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Poésie

Posts Tagged ‘acquérir’

C’est seulement dans l’extrême de l’ici et maintenant (Belinda Cannone)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2022



Illustration: Belinda Cannone
    
C’est seulement dans l’extrême de l’ici et maintenant
que monte le sentiment de la beauté du monde et du privilège d’y vivre.

J’ai nommé ailleurs sur-présence
cette façon que nous avons parfois d’être entièrement présent au moment vécu.

Mais la notion de sur-présence s’applique aussi aux objets de notre attention,
parfois banals ou familiers et acquérant soudain sous notre regard devenu voyant
une lumière extraordinaire qui les met en gloire
— ou plutôt qui révèle leur beauté secrète, cachée aux regardeurs pressés.

(Belinda Cannone)

 

Recueil: Un chêne
Traduction:
Editions: Le vistemboir

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La belle vieille (François Maynard)

Posted by arbrealettres sur 10 octobre 2022



Illustration: Christelle Fontenoy 
    

La belle vieille

Cloris, que dans mon temps j’ai si longtemps servie
Et que ma passion montre à tout l’univers,
Ne veux-tu pas changer le destin de ma vie
Et donner de beaux jours à mes derniers hivers ?

N’oppose plus ton deuil au bonheur où j’aspire.
Ton visage est-il fait pour demeurer voilé ?
Sors de ta nuit funèbre, et permets que j’admire
Les divines clartés des yeux qui m’ont brûlé.

Où s’enfuit ta prudence acquise et naturelle ?
Qu’est-ce que ton esprit a fait de sa vigueur ?
La folle vanité de paraître fidèle
Aux cendres d’un jaloux, m’expose à ta rigueur.

Eusses-tu fait le voeu d’un éternel veuvage
Pour l’honneur du mari que ton lit a perdu
Et trouvé des Césars dans ton haut parentage,
Ton amour est un bien qui m’est justement dû.

Qu’on a vu revenir de malheurs et de joies,
Qu’on a vu trébucher de peuples et de rois,
Qu’on a pleuré d’Hectors, qu’on a brûlé de Troies
Depuis que mon courage a fléchi sous tes lois !

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je suis ta conquête,
Huit lustres ont suivi le jour que tu me pris,
Et j’ai fidèlement aimé ta belle tête
Sous des cheveux châtains et sous des cheveux gris.

C’est de tes jeunes yeux que mon ardeur est née ;
C’est de leurs premiers traits que je fus abattu ;
Mais tant que tu brûlas du flambeau d’hyménée,
Mon amour se cacha pour plaire à ta vertu.

Je sais de quel respect il faut que je t’honore
Et mes ressentiments ne l’ont pas violé.
Si quelquefois j’ai dit le soin qui me dévore,
C’est à des confidents qui n’ont jamais parlé.

Pour adoucir l’aigreur des peines que j’endure
Je me plains aux rochers et demande conseil
A ces vieilles forêts dont l’épaisse verdure
Fait de si belles nuits en dépit du soleil.

L’âme pleine d’amour et de mélancolie
Et couché sur des fleurs et sous des orangers,
J’ai montré ma blessure aux deux mers d’Italie
Et fait dire ton nom aux échos étrangers.

Ce fleuve impérieux à qui tout fit hommage
Et dont Neptune même endure le mépris,
A su qu’en mon esprit j’adorais ton image
Au lieu de chercher Rome en ses vastes débris.

Cloris, la passion que mon coeur t’a jurée
Ne trouve point d’exemple aux siècles les plus vieux.
Amour et la nature admirent la durée
Du feu de mes désirs et du feu de tes yeux.

La beauté qui te suit depuis ton premier âge
Au déclin de tes jours ne veut pas te laisser,
Et le temps, orgueilleux d’avoir fait ton visage,
En conserve l’éclat et craint de l’effacer.

Regarde sans frayeur la fin de toutes choses,
Consulte le miroir avec des yeux contents.
On ne voit point tomber ni tes lys, ni tes roses,
Et l’hiver de ta vie est ton second printemps.

Pour moi, je cède aux ans ; et ma tête chenue
M’apprend qu’il faut quitter les hommes et le jour.
Mon sang se refroidit ; ma force diminue
Et je serais sans feu si j’étais sans amour.

C’est dans peu de matins que je croîtrai le nombre
De ceux à qui la Parque a ravi la clarté !
Oh ! qu’on oira souvent les plaintes de mon ombre
Accuser tes mépris de m’avoir maltraité !

Que feras-tu, Cloris, pour honorer ma cendre ?
Pourras-tu sans regret ouïr parler de moi ?
Et le mort que tu plains te pourra-t-il défendre
De blâmer ta rigueur et de louer ma foi ?

Si je voyais la fin de l’âge qui te reste,
Ma raison tomberait sous l’excès de mon deuil ;
Je pleurerais sans cesse un malheur si funeste
Et ferais jour et nuit l’amour à ton cercueil !

