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Posts Tagged ‘alcôve’

Des filles chantent (Rainer-Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 11 juin 2022



Illustration: Anne-François-Louis Janmot
    
Des filles chantent:

L’époque dont les mères ont parlé
n’a pas trouvé l’accès de nos alcôves,
et tout y est resté lisse et clair. Elles
nous disent qu’elles se brisèrent lors
d’une année fouaillée de tempête.

Nous ne savons pas : qu’est-ce que c’est la tempête ?

Nous habitons toujours dans les profondeurs de la tour,
et parfois, de loin seulement, nous entendons
dehors les forêts bruire dans le vent ;
une fois, une étoile étrangère
s’est arrêtée chez nous.

Et puis si nous sommes au jardin, nous
tremblons que cela ne commence, et
nous attendons jour après jour —
Mais il n’est nulle part un vent
qui voudrait nous plier.

***

Longtemps nous avons ri dans la
lumière, et chacune apportait à l’autre
des brassées d’oeillets et de résédas,
solennellement, comme à une promise
et c’était devinette et réponse.

Puis avec le nom de la nuit,
lentement, le silence s’est étoilé.
Nous fûmes alors comme réveillées de tout, et
très éloignées l’une de l’autre :
nous avons appris le désir, qui rend triste,
comme une chanson…

***

Les filles, sur la pente du jardin,
ont ri longtemps,
et en chantant,
comme si elles avaient fait une longue marche,
se sont fatiguées.

Les filles à côté des cyprès
tremblent : l’heure
commence où elles ignorent
de qui seront toutes choses.

(Rainer-Maria Rilke)

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FILLE (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 1 mai 2022




    
FILLE

Tes chaudes mains, souples brandons,
Frôlent en vain ma solitude;
Ton plaisir ne m’est qu’une étude;
Le dédain préside à mes dons.

Le fruit banal où nous mordons
Pend triste au clos de l’habitude;
Je farde mal mon hébétude
Du frais carmin des abandons.

Sans que ta force ne le sente,
Ton désir n’étreint qu’une absente;
Le coeur distrait rêve ou s’endort.

Comme une fille ses piastres,
Au bord du ciel, alcôve d’or,
Mes yeux pensifs comptent les astres.

(Marguerite Yourcenar)

 

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

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LE CHAT (Maurice Rollinat)

Posted by arbrealettres sur 4 avril 2022




Illustration: ArbreaPhotos
    

LE CHAT

Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire
Par son être magique où s’incarne le sphinx ;
Par le charme câlin de la lueur si claire
Qui s’échappe à longs jets de ses deux yeux de lynx,
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire.

Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,
Il ondule, se cambre et regimbe aux doigts lourds ;
Et lorsque sa fourrure abrite une chair grasse,
C’est la beauté plastique en robe de velours :
Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,

Vivant dans la pénombre et le silence austère
Où ronfle son ennui comme un poêle enchanté,
Sa compagnie apporte à l’homme solitaire
Le baume consolant de la mysticité
Vivant dans la pénombre et le silence austère.

Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre,
C’est bien l’âme du gîte où je me tiens sous clé ;
De la table à l’armoire et du fauteuil à l’âtre,
Il vague, sans salir l’objet qu’il a frôlé,
Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre.

Sur le bureau couvert de taches d’encre bleue
Où livres et cahiers gisent ouverts ou clos,
Il passe comme un souffle, effleurant de sa queue
La feuille où ma pensée allume ses falots,
Sur le bureau couvert de taches d’encre bleue.

Quand il mouille sa patte avec sa langue rose
Pour lustrer son poitrail et son minois si doux,
Il me cligne de l’œil en faisant une pause,
Et je voudrais toujours l’avoir sur mes genoux
Quand il mouille sa patte avec sa langue rose.

Accroupi chaudement aux temps noirs de décembre
Devant le feu qui flambe, ardent comme un enfer,
Pense-t-il aux souris dont il purge ma chambre
Avec ses crocs de nacre et ses ongles de fer ?
Non ! assis devant l’âtre aux temps noirs de décembre

Entre les vieux chenets qui figurent deux nonnes
À la face bizarre, aux tétons monstrueux,
Il songe à l’angora, mignonne des mignonnes,
Qu’il voudrait bien avoir, le beau voluptueux,
Entre les vieux chenets qui figurent deux nonnes.

Il se dit que l’été, par les bons clairs de lune,
Il possédait sa chatte aux membres si velus ;
Et qu’aujourd’hui, pendant la saison froide et brune,
Il doit pleurer l’amour qui ne renaîtra plus
Que le prochain été, par les bons clairs de lune.

