tendresse touchant aux tendresses…
C’est ton intérieur qui sans cesse
se caresse, dirait-on;

se caresse en soi-même,
par son propre reflet éclairé.
Ainsi tu inventes le thème
du Narcisse exaucé.

6
Une rose seule, c’est toutes les roses
et celle-ci : l’irremplaçable,
le parfait, le souple vocable
encadré par le texte des choses.

Comment jamais dire sans elle
ce que furent nos espérances,
et les tendres intermittences
dans la partance continuelle.

7
T’appuyant, fraîche claire
rose, contre mon oeil fermé —,
on dirait mille paupières
superposées

contre la mienne chaude.
Mille sommeils contre ma feinte
sous laquelle je rôde
dans l’odorant labyrinthe.

8
De ton rêve trop plein,
fleur en dedans nombreuse,
mouillée comme une pleureuse,
tu te penches sur le matin.

Tes douces forces qui dorment,
dans un désir incertain,
développent ces tendres formes
entre joues et seins.

9
Rose, toute ardente et pourtant claire,
que l’on devrait nommer reliquaire
de Sainte-Rose…, rose qui distribue
cette troublante odeur de sainte nue.

Rose plus jamais tentée, déconcertante
de son interne paix; ultime amante,
si loin d’Ève, de sa première alerte —,
rose qui infiniment possède la perte.

10
Amie des heures où aucun être ne reste,
où tout se refuse au coeur amer;
consolatrice dont la présence atteste
tant de caresses qui flottent dans l’air.

Si l’on renonce à vivre, si l’on renie
ce qui était et ce qui peut arriver,
pense-t-on jamais assez à l’insistante amie
qui à côté de nous fait son oeuvre de fée.

11
J’ai une telle conscience de ton
être, rose complète,
que mon consentement te confond
avec mon coeur en fête.

Je te respire comme si tu étais,
rose, toute la vie,
et je me sens l’ami parfait
d’une telle amie.

12
Contre qui, rose,
avez-vous adopté
ces épines ?
Votre joie trop fine
vous a-t-elle forcée
de devenir cette chose armée ?

Mais de qui vous protège
cette arme exagérée ?
Combien d’ennemis vous ai-je enlevés
qui ne la craignaient point.
Au contraire, d’été en automne,
vous blessez les soins
qu’on vous donne.

13
Préfères-tu, rose, être l’ardente compagne
de nos transports présents ?
Est-ce le souvenir qui davantage te gagne
lorsqu’un bonheur se reprend ?

Tant de fois je t’ai vue, heureuse et sèche,
— chaque pétale un linceul —
dans un coffret odorant, à côté d’une mèche,
ou dans un livre aimé qu’on relira seul.

14
Été : être pour quelques jours
le contemporain des roses;
respirer ce qui flotte autour
de leurs âmes écloses.

Faire de chacune qui se meurt
une confidente,
et survivre à cette soeur
en d’autres roses absente.

15
Seule, ô abondante fleur,
tu crées ton propre espace;
tu te mires dans une glace
d’odeur.

Ton parfum entoure comme d’autres pétales
ton innombrable calice.
Je te retiens, tu t’étales,
prodigieuse actrice.

16
Ne parlons pas de toi. Tu es ineffable
selon ta nature.
D’autres fleurs ornent la table
que tu transfigures.
On te met dans un simple vase —,
voici que tout change :
c’est peut-être la même phrase,
mais chantée par un ange.

17
C’est toi qui prépares en toi
plus que toi, ton ultime essence.
Ce qui sort de toi, ce troublant émoi,
c’est ta danse.

Chaque pétale consent
et fait dans le vent
quelques pas odorants
invisibles.

O musique des yeux,
toute entourée d’eux,
tu deviens au milieu
intangible.

18
Tout ce qui nous émeut, tu le partages.
Mais ce qui t’arrive, nous l’ignorons.
Il faudrait être cent papillons
pour lire toutes tes pages.

Il y en a d’entre vous qui sont comme des dictionnaires;
ceux qui les cueillent
ont envie de faire relier toutes ces feuilles.
Moi, j’aime les roses épistolaires.

19
Est-ce en exemple que tu te proposes ?
Peut-on se remplir comme les roses,
en multipliant sa subtile matière
qu’on avait faite pour ne rien faire ?

Car ce n’est pas travailler que d’être
une rose, dirait-on.
Dieu, en regardant par la fenêtre,
fait la maison.

20
Dis-moi, rose, d’où vient
qu’en toi-même enclose,
ta lente essence impose
à cet espace en prose
tous ces transports aériens ?

Combien de fois cet air
prétend que les choses le trouent,
ou, avec une moue,
il se montre amer.
Tandis qu’autour de ta chair,
rose, il fait la roue.

21
Cela ne te donne-t-il pas le vertige
de tourner autour de toi sur ta tige
pour te terminer, rose
Mais quand ton propre élan t’inonde,

tu t’ignores dans ton bouton.
C’est un monde qui tourne en rond
pour que son calme centre ose
le rond repos de la ronde rose.

22
Vous encor, vous sortez
de la terre des morts,
rose, vous qui portez
vers un jour tout en or

ce bonheur convaincu.
L’autorisent-ils, eux
dont le crâne creux
n’en a jamais tant su ?

23
Rose, venue très tard, que les nuits amères arrêtent
par leur trop sidérale clarté,
rose, devines-tu les faciles délices complètes
de tes soeurs d’été ?

Pendant des jours et des jours je te vois qui hésites
dans ta gaine serrée trop fort.
Rose qui, en naissant, à rebours imites
les lenteurs de la mort.

