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Posts Tagged ‘(Anna de Noailles)’

Le verger (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2022




    

Le verger

Dans le jardin, sucré d’oeillets et d’aromates,
Lorsque l’aube a mouillé le serpolet touffu
Et que les lourds frelons, suspendus aux tomates
Chancellent de rosée et de sève pourvus,

Je viendrai, sous l’azur et la brume flottante,
Ivre du temps vivace et du jour retrouvé,
Mon coeur se dressera comme le coq qui chante
Insatiablement vers le soleil levé.

L’air chaud sera laiteux sur toute la verdure,
Sur l’effort généreux et prudent des semis,
Sur la salade vive et le buis des bordures,
Sur la cosse qui gonfle et qui s’ouvre à demi ;

La terre labourée où mûrissent les graines
Ondulera, joyeuse et douce, à petits flots,
Heureuse de sentir dans sa chair souterraine
Le destin de la vigne et du froment enclos…

Des brugnons roussiront sur leurs feuilles, collées
Au mur où le soleil s’écrase chaudement,
La lumière emplira les étroites allées
Sur qui l’ombre des fleurs est comme un vêtement,

Un goût d’éclosion et de choses juteuses
Montera de la courge humide et du melon,
Midi fera flamber l’herbe silencieuse,
Le jour sera tranquille, inépuisable et long.

Et la maison avec sa toiture d’ardoises,
Laissant sa porte sombre et ses volets ouverts,
Respirera l’odeur des coings et des framboises
Éparse lourdement autour des buissons verts ;

Mon coeur, indifférent et doux, aura la pente
Du feuillage flexible et plat des haricots
Sur qui l’eau de la nuit se dépose et serpente
Et coule sans troubler son rêve et son repos.

Je serai libre enfin de crainte et d’amertume,
Lasse comme un jardin sur lequel il a plu,
Calme comme l’étang qui luit dans l’aube et fume,
Je ne souffrirai plus, je ne penserai plus,

Je ne saurai plus rien des choses de ce monde,
Des peines de ma vie et de ma nation,
J’écouterai chanter dans mon âme profonde
L’harmonieuse paix des germinations.

Je n’aurai pas d’orgueil, et je serai pareille,
Dans ma candeur nouvelle et ma simplicité,
À mon frère le pampre et ma soeur la groseille
Qui sont la jouissance aimable de l’été,

Je serai si sensible et si jointe à la terre
Que je pourrai penser avoir connu la mort,
Et me mêler, vivante, au reposant mystère
Qui nourrit et fleurit les plantes par les corps.

Et ce sera très bon et très juste de croire
Que mes yeux ondoyants sont à ce lin pareils
Et que mon coeur, ardent et lourd, est cette poire
Qui mûrit doucement sa pelure au soleil…

(Anna de Noailles)

 

Recueil: Poésie au féminin
Traduction:
Editions: Folio

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Comprends que je déraisonne (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 28 juin 2021




    
Comprends que je déraisonne,
Que mon coeur, avec effroi,
Dans tout l’espace tâtonne
Sans se plaire en nul endroit…
Je n’ai besoin que de toi
Qui n’as besoin de personne !

(Anna de Noailles)

 

Recueil: Poème de l’amour
Traduction:
Editions: Le livre unique

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Va, tu peux avoir confiance (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 28 juin 2021



Illustration: Edvard Munch
    
– Va, tu peux avoir confiance
Dans les êtres de grand désir !

(Anna de Noailles)

 

Recueil: Poème de l’amour
Traduction:
Editions: Le livre unique

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Envions le coeur qui s’arrête (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 28 juin 2021



    

— Envions le coeur qui s’arrête
Quand un excès d’amour l’étonne
Le plaisir n’est que ce qu’on prête,
Mais la vie est ce que l’on donne…

(Anna de Noailles)

 

Recueil: Poème de l’amour
Traduction:
Editions: Le livre unique

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Le bonheur ainsi que l’ennui (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 28 juin 2021



Illustration: Henri Matisse
    
Le bonheur ainsi que l’ennui,
Comme deux fleuves dans la nuit,
S’en vont, rêveurs et téméraires,
Se perdre dans les eaux amères.

