Je pleure des larmes sèches à mon coeur qui se meurt.
Ces flammes qui me lèchent ont du sang la saveur.
Je ne sais ce qui pêche et il n’est point de leurre.
La nuit me paraît fraîche, j’ai des envies d’ailleurs.
Je pleure des larmes noires en mon coeur évanoui.
Drapé dans mon peignoir, je cherche en vain l’oubli.
Les souvenirs, ce soir, me poussent á l’insomnie.
Je n’ai plus mal à boire face aux maux de la vie.
Je pleure des larmes vaines au son de mes douleurs.
Entravé par ces chaînes, j’ai le mal des fleurs.
Ce manque que je traîne atténue leurs couleurs.
Elle a quitté ma scène, engendrant la tumeur.
Je pleure des larmes grises aux sentiments passés.
Ces flammes qui attisent amertume et regrets.
Cet amour infini que je n’ai embrassé
Qu’au début de ma vie et qui s’est envolé.
Je pleure des larmes chaudes comme ses câlins,
Ses regards d’affection, ses sourires, nos matins.
Sa lune a disparu, elle était de satin.
Évanouie sa clarté, interrupteur éteint.
Je pleure des larmes blanches au vide immaculé.
Ces flammes sont des lames aux dents trop aiguisées.
Ce désert de tendresse à jamais irrigué
Des sanglots de l’amour qu’on n’a pu se donner.
Si je devais vivre ma vie
sous forme de poisson-chat
dans des échafauds de peau et de moustaches
au fond d’un étang
et que tu venais à passer
un soir
où la lune brille
dans mon domicile de ténèbres
et que tu te tenais au bord
de mon affection
et pensais : « C’est magnifique
ici au bord de cet étang. J’aimerais
que quelqu’un m’aime. »
Eh bien moi je t’aimerais et serais ton ami
poisson-chat et chasserais de si tristes
pensées de ton esprit
et soudain tu serais
en paix,
et tu te dirais : « Je me demande
s’il y a des poissons-chats
dans cet étang. Ça semble être
un endroit parfait pour eux. »
***
Your Catfish Friend
If I were to live my life
in catfish forms
in scaffolds of skin and whiskers
at the bottom of a pond
and you were to come by
one evening
when the moon was shining
down into my dark home
and stand there at the edge
of my affection
and think, « It’s beautiful
here by this pond. I wish
somebody loved me »,
I’d love you and be your catfish
friend and drive such lonely
thoughts from your mind
and suddenly you would be
at peace,
and ask yourself, « I wonder
if there are any catfish
in this pond? It seems like
a perfect place for them. »
Déjà enfant je voulais visiter le ciel
J’ai réussi à l’atteindre grâce
aux poèmes
aux avions
et aux rêves
si je meurs je pense déménager vers la région bleue
déjà je m’emploie à organiser mon séjour éternel
avec son fondateur
plus qu’un impatient j’attends mon arrivée.
Dieu qui nous connaît tous et comprend mon désir
ne permettra pas que je reste errer sur terre pour l’éternité
couvert de vers qui de mon vivant n’ont jamais montré
la moindre affection pour mon humanité.
(Blanca Castellón)
Recueil: ITHACA 584
Traduction: Français Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache /
Limace pure et sans tache
dont la bave trace dans le dédale des bourraches
son espace tout en surface
limace vorace dont la fringale
ravage la salade automnale
limace âme sagace
semblable aux sargasses humaines
limace brave qui perpétue ta race
vivace malgré la haine du campagnard
limace trisyllabe limace méconnue
il faut te donner un peu d’affection
pour que tu continues paisiblement ton chemin
et que sur ta face s’efface la trace de ton angoisse
et celle de ta bave aussi
sur les soucis
j’aime une amie entièrement parfaite
Tant que j’en sens satisfait mon désir
Nature l’a, quant à la beauté, faite
Pour à tout oeil donner parfait plaisir ;
Grâce y a fait son chef-d’oeuvre à loisir,
Et les vertus y ont mis leur pouvoir,
Tant que l’ouïr , la hanter et la voir
Sont sûrs témoins de sa perfection :
Un mal y a, c’est qu’elle peut avoir
En corps parfait coeur sans affection.
Reste calme au milieu du bruit et de l’impatience
et souviens-toi de la paix qui découle du silence.
Autant que tu le peux, mais sans te renier,
sois en bons termes avec tout le monde.
Dis ce que tu penses, clairement, simplement;
et écoute les autres,
même les sots et les ignorants;
eux aussi ont quelque chose à dire.
Evite les gens grossiers et violents;
ils ne sont que tourments pour l’esprit.
Si tu te compares aux autres,
tu risques de devenir vaniteux ou amer,
il y aura toujours quelqu’un de plus grand ou de plus petit que toi.
Sois fier de ce que tu as fait et de ce que tu veux faire.
Aime ton métier, même s’il est humble;
c’est un bien précieux en notre époque trouble.
Sois prudent dans tes affaires,
car on pourrait te jouer de vilains tours.
Mais que ceci ne te rende pas aveugle à ce qu’il y a de beau;
bien des gens luttent pour un idéal et,
partout sur la Terre, on fait preuve de courage.
Sois toi-même, surtout dans tes affections.
Fuis par-dessus tout le cynisme en amour,
car il persiste même après avoir desséché ton cœur et désenchanté ton âme.
