Les rêves que je n’ai pas vécus
même en rêve,
ceux qui sont enfouis au profond
du grand ciel de lumière
qui est prisonnier,
ceux qui empoisonnent
sont ceux-là qui sauvent,
ceux qu’ils n’auront pas,
ceux qu’elle n’aura pas,
je ne les connaîtrai peut-être jamais
ceux-là qui affleurent par le seul poème.
L’amour partage équitablement l’ombre et la lumière
l’amour unit les corps dans le prolongement vital de la sève
l’amour déjoue l’arbitraire des signes et tend la main vers la création du monde
l’amour se contente de peu car il est tout dans le seul souffle de sa présence
la force de l’amour accepte la faiblesse car elle est sans faille
l’amour peut-être est un flocon de neige sur les dunes du désert
le regard de la lune dans la chambre noire
l’amour est le nombril du monde et la terre en est l’oracle craquelé
l’amour n’a rien à cacher sa veine secrète bat dans la pierre dénudée
l’amour est l’horizon de toute attente et le rivage bleu de la nuit
l’amour est le vertige de l’instant et la danse du silence
l’amour est un sourire qui vient de loin dans l’avènement du visage
l’amour est un nom qui dort dans le grain inou de la voix
l’amour est un nom qui affleure dans le vélin des voiles gonflé sous les étoiles
l’amour est l’écume du désir vibrant à fleur de peau
(Marc Porcu)
Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Entre inattendu et inespéré, affleure
Une vie cachée que le temps a mise en miettes.
Clapotis et chuchotis nous restituent
Les jades de jadis, parmi maintes lunes, égarés.
(François Cheng)
Recueil: Enfin le royaume
Traduction:
Editions: Gallimard
La félicité divine n’atteint pas si tôt sa plénitude en nous,
tout ne finit pas pour nous en une vie ;
il n’est pas de terme à notre esprit
ni à la joie qu’il recherche.
Nos âmes et le ciel sont d’égale stature
et de naissance immémoriale ;
impérissable semence, moule infini de la Nature,
ils ne furent point façonnés sur terre,
ni à la terre ne lèguent-ils leurs cendres,
mais en eux-mêmes ils perdurent.
Un avenir sans fin affleure sous tes paupières,
enfant d’un passé sans fin.
De vieux souvenirs nous reviennent, de vieux rêves nous submergent,
êtres disparus que nous avons connus,
fictions et portraits ; cadres insaisissables –
ils se détachent, austères et solitaires.
Tous nos espoirs, tous nos rêves, trésors du souvenir,
sont prévisions mal déchiffrées,
mais de quelle vie, de quel lieu? Seul peut le dire
qui mesura les cieux illimités.
Le Temps est une convention tenace ; avenir et présent
vivaient dans le passé ;
ils sont une même image que nos volontés complaisantes
en trois plans ont projetée.
Le passé oublié est en nous immortel,
nos naissances et la fin proche
déjà accomplies. Vers une cime, à bout de souffle,
parfois nos âmes s’élèvent,
d’où notre pensée revient fortifiée ; car en surgit
l’immense océan du Temps
dont la houle infinie s’étend devant nos yeux,
et ses sublimes symphonies ;
et parfois, levant ce voile du mental
l’esprit regarde et voit
les âges disparus dont héritent nos vies
et les siècles à venir :
il voit des royaumes labourés par les vagues refouler l’océan –
là où surgi des troubles profondeurs
se dresse maintenant Himâlaya, il voit la marche formidable
des flots mesurer la moitié du monde ;
ou bien derrière nous, la trame se dénoue
et sur ses fils nous contemplons –
courses anciennes des étoiles, lieux jadis parcourus
dans un temps dont le souvenir s’est effacé.
(Sri Aurobindo)
Recueil: Poésie
Traduction: Français Cristof Alward-Pitoëff
Editions: Sri Aurobindo Ashram Trust
Saluer
L’enfant provisoire
Le vieillard sans horizons
Le silence des plaies
La détonation des mots
Le songe qui tisonne
La beauté qui féconde
Le pas migrateur
Malgré l’érosion
Des coeurs et des falaises
Saluer les printemps
Qui ne cessent d’affleurer.
La nuit vient, un ange est là
qui mesure le temps des étoiles,
les vents sont immobiles, immobiles les heures.
La paix serait d’être étendu
immobile à travers les heures immobiles, aux pieds de l’ange,
sur une étoile en suspens dans le ciel étoilé
— mais le coeur bat à un autre rythme.
Chaque corps étendu, même dépourvu d’ailes,
fait naître et s’envoler un papillon de nuit
aux ailes délicates, aux yeux de pierrerie.
Certains sont jetés sur les rives du jour
et d’autres se perdent dans l’obscurité,
sous les vagues, au-delà du monde, là où affleurent
très loin les îles des élus.
***
NOCTURNE
Night tomes, an angel stands
measuring out the lime of stars,
stil/ are the winds, and still the hours.
It would be peace to lie
still in the still bours ai the angel’s feet,
upon a star bang in a starry sky,
but hearts another measure beat.
Each body, wingless as it lies,
sends out ils butter!!, of night
with delicate wings and jewelled eyes.
And some upon day’s shores are cast,
and some in darkness loti
in waves beyond the world, where float
somewhere the islands of the blest.
(Kathleen Raine)
Recueil: ISIS errante Poèmes
Traduction: François Xavier Jaujard
Editions: Granit
Des brindilles composent sur la neige
des suites de signes discontinues
ça et là sur le lac la glace fendillée
laisse affleurer une langue d’eau tremblante
le chuchotis des flocons couvre
l’étendue silencieuse
tout veut parler
tout se tait