— Pourquoi nous semble-t-il toujours,
Dans la peine ou bien dans l’amour,
Qu’aucun des deux n’est éphémère ?…

(Anna de Noailles)

Recueil: Poème de l’amour
Traduction:
Editions: Le livre unique

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L’amour, vorace et triste (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 28 juin 2021



Illustration: Lucie Llong
    
L’amour, vorace et triste, en son humble folie,
Exige le serment qui rapproche et qui lie
La mort avec la volupté ;
Une voix dit « toujours » et l’autre répond « oui »,
Car l’éphémère ardeur veut un luxe inouï
D’avenir et d’éternité…

(Anna de Noailles)

 

Recueil: Poème de l’amour
Traduction:
Editions: Le livre unique

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Bien peu de coeurs sont désirants (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 28 juin 2021




    
Bien peu de coeurs sont désirants,
Un tiède destin les rassure,
Ils goûtent les faibles mesures,
Les jours égaux, prévus et francs,
L’avenir calme et sans ardeur.
— Il faut plaindre les donateurs !

(Anna de Noailles)

 

Recueil: Poème de l’amour
Traduction:
Editions: Le livre unique

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La tristesse dans le parc (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 22 avril 2018




    
La tristesse dans le parc

Entrons dans l’herbe florissante
Où le soleil fait des chemins
Que caressent, comme des mains,
Les ombres des feuilles dansantes.

Respirons les molles odeurs
Qui se soulèvent des calices,
Et goûtons les tristes délices
De la langueur et de l’ardeur.

Que nos deux âmes balancées
Se donnent leurs parfums secrets,
Et que le douloureux attrait
Joigne les corps et les pensées…

L’été, dans les feuillages frais,
S’ébat, se délasse et s’enivre.
Mais l’homme que rien ne délivre
Pleure de rêve insatisfait.

Le bonheur, la douceur, la joie,
Tiennent entre les bras mêlés ;
Pourtant les coeurs sont isolés
Et las comme un rameau qui ploie.

Pourquoi est-on si triste encor
Quand le destin est favorable,
Et pourquoi cette inéluctable
Inclination vers la mort ?…

(Anna de Noailles)

Découvert ici: https://eleonoreb.wordpress.com/

Recueil: Le cœur innombrable
Traduction:
Editions:

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Vivre, permanente surprise ! (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 19 mars 2018




    
Vivre, permanente surprise !

Vivre, permanente surprise !
L’amour de soi, quoi que l’on dise !
L’effort d’être, toujours plus haut,
Le premier parmi les égaux.
La vanité pour le visage,
Pour la main, le sein, le genou,
Tout le tendre humain paysage !
L’orgueil que nous avons de nous,
Secrètement. L’honneur physique,
Cette intérieure musique
Par quoi nous nous guidons, et puis
Le sol creux, les cordes, le puits
où lourdement va disparaître
Le corps ivre d’éternité.

– Et l’injure de cesser d’être,
Pire que n’avoir pas été !

(Anna de Noailles)

Découvert ici: https://eleonoreb.wordpress.com/

Recueil: L’honneur de souffrir
Traduction:
Editions:

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IL FERA LONGTEMPS CLAIR CE SOIR (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 14 novembre 2017




    
IL FERA LONGTEMPS CLAIR CE SOIR

Il fera longtemps clair ce soir, les jours allongent.
La rumeur du jour vif se disperse et s’enfuit,
Et les arbres, surpris de ne pas voir la nuit,
Demeurent éveillés dans le soir blanc, et songent…

Les marronniers, sur l’air plein d’or et de lourdeur,
Répandent leurs parfums et semblent les étendre ;
On n’ose pas marcher ni remuer l’air tendre
De peur de déranger le sommeil des odeurs.

De lointains roulements arrivent de la ville…
La poussière qu’un peu de brise soulevait,
Quittant l’arbre mouvant et las qu’elle revêt,
Redescend doucement sur les chemins tranquilles ;

Nous avons tous les jours l’habitude de voir
Cette route si simple et si souvent suivie,
Et pourtant quelque chose est changé dans la vie ;
Nous n’aurons plus jamais notre âme de ce soir…

(Anna de Noailles)

 

Recueil: Le Coeur innombrable
Editions: Grasset

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