J’écris peut-être pour maintenir l’ouverture de la source,
même si je ne peux pas la découvrir.
Ce que j’appelle parole n’est rien de plus
que les harmoniques d’un accord juste,
le plus juste possible.
Ce n’est pas pour parler que j’écris, mais pour entendre,
ou plutôt, être capable d’entendre.
J’accueille dans sa nudité douloureuse
ce qui est sans nom ni figure.
Entre nous il n’y a aucun lien,
mais une liaison qui ne devrait pas exister,
et qui existe cependant :
cela même qui refuse de se manifester est pourtant l’origine
de la manifestation dans sa totalité.
Il faut que le don accueille le don
et que le silence remercie la parole,
le silence qui est à son tour remercié.
Mes paroles aimeraient être une pure confidence.
Car mes paroles vont à la rencontre de ce moment inouï
où l’inconnu se retourne dans la vive transparence d’un contact subtil.
Ce qui produit les choses, le monde, et qui n’est rien de ce monde,
et cependant qui n’est pas en dehors de lui,
ce que je ressens en même temps comme présence et absence,
crée la plénitude d’un visible transparent qui s’enracine dans l’invisible.
Et pourtant je ne pourrai jamais dire que je l’ai rencontré.
La rencontre est toujours impossible, problématique, incertaine.
Je sais néanmoins qu’elle n’adviendrait pas si je n’écrivais pas.
J’écris en essayant d’entendre la rumeur de l’inconnu.
Ce que j’écris dépend de cette relation ténue
à quelqu’un d’invisible qui attend et supplie.
C’est donc ce que j’écris qui rend possible la rencontre,
le dire diaphane de l’altérité.
J’écris, et ce que j’écris ne mène nulle part.
Les mots sont pauvres, blancs, transparents.
Peut-être qu’ils sont une silencieuse irradiation du vide.
Mais c’est ainsi que je m’approche du dieu inconnu.
(António Ramos Rosa)
Illustration: Danielle Decollonge
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