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Posts Tagged ‘altérité’

Oui au … (Michel Serres)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2019




    
Oui au désir mais avec respect.
Oui à la force mais avec douceur.
Oui au corps, mais avec l’esprit.
Oui à la prise, mais avec l’offrande, avec le partage.
Oui à l’altérité, mais il faut un accord.
Oui à la différence, mais il faut l’harmonie.

Autrement c’est raté.

Il faut avoir de la patience,
accepter la longueur du travail
que suppose l’approche de l’autre,
qui est toujours très différent ou très différente.

Être honnête, avoir de la probité, ne pas tricher, ne pas mentir.
Être très attentif à l’autre.
Se livrer au dialogue sans mensonge.

Autrement c’est raté.

Ne pas compter.
S’ouvrir à l’autre.
Souhaiter faire équipe avec l’autre.

Autrement c’est raté.

(Michel Serres)

 

Recueil: L’amour, chronique du 14 février 2010 / Petites chroniques du dimanche soir 4 – Janvier 2009-Juin 2010
Traduction:
Editions: Le Pommier

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J’écris peut-être pour maintenir l’ouverture de la source (António Ramos Rosa)

Posted by arbrealettres sur 5 juillet 2018



 

J’écris peut-être pour maintenir l’ouverture de la source,
même si je ne peux pas la découvrir.

Ce que j’appelle parole n’est rien de plus
que les harmoniques d’un accord juste,
le plus juste possible.

Ce n’est pas pour parler que j’écris, mais pour entendre,
ou plutôt, être capable d’entendre.

J’accueille dans sa nudité douloureuse
ce qui est sans nom ni figure.

Entre nous il n’y a aucun lien,
mais une liaison qui ne devrait pas exister,
et qui existe cependant :
cela même qui refuse de se manifester est pourtant l’origine
de la manifestation dans sa totalité.

Il faut que le don accueille le don
et que le silence remercie la parole,
le silence qui est à son tour remercié.

Mes paroles aimeraient être une pure confidence.
Car mes paroles vont à la rencontre de ce moment inouï
où l’inconnu se retourne dans la vive transparence d’un contact subtil.

Ce qui produit les choses, le monde, et qui n’est rien de ce monde,
et cependant qui n’est pas en dehors de lui,
ce que je ressens en même temps comme présence et absence,
crée la plénitude d’un visible transparent qui s’enracine dans l’invisible.

Et pourtant je ne pourrai jamais dire que je l’ai rencontré.
La rencontre est toujours impossible, problématique, incertaine.
Je sais néanmoins qu’elle n’adviendrait pas si je n’écrivais pas.

J’écris en essayant d’entendre la rumeur de l’inconnu.
Ce que j’écris dépend de cette relation ténue
à quelqu’un d’invisible qui attend et supplie.

C’est donc ce que j’écris qui rend possible la rencontre,
le dire diaphane de l’altérité.

J’écris, et ce que j’écris ne mène nulle part.

Les mots sont pauvres, blancs, transparents.
Peut-être qu’ils sont une silencieuse irradiation du vide.

Mais c’est ainsi que je m’approche du dieu inconnu.

(António Ramos Rosa)

Illustration: Danielle Decollonge

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Je déteste qu’on attende du réel quelque chose comme un sens (Pascal Quignard)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2016



Je déteste qu’on attende du réel quelque chose comme un sens.
C’est déjà une façon de tricher avec le monde.

L’altérité me paraît bien plus proche de ce que la vie offre à vivre que cette question.
Le sens, c’est toujours orienter l’action ou le temps dans une seule direction
imposée par un groupe qui se considère comme le meilleur.
Réclamer du sens, c’est faire surgir un monde trop sémantique, trop orienté,
c’est faire de l’autre en tant qu’être différent un ennemi, c’est vouloir l’exterminer.

Tandis que prôner un monde uniquement anxieux de l’autre,
c’est une façon d’accueillir un réel bien plus dynamique.
Les sociétés perdues et perplexes ne posent pas de problème.
Apporter du sens, c’est se boucher la vue.

Si l’on vit avec quelqu’un que l’on aime, si on lui dit:
«C’est pour ça que je t’aime, voilà le sens de mon amour»,
il faut fuir car c’est déjà de la trahison.
On n’est pas pour une raison avec quelqu’un, on est face à lui, face à son étrangeté.
Le fait de se réunir sur ce qu’on ignore de l’autre est pour moi bien plus important
que de prétendre connaître quelque chose de l’autre.

(Pascal Quignard)

 

 

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