(François Maynard)

 

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Tout ce qu’elle aurait à acquérir (Sainte Thérèse de Lisieux)

Posted by arbrealettres sur 24 juin 2021



A la question de sa soeur Céline,
fraîchement entrer au couvent,
se plaignant de tout ce qu’elle aurait à acquérir
pour devenir une bonne religieuse,
Thérèse répond magnifiquement:
« Ne dis pas « à acquérir »
mais plutôt « à perdre »  »

(Sainte Thérèse de Lisieux)

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MIROIR (Nuno Jùdice)

Posted by arbrealettres sur 2 février 2021



Illustration: Christiane Rabasse
    
MIROIR

L’évidence du blanc est aussi obscène
que l’été littoral de l’adolescence.
La chaux coagulée dans les bassins attire
les mouches que le soir n’effraie pas.
Avec un manche à balai, je les repousse
vers le fond, encore vivantes, et je les vois
disparaître dans la matière immaculée. Parfois,
lors de ces fins de journée, le vent se lève,
agite les branches des amandiers où
les fruits commencent à sécher; ici et là, les
feuilles voltigent. L’eau de la chaux acquiert
une transparence inattendue, et
un visage surgit dans son miroir : toi,
que le temps a emportée il y a longtemps, tu me regardes,
de nouveau, comme si tu n’avais jamais
cessé de le faire.

(Nuno Jùdice)

 

Recueil: Un chant dans l’épaisseur du temps suivi de méditation sur des ruines
Traduction: Michel Chandeigne
Editions: Gallimard

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Apparemment, tu ne fais pas de gestes (Eugène Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 19 avril 2020



Apparemment,
Tu ne fais pas de gestes.

Tu es assis là sans bouger,
Tu regardes n’importe quoi,

Mais en toi
Il y a des mouvements qui tendent

Dans une espèce de sphère
A saisir, à pénétrer,

À donner corps
À je ne sais quels flottements

Qui peu à peu deviennent des mots,
Des bouts de phrase,

Un rythme s’y met
Et tu acquiers un bien.

(Eugène Guillevic)

Illustration: Gennadiy Ulybin

 

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Jamais je ne serai maître (Anise Koltz)

Posted by arbrealettres sur 21 juin 2018



Anise Koltz
    
Jamais
je ne serai maître

Je resterai ouvrier

J’écris comme un esclave
pour acquérir ma liberté

(Anise Koltz)

 

Recueil: Somnambule du jour Poèmes choisis
Traduction:
Editions: Gallimard

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Les feuilles tournoyaient dans l’absente forêt (Ossip Mandelstam)

Posted by arbrealettres sur 16 juin 2018



Schubert sur l’eau, Mozart avec l’oiseau s’égosillant,
Et Goethe sifflant sur le sinueux sentier,
Hamlet, ses pas craintifs tenant lieu de pensée,
Avaient pris le pouls de la foule, à la foule s’étaient confiés —
Qui sait — avant les lèvres le murmure a pris naissance,
Les feuilles tournoyaient dans l’absente forêt,
Et ceux à qui nous dédions l’expérience
Avant l’expérience avaient acquis leurs traits.

(Ossip Mandelstam)


Illustration: Isabelle Aubry

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DONNE-MOI, DONNE-MOI UN BAISER (Attila József)

Posted by arbrealettres sur 11 juin 2018




    
DONNE-MOI, DONNE-MOI UN BAISER

C’est le dernier ! Baise-moi, je t’en prie.
Dans tes bras blancs, étreins-moi, serre-moi.
Donne un baiser ! Donne, je t’en supplie.
Car ton amour est le prix de ma vie.
Et dès demain, je ne serai plus là.

Je suis parti. Je suis parti sans elle.
Plus de baisers. Elle n’est nulle part.
Je sens, hélas, qu’elle m’est infidèle.
Pour qui sont-ils, les baisers de ma belle ?
Qui les acquiert, par des fleurs, un regard?

La nuit, le jour, je vis dans la souffrance.
Qui flattez-vous, baisers voluptueux
Qu’offre à présent la femme à qui je pense
Et qui, par là, bafoue mon espérance ?
Je suis loin d’elle et combien malheureux!

Voici venu le bonheur sans mélange !
Je peux rentrer ! d’un seul bond ! d’un seul saut !
Je hais le train et sa lenteur étrange.
Ô juste ciel, reverrai-je mon ange?
Pourquoi, Soleil, déclines-tu si tôt?

Merci, mon Dieu, j’entre dans ma demeure.
Aucun bruit. Rien. Mon сoeuг cogne et me dit,
Près d’éclater : «T’attend-elle à cette heure? »
L’horloge dort. Suis-je seul? Est-ce un leurre ?
Une poussière en mon oeil s’introduit.

J’ai sur la bouche une main qui se gèle.
Des pleurs secouent tout mon corps éperdu.
Je la croyais déloyale, infidèle.
Mais elle aimait… et mon coeur se morcelle.
Le sien est mort d’avoir trop attendu.

(Attila József)

 

Recueil: Aimez-moi – L’oeuvre poétique
Traduction: Georges Kassaï
Editions: Phébus

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Soir transparent (Béatrice Douvre)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2018



 

Illustration: Francis Picabia
    
Soir transparent

J’ai cru les fleurs réelles
Posant les yeux dans les mains d’herbe
Ô ma patience

Je ne sais plus franchir le fer de la distance

Loin des maisons de verre
Je n’entends plus les fleurs
Qui dorment à côté de leur songe
Avec les mêmes yeux qui cessent infiniment

Je ne sais même plus si cette nuit s’acquiert

Mais j’ai reflet
Dans un millier de larmes

Mais je marche avec l’âge silencieux d’un amour.

(Béatrice Douvre)

 

Recueil: Oeuvre poétique
Traduction:
Editions: Voix d’Encre

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Ô dé du hasard (Adonis)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2017



Ô dé du hasard
Pourquoi me conseilles-tu de m’asseoir
sur le siège de la nécessité?

Emporte-moi dans tes bras chaos
J’ai décidé de changer mon quotidien
d’acquérir le savoir sur le nombril du monde

(Adonis)

 

 

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