L’infini est une tour.
Le destin, une cheminée d’usine
dans un entassement d’arcades.
Cambrures de l’Inévitable.
Briques de l’Inéluctable.
Sur la droite, un gant de fer posé sur un damier
rappelle que la vie est un jeu noir et blanc
s’achevant en tournois sanglants.
Qui donc a joué le Jour et l’a perdu au jeu?
Le soir prend la couleur d’un gant de fer rouillé
avant le heaume irrémédiable de la nuit.
Nuit nue de l’après-humain
(Jacques Lacarrière)
Recueil: A l’orée du pays fertile
Traduction:
Editions: Seghers
Ô toi, si loin de mes regards,
c’est à Dieu que je te confie.
Tu m’as brûlé l’âme, pourtant
moi, je t’aime plus que ma vie.
Tant que je ne tirerai pas
le pan de mon linceul sous terre,
Ne crois pas que j’ôte ma main
du pan de ta robe légère.
Laisse-moi voir l’arcade sainte
de tes sourcils : au petit jour,
J’étendrai les bras pour prier
et les mettre autour de ton cou.
Même si je dois m’adresser
à l’ange déchu de Babel,
Je ferai cent tours de magie
pour te ramener, ô ma belle !
Je voudrais mourir avant toi,
ô mon médecin infidèle !
Vas donc ausculter ton patient :
je suis dans une attente telle !
J’ai fait ruisseler de mes yeux
sur mon sein cent ruisseaux de larmes,
pour arroser les grains d’amour
que je sèmerai dans ton coeur.
Le Bien-Aimé versa mon sang,
me sauvant des peines de coeur :
Voici ton clin d’oeil assassin
qui me transperce comme une arme.
Mais je pleure, et mon seul désir,
au sein de ce torrent de larmes,
C’est de pouvoir semer en toi
la seule graine de l’amour.
Sois généreux ! Reçois-moi donc,
pour que, dans l’ardeur de mon âme,
Mes larmes tombent à tes pieds,
comme des perles, tour à tour.
Vin, amour et libertinage,
Hâfez. ne sont pas ton partage ; –
Et pourtant. c’est ce que tu fais.
Tant pis pour toi, c’est bien dommage
***
(Hâfez Shirâzi)(Hafiz)
Recueil: L’amour, l’amant, l’aimé
Traduction: Vincent-Masour Monteil
Editions: Actes Sud
Sur la place des Vosges
un matin d’avril
le marchand d’oranges
passait en chantant
Les pigeons du square
dans les arbres bleus
regardaient les feuilles pousser
sous le ciel du printemps
et sous les arcades
d’un très vieil hôtel
une jeune fille
a rougi…
On entendait les cloches de Saint-Paul
et le pas d’un cheval
sur le pavé de grès
Mon Dieu comme l’air est léger
sur la place des Vosges!
Les façades roses
brillaient au soleil
le marchand d’oranges
s’était approché
de la jeune fille
pour lui demander
son coeur en dentelle tremblant
sous le ciel du printemps
et sur la palette
de Monsieur Dufy
la place des Vosges
chantait…
avez-vous remarqué qu’un morceau de ciel
aperçu par un soupirail,
ou entre deux cheminées,
deux rochers,
ou par une arcade,
donnait une idée plus profonde de l’infini
qu’un grand panorama vu du haut d’une montagne?
L’ombre des frondaisons sur les prés bouge.
Le foin reste accroché aux haies par touffes.
Un églantier sur le talus s’étale.
La brise emporte en passant ses pétales.
La vapeur pâle erre au fond de l’azur.
Le soleil jette aux chemins ses dorures.
Un portail s’ouvre au passant sous un saule.
Le courant d’air va d’une arcade à l’autre.
Ainsi la pie d’arbre en arbre au verger,
ainsi la vie d’heure en heure, au juger.
Ange lourd, tu parles dans la boue sans hâte ni douceur
Tu portes les barques voûtées de ton rêve
En ce pays de berges dégagées
Et tu cours sur les patries nommées douteur
Parmi les rangs blancs des coquilles
Et les courants sans hâte ni douceur
Qui montent dans le soir à la mer étoilée
L’ardente solitude de ta voix déportée
Et l’aile vive rouge de ton nom odorant
L’arcade
En robe de lin dans le poids des marées
Fait effroi, et je te nomme Ô voûte
L’étranger
Et l’étreinte est bleue et redoutable
Ange
Car deux longs bras t’étreignent
Car tu n’es pas le vent.