Sa luxure s’aiguise aux râles de l’alcôve,
Et quand nous en sortons encor pleins de désir,
Il nous jette un regard jaloux et presque fauve
Car tandis que nos corps s’enivrent de plaisir,
Sa luxure s’aiguise aux râles de l’alcôve.

Quand il bondit enfin sur la couche entr’ouverte,
Comme pour y cueillir un brin de volupté,
La passion reluit dans sa prunelle verte :
Il est beau de mollesse et de lubricité
Quand il bondit enfin sur la couche entr’ouverte.

Pour humer les parfums qu’y laisse mon amante,
Dans le creux où son corps a frémi dans mes bras,
Il se roule en pelote, et sa tête charmante
Tourne de droite à gauche en flairant les deux draps,
Pour humer les parfums qu’y laisse mon amante.

Alors il se pourlèche, il ronronne et miaule,
Et quand il s’est grisé de la senteur d’amour,
Il s’étire en bâillant avec un air si drôle,
Que l’on dirait qu’il va se pâmer à son tour ;
Alors il se pourlèche, il ronronne et miaule.

Son passé ressuscite, il revoit ses gouttières
Où, matou lovelace et toujours triomphant,
Il s’amuse à courir pendant des nuits entières
Les chattes qu’il enjôle avec ses cris d’enfant :
Son passé ressuscite, il revoit ses gouttières.

Panthère du foyer, tigre en miniature,
Tu me plais par ton vague et ton aménité,
Et je suis ton ami, car nulle créature
N’a compris mieux que toi ma sombre étrangeté,
Panthère du foyer, tigre en miniature.

(Maurice Rollinat)

Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus

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LE GRAND DÉFI (Jacques Rabemananjara)

Posted by arbrealettres sur 14 juillet 2021




LE GRAND DÉFI

I

Ton corps était tendu de grâce et d’insolence :
Le grand défi brillait d’un feu de diamant
dans tes yeux où l’amour en pleine virulence
rutilait comme un astre au fond du firmament.

Nous reprîmes le chant de nos premières fêtes :
Le monde de nouveau chancela sous nos poids,
tellement nous étions lourds de tous nos émois ;
royale tu m’ouvris les alcôves secrètes.

Aussitôt jaillissant du sarcophage d’or
telle tu m’apparus qu’en songe j’avais prise :
reine Néfertiti sans voile ni trésor,

ayant pour seul atour sa beauté reconquise
ou bien, livrée à la caresse de nos brises,
ondine d’Alassour, nymphe des lacs du Nord.

II

Royale tu m’ouvris les alcôves du ciel :
Par quel prodige, par quelle métamorphose
dans ton lit devenu l’axe de toute chose,
l’Univers retrouva son centre essentiel !

Ce fut le tourbillon fantastique des sens
pris soudain dans la ronde éternelle des astres.
Et tel fut le combat que jouant les désastres
il nous rongea les os et nous brilla le sang.

Cherchant de nos volcans les plus riches vestiges
nous tournions, nous tournions sur nos propres vertiges
avant la chute d’or dans le cratère en feu.

Le bonheur renaissait de la chaude coulée
des laves dévalant les flancs nus et nerveux
de ta divinité de nouveau révélée.

III

O Déesse, voici le temps de l’apogée :
La terre disparaît avec son rituel
et son cortège de soucis habituels.
C’est l’ivresse du ciel par l’amour propagée

qui déferle sur nous en beaux cyclones d’or.
Quelle force nous lance au-delà de nous-mêmes,
plus haut que notre rêve et plus loin que la mort.
Le zénith nous délivre un message suprême

pour franchir la frontière au col de l’infini.
Nous avons à passer la charge la plus lourde
dont un simple mortel se soit jamais muni.

Notre soif est si grande et si fraîche la gourde
que du désert brillant le sable et les rocailles
s’en trouvent attendris jusque dans les entrailles.

(Jacques Rabemananjara)

Illustration

 

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Vers vagues (Stuart Merrill)

Posted by arbrealettres sur 12 septembre 2019



 

Alexandru Darida c4 [1280x768]

Vers vagues

Le fébrile frisson des murmures d’amour
M’émeut ce soir les nerfs et vieillit ma mémoire.
La voix d’un violon sous la soie et la moire
Me miaule des mots d’inéluctable amour.

La verveine se pâme en les vases de jade :
Un fantôme de femme en l’alcôve circule.
Mais ma mémoire est morte avec le crépuscule,
Et j’ai perdu mon âme en les vases de jade.

Oh ! mol est mon amour, vague est le violon !
Un arôme d’horreur rôde en l’air délétère,
Et je rêve de rêve en l’ombre du mystère

Mais oh ! la volupté veule du violon !

