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Posts Tagged ‘au-dehors’

Piao, prince de Pai-ma (Zao Zhi)

Posted by arbrealettres sur 7 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Piao, prince de Pai-ma

Afflictions du coeur et tourments de l’âme,
Demeurez au-dehors — je ne dirai plus rien !
Les yeux de l’homme bravent l’horizon des Quatre Mer
Dix mille lis ne sont pour lui que porte voisine.
L’amour fraternel ne saurait déserter
Et la distance nous ramène sans cesse au plus près.
Il serait vain de partager nos lits,
Sans avoir jamais partagé nos peurs et nos joies.
L’angoisse trop couvée n’apporte que maux et fièvres.
Infantilité ! Sentimentalité de femme !
Mais le sang et la chair à jamais séparés
Hurlent en moi amertume et peine.
Amertume et peine — que sont ces regards du cœur ?
Les décrets du Ciel n’apportent que désespoir.
Inutile donc de courir les rangs immortels.
Maître Sung nous a fait rêver trop longtemps.
Changements et malheurs sont sur nous.
Qui pourrait bien vivre au-delà de cent ans ?
Nous sommes séparés — ce sera pour toujours.
Mais j’attends encore tes mains dans les miennes.
Prince, prends soin de ton corps digne.
Et puissions-nous, ensemble,
Connaître les jours aux cheveux blancs.
Je retourne mes larmes et retrouve ma route.
Mon pinceau scelle mes voeux de vie belle.
Au revoir désormais.

(Zao Zhi)

(192-232)

 

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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Lecture (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 28 novembre 2022



La vie passe au-dehors
et sa vitesse est celle de la lumière.
Les deux mains sur un globe de papier transparent,
contemplant les flocons d’encre noire
qui tombent à l’intérieur,
il épouse la vitesse plus considérable encore de la lenteur.
Il regarde impassible les blocs de temps pur,
venus d’un ciel sans profondeur :
Eloge de l’immobile.
Supplique du muet.

Les noms possibles du lecteur :
Méditant par grand froid.
Mâche-le-vent.
Creuse-l’azur.
Songe-blanc.
Passeur.
Hirondelle du ras de la page.

(Christian Bobin)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Illustration

 

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Bien tard, je t’ai aimée (Saint Augustin)

Posted by arbrealettres sur 4 avril 2021



Saint Augustin 
    
Bien tard, je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle,
bien tard, je t’ai aimée !

Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors,
et c’est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais !

Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses
qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !

Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ;
j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ;
tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix.
(Saint Augustin)

 

Recueil:
Traduction:
Editions:

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M’attendre m’attendre toujours (Maurice Aubert)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2021



m’attendre m’attendre
toujours

marcher
marcher au-dehors de moi

marcher sous moi
alors que l’infini m’absorbe

(piège du sol
de la foule
piège des choses palpables
palpées)

les voix antérieures gisent
englouties de visible

visions éclatées
au bout des sens

(Maurice Aubert)

Illustration: Laurent Gorris

 

 

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Au-dehors, au-dedans (Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 9 décembre 2020



Au-dehors, au-dedans,
Toujours

Sur des orbites
Indémaillables.

Le sur-place
N’existe pas.

(Guillevic)

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Où réside l’esprit? (Seamus Heaney)

Posted by arbrealettres sur 7 août 2020



Où réside l’esprit? Au-dedans, au-dehors
Des choses remémorées, des choses faites ou défaites?
Premier le cri de l’oiseau de mer, première l’âme

Imaginée dans l’aube froide de son cri?
Et son perchoir ultime? Le bâton fangeux d’un nid
De corneille, au sommet de la vieille tour de pierre,

Ou le buste de marbre dominant le parterre?
Habitable, la forme accomplie?
Habitée, la lumière venteuse?

Pourquoi la note maintenue, pourquoi la ligne maintenue
Sinon pour l’assaut qui rassure?

***

Where does spirit live? Inside or outside
Things remembered, made things, things unmade?
What came first, the seabird’scry or the soul

Imagined in the dawn cold when it cried?
Where does it roost at least? On dungy sticks
In a jackdaw’s nest up in the old stone tower

Or a marble bust commanding the parterre?
How habitable inhabited the windy light?

What’s the use of a held note or held line
That cannot be assailed for reassurance?

(Seamus Heaney)

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Habillage (Philippe Claudel)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2020