Permets-toi de t’enrichir de l’expérience des ans,
te défaisant progressivement de tes puérilités.
Affermis-toi pour faire face aux malheurs de la vie.
Mais ne te détruis pas par une imagination maladive;
bien des peurs prennent naissance dans la fatigue et la solitude.
Malgré la saine discipline qui s’impose,
sois bon envers toi-même.
Tu es un enfant de l’univers,
tout comme les arbres et les étoiles:
tu as le droit d’être ici.
Et même si cela n’est pas clair en toi,
sois assuré que tout se passe dans l’univers selon ses règles propres.
Par conséquent, sois en paix avec ton Dieu,
quelle que soit en toi son image.
Et par-delà tes peines et tes aspirations,
au milieu de la confusion de la vie,
sois en paix avec ton âme.
Dis-toi qu’en dépit de ses faussetés, de ses ingratitudes, de ses rêves brisés,
le monde est tout de même merveilleux.
Répands la bonne humeur. Et tâche d’être heureux.
***
Desiderata
Go placidly amid the noise and haste,
and remember what peace there may be in silence.
As far as possible without surrender
be on good terms with all persons.
Speak your truth quietly and clearly;
and listen to others,
even the dull and the ignorant;
they too have their story.
Avoid loud and aggressive persons,
they are vexations to the spirit.
If you compare yourself with others,
you may become vain and bitter;
for always there will be greater and lesser persons than yourself.
Enjoy your achievements as well as your plans.
Keep interested in your own career, however humble;
it is a real possession in the changing fortunes of time.
Exercise caution in your business affairs;
for the world is full of trickery.
But let this not blind you to what virtue there is;
many persons strive for high ideals;
and everywhere life is full of heroism.
Be yourself.
Especially, do not feign affection.
Neither be cynical about love;
for in the face of all aridity and disenchantment
it is as perennial as the grass.
Take kindly the counsel of the years,
gracefully surrendering the things of youth.
Nurture strength of spirit to shield you in sudden misfortune.
But do not distress yourself with dark imaginings.
Many fears are born of fatigue and loneliness.
Beyond a wholesome discipline,
be gentle with yourself.
You are a child of the universe,
no less than the trees and the stars;
you have a right to be here.
And whether or not it is clear to you,
no doubt the universe is unfolding as it should.
Therefore be at peace with God,
whatever you conceive Him to be,
and whatever your labors and aspirations,
in the noisy confusion of life keep peace with your soul.
With all its sham, drudgery, and broken dreams,
it is still a beautiful world.
Be cheerful.
Strive to be happy.
(Max Ehrmann)
Recueil: Desiderata of Happiness
Traduction: Hubert Claes
Editions:
Soirée
Il est des jours d’hiver où les pas vibrent seuls
Des jours d’hiver
Où dans la rue tout résonne comme à l’église
D’hiver
Où tous les foyers affection ou charbon
Nous tendent leurs bras et fredonnent leurs plaintes
Pour le calme blanc d’un visage qui repose
Ou d’un rêve engourdi
Chaleur - Pourquoi être berceuse ?
Tu es la plage je suis la vague et je viens m’échouer
Pour penser à la mer et au ciel trop criard
Aux bouquets de plages en pétales bronzés.
Et je viens m’échouer reçois mes yeux fermés
Et je viens m’échouer ton épaule est confiance
Tes yeux de sable fin câlines tes mains ont
De trop belles raisons.
(Jean Pérol)
Recueil: Poésie I (1953-1978)
Traduction:
Editions: De la Différence
Ils sont venus
Ils sont tous là
Dès qu’ils ont entendu ce cri
Elle va mourir, la mamma
Ils sont venus
Ils sont tous là
Même ceux du sud de l’Italie
Y a même Giorgio, le fils maudit
Avec des présents plein les bras
Tous les enfants jouent en silence
Autour du lit sur le carreau
Mais leurs jeux n’ont pas d’importance
C’est un peu leurs derniers cadeaux
A la mamma
On la réchauffe de baisers
On lui remonte ses oreillers
Elle va mourir, la mamma
Sainte Marie pleine de grâces
Dont la statue est sur la place
Bien sûr vous lui tendez les bras
En lui chantant Ave Maria
Ave Maria
Y a tant d’amour, de souvenirs
Autour de toi, toi la mamma
Y a tant de larmes et de sourires
A travers toi, toi la mamma
Et tous les hommes ont eu si chaud
Sur les chemins de grand soleil
Elle va mourir, la mamma
Qu’ils boivent frais le vin nouveau
Le bon vin de la bonne treille
Tandis que s’entassent pêle-mêle
Sur les bancs, foulards et chapeaux
C’est drôle on ne se sent pas triste
Près du grand lit de l’affection
Y a même un oncle guitariste
Qui joue en faisant attention
A la mamma
Et les femmes se souvenant
Des chansons tristes des veillées
Elle va mourir, la mamma
Tout doucement, les yeux fermés
Chantent comme on berce un enfant
Après une bonne journée
Pour qu’il sourie en s’endormant
Ave Maria
Y a tant d’amour, de souvenirs
Autour de toi, toi la mamma
Y a tant de larmes et de sourires
A travers toi, toi la mamma
Que jamais, jamais, jamais
Tu nous quitteras…