(Stuart Merrill)

Illustration: Alexandru Darida

 

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UNE FORME NUE… (Alfred Jarry)

Posted by arbrealettres sur 8 juillet 2019



 

Margarita Sikorskaia - Tutt'Art@ (12)

UNE FORME NUE…

Une forme nue et qui tend les bras,
Qui désire et qui dit : Est-ce possible ?
Yeux illuminés de joie indicible,
— Qui peut, diamants, nombrer vos carats ?

Bras si las quand les étreintes les rompent,
Chair d’un autre corps pliée à mon gré,
Et grands yeux si francs, surtout quand ils trompent,
— Salez moins vos pleurs, car je les boirai.

Au frisson debout elle est, endormie,
Un cher oreiller en qui bat un coeur ;
Mais rien n’est plus doux que sa bouche amie,
Que sa bouche amie, et c’est le meilleur.

Nos bouches, formez une seule alcôve,
Comme on unit deux cages par leurs bouts
Pour célébrer un mariage fauve
Où nos langues sont l’épouse et l’époux.

Tel Adam qu’anime une double haleine
A son réveil trouve Eve à son côté
Mes sommeils enfuis, je découvre Hélène,
Vieux mais éternel nom de la beauté

[…]

(Alfred Jarry)

Illustration: Margarita Sikorskaia

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INTÉRIEUR (Adolphe Hardy)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2019



INTÉRIEUR

J’aime, aux hameaux perdus de ma terre ardennaise,
Les bons logis pleins d’ombre où l’on gîte à son aise ;
L’alcôve où, soutenant les ais du plafond bas,
Saille en angle une poutre, ainsi qu’un très vieux bras ;
L’horloge au tic-tac lent et dont la sonnerie
Fait trembler le cadran de faïence fleurie ;
Les pots de cuivre et les fruits mûrs sur le dressoir ;
La table avec le lait mousseux près du pain noir ;
Et, couché devant l’âtre où flambe un feu de souches,
Le chien-loup qui vous lorgne en clignant ses yeux louches.

(Adolphe Hardy)

 

 

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GAIETÉS LYRIQUES (Georges Perros)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2019



Illustration: Elliot Nichol
    
GAIETÉS LYRIQUES

Si vous cherchez bien
Vous verrez
Des visages
L’enfer s’y promène
Si vous cherchez mal
Vous saurez
Où surnagent
Nos âmes sereines
Le caméléon de l’amour
Y change ses couleurs fauves
La tristesse de vivre ici
Ferme l’oeil bête des alcôves
Nous n’irons plus au bois
L’été
Ressemble trop au carnaval
Danse de mort
Squelettes vains
Nous n’irons plus ; le mal lointain
S’est à nouveau pris dans nos pièges
La vie est un bouchon de liège
Elle flotte au gré des humeurs
Mais n’entend plus l’humble rumeur
De l’éternel qui passe vite
A travers nos coeurs désertés.

(Georges Perros)

 

Recueil: Poèmes bleus
Traduction:
Editions:

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SUICIDE (Federico Garcia Lorca)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2019



 

Nicholas Chistiakov  midday suicide

SUICIDE
(Peut-être parce que tu ne savais pas la géométrie)

L’adolescent ne se connaissait plus,
il était dix heures du matin.

Son coeur lentement s’emplissait
d’ailes brisées et de fleurs de chiffon.

Il nota qu’il ne lui restait
sur les lèvres qu’une parole.

Comme il ôtait ses gants, il tomba
de ses mains une cendre fine.

Du balcon se voyait une tour
il se sentit balcon et tour.

Il vit pour sûr le regarder
la montre captive en son boîtier.

Et son ombre étendue en paix
sur le divan de blanche soie.

Et le garçon, géométrique et roide,
d’un coup de hache brisa le miroir

Cependant qu’un grand jet d’ombre
inondait la chimérique alcôve.

(Federico Garcia Lorca)

Illustration: Nicholas Chistiakov

 

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La mer au seuil de la chambre (Kettly Mars)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2019



 Jean-Paul Avisse -

La mer au seuil de la chambre
abandonne algues et conques.
Il n’est barque qui n’accoste
aux marches d’une alcôve,
ni bateau qui ne livre ses gréement
au havre d’une épaule.
La mer dans la chambre,
son soleil dans une main,
mouille aux sables de quatre murs
À l’heure où se meurt l’écume
commence l’odyssée d’un lit,
toutes voiles déployées
sur nos marées intérieures.

(Kettly Mars)

Illustration: Jean-Paul Avisse

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