Mais je voudrais être horizontale.
Je ne suis pas un arbre dont les racines en terre
Absorbent les minéraux et l’amour maternel
Pour qu’à chaque mars je brille de toutes mes feuilles,
Je ne suis pas non plus la beauté d’un massif
Suscitant des Oh et des Ah et grimée de couleurs vives,
Ignorant que bientôt je perdrai mes pétales.
Comparés à moi, un arbre est immortel
Et une fleur assez petite, mais plus saisissante,
Et il me manque la longévité de l’un, l’audace de l’autre.
Ce soir, dans la lumière infinitésimale des étoiles,
Les arbres et les fleurs ont répandu leur fraîche odeur.
Je marche parmi eux, mais aucun d’eux n’y prête attention.
Parfois je pense que lorsque je suis endormie
Je dois leur ressembler à la perfection —
Pensées devenues vagues..
Ce sera plus naturel pour moi, de reposer.
Alors le ciel et moi converseront à coeur ouvert,
Et je serai utile quand je reposerai définitivement:
Alors peut-être les arbres pourront-ils me toucher,
et les fleurs m’accorder du temps.
(Sylvia Plath)
Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Traduction: Françoise Morvan et Valérie Rouzeau
Editions: Gallimard
On allait au bord de la mer
Avec mon père, ma sœur, ma mère
On regardait les autres gens
Comme ils dépensaient leur argent
Nous il fallait faire attention
Quand on avait payé le prix d’une location
Il ne nous restait pas grand-chose
Alors on regardait les bateaux
On suçait des glaces à l’eau
Les palaces, les restaurants
On ne faisait que passer d’vant
Et on regardait les bateaux
Le matin on se réveillait tôt
Sur la plage pendant des heures
On prenait de belles couleurs
On allait au bord de la mer
Avec mon père, ma sœur, ma mère
Et quand les vagues étaient tranquilles
On passait la journée aux îles
Sauf quand on pouvait déjà plus
Alors on regardait les bateaux
On suçait des glaces à l’eau
On avait le cœur un peu gros
Mais c’était quand même beau
On regardait les bateaux
La la la la la…
(Michel Jonasz)(Pierre Grosz)
Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON
Peut-être qu’il n’est pas suffisant,
de manger, de boire,
de danser, et de voyager,
et de faire attention aux bouteilles
au rôti, aux danseuses brochées,
et aux reflets de la mer ―
ni de combiner, de s’efforcer de de multiplier
ces fruits terrestres.
Peut-être est-ce œuvre vaine et dont
Jamais je ne serai satisfait.
Je n’en retirerai que de nouvelles corbeilles
qu’une abondance de récolte,
et l’appétit alors me manquera
et je n’aurai que la satisfaction de
les jeter aux autres en faisant quant
à moi le dégouté ―
Peut-être faut-il tourner le dos à la vie
et contempler les révélations,
les révélations anciennes qui renaissent
dans mon cœur ―
(Alain Rascle)
Recueil: Le livre d’or de la poésie française contemporaine
Editions: Marabout
Hommes, femmes,
gens de la vie,
gens de raison,
mon amour s’est enfui,
avec mon coeur
qu’il avait pris.
Ah, sans faire attention,
j’avais ouvert ma maison,
j’avais ouvert…
L’amour y est entré,
il est passé,
bien trop pressé
pour apprendre à m’aimer.
Hommes, femmes,
gens de la vie,
gens de raison,
fermez bien
vos maisons.
(Martine Laffon)
Recueil: Le Dit d’Amour
Traduction:
Editions: Alternatives
Regarder cette divinité sylvestre
(façon de lui rendre hommage)
est manière de prière matinale :
devant mon lare,
toute pensée étrangère me quitte,
je glisse en mon for intérieur.
À la fois identique à lui-même
et nouveau par quelque élément changeant,
il m’invite à un exercice quotidien de vigilance.
Attention, concentration, émerveillement :
n’est-ce pas la source de toute poésie ?
(Belinda Cannone)
Recueil: Un chêne
Traduction:
Editions: Le vistemboir
C’est seulement dans l’extrême de l’ici et maintenant
que monte le sentiment de la beauté du monde et du privilège d’y vivre.
J’ai nommé ailleurs sur-présence
cette façon que nous avons parfois d’être entièrement présent au moment vécu.
Mais la notion de sur-présence s’applique aussi aux objets de notre attention,
parfois banals ou familiers et acquérant soudain sous notre regard devenu voyant
une lumière extraordinaire qui les met en gloire
— ou plutôt qui révèle leur beauté secrète, cachée aux regardeurs pressés.
(Belinda Cannone)
Recueil: Un chêne
Traduction:
Editions: Le vistemboir
Les morts ne savent pas qu’ils sont morts,
pas plus que les vivants ne savent qu’ils sont vivants.
Personne ne sait grand-chose.
Des yeux brûlent dans le noir.
Ils essaient d’attirer notre attention.