Près des mers je vous ai guettés, manants. Voici la face
Avide. Puis les rocs. Déhanchées, les écumes.
Comme traces sur la mer d’un lourd passage d’ortolans.
La nuit est morte dans le jour, morte la faute dans l’été !
Ainsi la malemort ainsi l’odeur d’aridité
Meurent, pour se connaître sur la mer.
Et vous, vivants dans la mort claire.
— Quel est celui qui hèle ? Sur nous, quelle cette mer ?
Et pour laver la tour d’un feu de chênes nous appelle ?
Je suis l’obscur témoin, le mandement. Vous êtes mains
Amères, qui chantez dans l’amer tournoiement. Et vous,
Dans cet éclat et cet étonnement vous êtes
La mutité le vide la tempête
Où crie le noir silence qui m’étreint.
Dans une larme du temps
Comme il est dur
De sertir
Un sourire,
Une mélodie
Se couvre
De nuages
Le chemin
Du berceau.
Seul le bleu, ce bleu-là,
Galope
Sur un faon
Et veut percer de part en part
Le brouillard
Et le
Temps
Un désert verdoyant
Est-il impossible ?
Je suis un désert verdoyant,
Mon aridité fleurit,
Mes étoiles éteintes
M’illuminent par le regard,
Parmi les sables
Je vois des traces
Éparpillées –
Qui donc les découvrira ?
Permettez-moi de demander encore
Est-ce qu’un désert
Peut verdir ?
Il arrive parfois
Que même une abeille
Oublie son gîte et son travail
Et reste la dernière
Sur un arbre
À cause d’un lilas en fleur,
La grande nuit ne l’effraie pas
Qui tourbillonne avec l’ailleurs.
Alentour il n’y a personne,
Elle seulement,
Amoureuse
Jusqu’à la mort
En fleur.
(Rivka Basman)
Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard
Serait-ce saison d’aridité
Soleil fantôme
Épineux en baguettes de verre
Entre lesquelles glissent
Les ombres courtes du crépuscule
Par intermittence
Un cri d’oiseau
Fait rouler une pierre
De l’océan crayeux
La houle ramène la rumeur
De langages d’autres espaces
Serait-ce saison d’absence
Prise au piège
Du tourbillon du fanal
Les mots dérivent
À peine entrevus
Fragments de feu et de nuit
Le long de plages mirages
Des visages familiers
Surgissent à fleur d’écume
S’évanouissent avec le ressac
Laissant flotter un sourire
Hors saison mûrit le vide
Toute question retournée
À sa source
Ténèbres tamisées
Après la mort d’un être cher
Vol de cormoran
Dans le sillage de l’éclair
Je n’écouterai plus la chanson des ramiers,
Le bleu roucoulement lentement qui palpite
De leurs couples errants parmi les alisiers;
Je n’écouterai plus la feuille qui crépite,
Eclate hors du bourgeon et s’ouvre en la clarté
D’une aurore d’Avril. Ce que je vois se fane
Et le silence étend sa morne aridité
Dans mon bois intérieur que la bise décharne.
Le paysage est dur, fait de bronze et d’acier
Où le soleil répand des lueurs funéraires
Près des étangs mangés de rougeâtres ulcères.
Le jour souillé vacille aux bords où je m’assieds,
Et tombe ivre d’erreur, de doute et de blasphème:
Tout meurt immensément au dedans de moi-même.
D’INVISIBLES pipeaux charment ma solitude.
Le soir voit défleurir le mélilot des prés.
O nymphes aux yeux verts, et toi, Pan au poil rude,
Je vous offre ces fruits que l’automne a dorés.
Lorsque j’ai convoité la fraîcheur des fontaines,
Etendu sur la roche et las des longs chemins,
Vous m’avez apporté l’eau des sources lointaines,
O nymphes ! dans le creux frissonnant de vos mains.
Je n’ai plus redouté l’aridité des sables,
Bouclier d’or où se double l’airain du ciel,
Car j’ai bu longuement, dans vos mains pitoyables,
L’eau claire qui me fut plus douce que le miel.
Le premier accord est une déchirure d’espace
D’un geste nous voilà si loin de ce temps
Avec l’immensité des déserts ouvrant sur une mer immense
Ô mémoire, enfance pleine de mirages
L’aridité scintille
C’est du crépuscule à l’inconnu un cortège de présences et
de souffles
Où toute chose prend un écho divin
C’est l’heure de l’univers comme harmonie de mystères
Un cavalier s’isole dans la poussière de l’horizon
Une femme porte l’ombre avec sa jarre sur l’épaule
Les derniers cerfs-volants glissent entre les étoiles
Le rythme du soir semble un frémissement sans cesse répété
Une approche un appel une plainte infinie menée jusqu’à
l’offrande extrême
Où l’écoute voit
Où la vue entend
L’archet de Ram Narayan s’évade
Puis renoue le simple secret du coeur
Il éveille entre la nuit et le noir
Un corps de lumière
Une mélodie d’éclairs sous un ciel sans nuage
L’âme du sarangi restitue le legs d’un oiseau migrateur aux
errances si vastes qu’il oubliait la terre
Silences
Un jour toi et moi la vie
comme l’eau au voyageur sans bagage
les dunes solitaires tissent l’aridité des sens
Et de nos mains
nul ne dira la soif