[…]
tant d’altitudes inouïes aux ciels de la terre
tant de déesses et de dieux oubliés
tant de promesses sous des fougères sombres
tant de résurrections à l’arraché
mais quel royaume
quel royaume ?
tant de surplombs
tant de refus et d’insouciances
tant de caresses fauves sans fausseté
tant et tant d’appels solaires
mais quel royaume
quel royaume
quel royaume
quel royaume
quel royaume
pour mon amour ?
(André Welter)
Recueil: La vie en dansant – Au cabaret de l’éphémère – Avec un peu plus de ciel
Traduction:
Editions: Gallimard
Lorsque tout n’était qu’altitude,
altitude,
altitude,
l’émeraude froide attendait
là-haut, le regard émeraude :
c’était un oeil :
il regardait
et c’était le centre du ciel,
et c’était le centre du vide :
l’émeraude
regardait :
unique, dure, verte immensément,
on aurait cru voir l’oeil
de l’océan,
l’oeil fixe, l’oeil de l’eau,
goutte de Dieu, victoire
du froid, tour, verte tour.
Art de laisser filer la sonde dans la profondeur
que ne peut soupçonner l’homme de surface, l’homme actif, psychique.
Car nous, riverains ou nageurs,
toujours nous péririons dans l’ignorance de l’altitude sous nous,
sans la parole qui opère à tout instant le sondage pour nous,
et qui ainsi est notre profondeur,
Ecrire, c’est écrire malgré tout.
Comme une barque assemblée contre l’Océan sans mesure
— et la barque tire sa forme de l’Enorme qu’elle affronte en craignant la défaite,
et différents sont les esquifs autant que les ports d’un pôle à l’autre —
ainsi le style est ajointement malgré tout, manière de se jeter à cœur perdu mesure de l’immense;
et chacun reçoit figure de l’aspect que montre l’Elément où de son côté il se trouve jeté,
de la terreur déterminée que lui inspire l’indéterminé.
Faire front dans le tumulte pour m’y tenir à flot, quelque temps, sur l’inconnaissable.
—La phrase, ligne de flottaison.
Là-haut, tu es. Là-haut quoiqu’il advienne,
femme-soleil d’un miracle à jamais
que rien ne sépare de la pure lumière
ni du souffle ascendant de notre amour promis
à une autre altitude. Tu es là, hors d’atteinte,
hors du monde où meurent les âmes et les corps.
Tu danses sur l’horizon que je porte en moi
pour abolir l’espace et le temps. Tu vis à l’infini.
Écoutez : c’est mon nom que j’entends, qu’elle crie.
Je ne suis que silence et je baisse les yeux.
Seigneurs de l’altitude et des ravins poudreux,
Vous qui me regardez, vous qui me connaissez,
Ai-je perdu la vie?
(Jules Supervielle)
Recueil: Le forçat innocent suivi de Les amis inconnus
Traduction:
Editions: Gallimard
Je me suis rasé le crâne
J’ai revêtu une robe
Je dors dans un coin de cabane
à deux mille mètres d’altitude en montagne
C’est lugubre ici
La seule chose dont je peux me passer
c’est un peigne
***
The lovesick monk
I shaved my head
I put on robes
I sleep in the corner of a cabin
sixty-five hundred feet up a mountain
It’s dismal here
The only thing I don’t need
is a comb
(Leonard Cohen)
Recueil: Le livre du désir
Traduction: Jean-Dominique Brierre et Jacques Vassal
Editions: Cherche Midi