De toi, de moi, d’où sortait la lumière?
Dans la grande bienveillance de l’âtre profond
où je me flattais de brûler pour me découvrir
comme un rayon de flammes et m’éclairer à ma lumière,
quand celle-ci était l’amour qui sortait de moi
parce qu’il était destiné à qui j’étais voué.
Et je multipliais les feux, j’embrasais l’alentour.
Je croyais en un pouvoir d’aurore, perpétuel.
(André Frénaud)
Recueil: Il n’y a pas de paradis
Traduction:
Editions: Gallimard
A Melbourne en décembre
on souffle on brûle
on fait des pâtés devant la mer on folâtre
nu et loin de l’âtre.
Les enfants lapons voudraient un Père Noël noir
C’est lassant la neige du bout au bout de l’an.
Ils ont écrit jusqu’en Afrique
et dans l’autre Amérique.
Mais les nègres gardent le leur
un gentleman de couleur
qu’ils appellent Saint-Béni
à Bogota
Colombie
au son des sambas.
Les Noëls de Paris
ont les yeux gris.
Les Noëls de ma vie
se font des cheveux gris.
Si j’avais su
je n’aurais pas grandi.
Serais resté petit.
Le jour au fond du jour sauvera-t-il
Le peu de mots que nous fûmes ensemble ?
pour moi, j’ai tant aimé ces jours confiants, je veille
Sur quelques mots éteints dans l’âtre de nos coeurs.
(Yves Bonnefoy)
Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire
Par son être magique où s’incarne le sphinx ;
Par le charme câlin de la lueur si claire
Qui s’échappe à longs jets de ses deux yeux de lynx,
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire.
Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,
Il ondule, se cambre et regimbe aux doigts lourds ;
Et lorsque sa fourrure abrite une chair grasse,
C’est la beauté plastique en robe de velours :
Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,
Vivant dans la pénombre et le silence austère
Où ronfle son ennui comme un poêle enchanté,
Sa compagnie apporte à l’homme solitaire
Le baume consolant de la mysticité
Vivant dans la pénombre et le silence austère.
Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre,
C’est bien l’âme du gîte où je me tiens sous clé ;
De la table à l’armoire et du fauteuil à l’âtre,
Il vague, sans salir l’objet qu’il a frôlé,
Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre.
Sur le bureau couvert de taches d’encre bleue
Où livres et cahiers gisent ouverts ou clos,
Il passe comme un souffle, effleurant de sa queue
La feuille où ma pensée allume ses falots,
Sur le bureau couvert de taches d’encre bleue.
Quand il mouille sa patte avec sa langue rose
Pour lustrer son poitrail et son minois si doux,
Il me cligne de l’œil en faisant une pause,
Et je voudrais toujours l’avoir sur mes genoux
Quand il mouille sa patte avec sa langue rose.
Accroupi chaudement aux temps noirs de décembre
Devant le feu qui flambe, ardent comme un enfer,
Pense-t-il aux souris dont il purge ma chambre
Avec ses crocs de nacre et ses ongles de fer ?
Non ! assis devant l’âtre aux temps noirs de décembre
Entre les vieux chenets qui figurent deux nonnes
À la face bizarre, aux tétons monstrueux,
Il songe à l’angora, mignonne des mignonnes,
Qu’il voudrait bien avoir, le beau voluptueux,
Entre les vieux chenets qui figurent deux nonnes.
Il se dit que l’été, par les bons clairs de lune,
Il possédait sa chatte aux membres si velus ;
Et qu’aujourd’hui, pendant la saison froide et brune,
Il doit pleurer l’amour qui ne renaîtra plus
Que le prochain été, par les bons clairs de lune.
Sa luxure s’aiguise aux râles de l’alcôve,
Et quand nous en sortons encor pleins de désir,
Il nous jette un regard jaloux et presque fauve
Car tandis que nos corps s’enivrent de plaisir,
Sa luxure s’aiguise aux râles de l’alcôve.
Quand il bondit enfin sur la couche entr’ouverte,
Comme pour y cueillir un brin de volupté,
La passion reluit dans sa prunelle verte :
Il est beau de mollesse et de lubricité
Quand il bondit enfin sur la couche entr’ouverte.
Pour humer les parfums qu’y laisse mon amante,
Dans le creux où son corps a frémi dans mes bras,
Il se roule en pelote, et sa tête charmante
Tourne de droite à gauche en flairant les deux draps,
Pour humer les parfums qu’y laisse mon amante.
Alors il se pourlèche, il ronronne et miaule,
Et quand il s’est grisé de la senteur d’amour,
Il s’étire en bâillant avec un air si drôle,
Que l’on dirait qu’il va se pâmer à son tour ;
Alors il se pourlèche, il ronronne et miaule.
Son passé ressuscite, il revoit ses gouttières
Où, matou lovelace et toujours triomphant,
Il s’amuse à courir pendant des nuits entières
Les chattes qu’il enjôle avec ses cris d’enfant :
Son passé ressuscite, il revoit ses gouttières.
Panthère du foyer, tigre en miniature,
Tu me plais par ton vague et ton aménité,
Et je suis ton ami, car nulle créature
N’a compris mieux que toi ma sombre étrangeté,
Panthère du foyer, tigre en miniature.
(Maurice Rollinat)
Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus
Refuge au-dessus de la vue
revenu des futurs orages
ma sérénité non conquise
belle demeure en dehors de la vie
Brûlé dans un grand âtre avec du feu de bois
avec les vieux amis et chantant avec eux
Les étoiles tombées ont couvert de leur gloire
les rouges gorges des oiseaux d’alentour
Neuf oiseau je cours moi aussi dans les branches
La cime des arbres éclairera mon coeur d’aurore
Tous les noeuds délivrés les sphères
joueront dans le grand jardin
avec l’ombre du jeune daim
et les jolies salamandres
Pourtant j’entends gémir quelque part sous les peaux
Et dans ma bouche la lourde résine des larmes
Trop tard