Ton innombrable état te fait-il connaître
dans un mélange où tout se confond,
cet ineffable accord du néant et de l’être
que nous ignorons ?

24
Rose, eût-il fallu te laisser dehors,
chère exquise ?
Que fait une rose là où le sort
sur nous s’épuise ?

Point de retour. Te voici
qui partages
avec nous, éperdue, cette vie, cette vie
qui n’est pas de ton âge.

(Rainer Maria Rilke)

 

Recueil: Oeuvres 2 Poésie
Traduction: Jacques Legrand, Lorand Gaspar, Philippe Jaccottet, Armel Guerne, Maurice Betz
Editions: Seuil

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Ye-yin-men (Wei Zhuang)

Posted by arbrealettres sur 28 janvier 2018




Illustration: ArbreaPhotos
    
Ye-yin-men

Pluie de printemps, abondante
Les berges sont teintes en vert tendre
Frôlant les saules arrive un couple de hérons
Bains et ébats dans la lumière nue…

Rideaux d’azur haut enroulés
Balustrade aux méandres sans fin
Nuages épars, eaux étales, arbres à la brume mêlés
Coeur minuscule, pensée infinie

(Wei Zhuang)

 

Recueil: L’Ecriture poétique chinoise
Traduction: François Cheng
Editions: du Seuil

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ENCORE LES JOURS (Jacques Roubaud)

Posted by arbrealettres sur 30 octobre 2017



Illustration
    
ENCORE LES JOURS

Reviennent ces jours qui n’étaient pas
Leurs péripéties de couleurs qui n’étaient pas
Leur patience qui n’était pas
pas

Revienne le bleu captieux de ces jours
Le blanc abondant de ces jours
Ces jours de bonheur complet
qui ne furent pas

Qui ne furent pas, ces jours,
Qui ne furent jamais, ces jours
Qui déjà n’étaient pas,
pas

Qu’ils reviennent pourtant
Que ces jours reviennent,
À la place de ce présent
Qui n’est pas

(Jacques Roubaud)

 

Recueil: Je suis un crabe ponctuel
Editions: Gallimard

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ENCORE LES JOURS (Jacques Roubaud)

Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2017




    
ENCORE LES JOURS

Reviennent ces jours qui n’étaient pas
Leurs péripéties de couleurs qui n’étaient pas
Leur patience qui n’était pas
pas

Revienne le bleu captieux de ces jours
Le blanc abondant de ces jours
Ces jours de bonheur complet
qui ne furent pas

Qui ne furent pas, ces jours,
Qui ne furent jamais, ces jours
Qui déjà n’étaient pas,
pas

Qu’ils reviennent pourtant
Que ces jours reviennent,
À la place de ce présent
Qui n’est pas

(Jacques Roubaud)

 

Recueil: Je suis un crabe ponctuel
Editions: Gallimard

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Fin de l’été (Hannah Arendt)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2016



Fin de l’été

Le soir m’a enveloppée
Aussi doux que velours, aussi lourd que souffrance.

Je ne sais plus ce que fait l’amour,
Je ne sais plus la braise des champs,
Tout veut prendre son envol
Pour ne me donner que le repos.

Je pense à lui et je l’aime,
Mais comme venu de lointaines contrées
Le je-viens-et-je-donne m’est étranger,
C’est à peine si je sais ce qui m’apeure.

Le soir m’a enveloppée
Ainsi doux que velours, aussi lourd que souffrance.
Et nulle part la révolte ne se dresse
Pour m’apporter nouvelles joie et tristesse.

Et tous les lointains qui m’ont appelée,
Et tous les hiers, profonds et clairs,
Ne peuvent plus me tromper.

Je sais une eau, abondante, étrangère.
Et une fleur que personne ne nomme,
Quoi d’autre peut encore me détruire ?

Le soir m’a enveloppée
Aussi doux que velours, aussi lourd que souffrance.

***

Spätsommer

Der Abend hat mich zugedeckt
So weich wie Samt, so schwer wie Leid.

Ich weiss nicht mehr, wie Liebe tut,
Ich weiss nicht mehr der Felder Glut,
Und alles will entschweben,
Um nur mir Ruh zu geben.

Ich denk an ihn und hab ihn lieb,
Doch wie aus fernem Land.
Und fremd ist mir das Komm und Gib,
Kaum weiß ich, was mich bannt.

Der Abend hat mich zugedeckt
So weich wie Samt, so schwer wie Leid.
Und nirgends sich Empörung reckt
Zu neuer Freud und Traurigkeit.

Und alles Weiter, das mich rief,
Und alles Gestern klar und tief,
Kann mich nicht mehr betoren.

Ich weiß ein Wasser, gross und fremd.
Und eine Blum’, die keiner nennt.
Was soil mich noch zerstören?

Der Abend hat mich zugedeckt
So weich wie Samt, so schwer wie Leid.

(Hannah Arendt)

Illustration

 

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INCANTATIONS D’AMERGEIN (Poésie Irlandaise)

Posted by arbrealettres sur 6 juillet 2016



Irlande  [800x600]

INCANTATIONS D’AMERGEIN

I

J’invoque la terre d’Irlande,
mer brillante, brillante,
montagne fertile, fertile,
bois vallonné,
rivière abondante, abondante en eau,
lac poissonneux, poissonneux…

II

Mer poissonneuse,
terre fertile,
irruption de poisson,
pêche là !
Sous vague, oiseau !
grand poisson !
Trou à crabe ! irruption de poissons
mer poissonneuse…

Livres de LEINSTER, BALLYMOTE, LECAN.

(Poésie Irlandaise)

 Illustration

 

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