Illustration: Pascal Renoux
    
Habillage

Mon amour
Mon Dieu que c’est long
Que c’est long
Ce temps sans toi
J’en suis à ne plus compter les jours
J’en suis à ne plus compter les heures
Je laisse aller le temps entre mes doigts
J’ai le mal de toi comme on a le mal d’un pays
Je ferme les yeux
J’essaie de retrouver
Tout ce que j’aime de toi
Tout ce que je connais de toi
Ce sont tes mains
Tes mains qui disent comme ta bouche les mots
En les dessinant dans l’air et sur ma peau parfois
Tes mains serrées dans le sommeil avec la nuit
Dans le creux de ta paume
Tes mains qui battent les rêves comme des cartes à jouer
Tes mains que je prends dans les miennes
Pendant l’amour
Ce matin tandis que le soleil venait à la fenêtre j’ai fermé les yeux
Et ta bouche s’est posée sur ma bouche
La tienne à peine ouverte
Et tes lèvres doucement se sont écrasées sur les miennes
Et ta langue s’est enroulée à ma langue
J’ai songé à l’Italie alors
Au citronnier de Ravello accroché dans l’à-pic au-dessus de la mer
Très bleue
Au vent dans tes cheveux
Tu portais ta robe rose
Elle devenait une fleur
Elle jouait avec tes cuisses et tes bras nus
Le vent la tordait comme un grand pétale souple
Le vent chaud comme ton ventre après l’amour
Tandis que mon sexe dans ton sexe frémit encore et s’émerveille
Que le plaisir a rendu mauves nos paupières
Que nous sommes couchés non pas l’un contre l’autre
Mais l’un à l’autre
Oui l’un à l’autre mon amour
Mon présent s’orne de mille passés dont il change la matière
Et qui deviennent par ta grâce des présents magnifiques
Ces heures ces instants ces secondes au creux de toi
Je me souviens du vin lourd que nous avions bu
Sur la terrasse tandis que la nuit couvrait tes épaules
D’un châle d’argent
Je me souviens de ton pied gauche jouant avec les tresses de ta sandale
La balançant avec une grâce qui n’appartient qu’à toi
Je me souviens de ce film de Nanni Moretti Caro Diaro
Vu dans un vieux cinéma
Des rues de Rome
De la lumière orangée de la ville
Et de la Vespa que nous avions louée quelques jours plus tard
Et nous avions roulé comme Nanni dans le film
Sans but et sans ennui
Dans l’émerveillement du silence de la ville
Désertée pour la ferragosto
Tu me tenais par la taille et tu murmurais à mon oreille
« Sono uno splendido quarantenne »
Et tu riais
Et je riais avec toi sous le nuage des pins parasols
Dans les parfums de résine
Et le soir devant le grand miroir rouillé de la très petite chambre de l’hôtel
Tu jouais un autre film
« Tu les trouves jolies mes fesses ?
Oui. Très.
Et mes seins tu les aimes.
Oui. Enormément. »
Et je disais oui à tout
Oui à toi
Oui à nous
Je sors une heure chaque jour
Cela est permis
Je marche je tourne je tourne en rond
Et rien ne tourne rond
Pour moi sans toi
Pour moi loin de toi et qui n’ai plus que ma mémoire
Pour te faire naître dans mon cerveau
Et l’apaiser l’embraser t’embrasser te serrer te chérir en lui
Hier le surveillant tandis que je rentrais dans ma cellule après la promenade
M’a dit que le confinement allait prendre fin au-dehors

Dombasle-sur-Meurthe, le 20 mai 2020

(Philippe Claudel)

 

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LA FLUTE ENCHANTÉE (Tristan Klingsor)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2020



Guy Baron_au_bord_du_reve [1280x768]

LA FLUTE ENCHANTÉE

L’ombre est douce et mon maître dort,
Coiffé d’un bonnet conique de soie,
Et son long nez jaune en sa barbe blanche.
Mais moi je suis éveillée encore
Et j’écoute au-dehors
Une chanson de flûte où s’épanche
Tour à tour la tristesse ou la joie,
Un air tour à tour langoureux ou frivole
Que mon amoureux chéri joue,
Et quand je m’approche de la croisée,
Il me semble que chaque note s’envole
De la flûte vers ma joue
Comme un mystérieux baiser.

(Tristan Klingsor)

Illustration: Guy Baron

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Nos mots (Luciole)

Posted by arbrealettres sur 1 février 2020




    
Nos mots

Quand le silence hurle,
Se fait assourdissant
Que des sons minuscules
Se font cris de géants
Nos mots sont des compas,
Nous guident sur l’océan
Nos mots comme continents,
Il nous restera ça

Quand les nuages filent
Sans qu’on puisse les toucher
Dans le bleu tendres îles,
Impossible d’accoster
Nos mots sont des trois mâts
Naviguent dans ces nuées
Nos mots comme nos voiliers,
Il nous restera ça

Et quand le ciel pleure,
Se grise de sanglots
Que les sons, les couleurs
Se prennent dans les rouleaux
Nos mots à bouts de bras
Sont nos armes, nos flambeaux
Nos mots comme drapeaux,
Il nous restera ça

Quand les portes sont fermées,
Que l’on reste au-dehors
Quand on a beau frapper
De nos mains, de nos corps
Nos mots resteront là,
Gravés dans le décor
Nos mots comme trésor,
Il nous restera ça

Quand mes lèvres sont scellées,
que je ne sais que dire
Quand je ne sais que pleurer
quand je voudrais sourire
Mes mots glissent tous bas,
pour éviter le pire
Mes mots comme des soupirs,
il me restera ça

Quand on voudrait fixer
Chaque souvenir chaque nuit
Pour ne rien oublier
De chaque sensation
Les mots sont nos combats,
Les mots sont l’émotion
Nos mots comme chansons
Il nous restera ça
Il nous restera ça

(Luciole)

 

Paroliers : David Babin / Angelo Foley / Lucile Gerard

   

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UN VENT FRAPPE (H. Leivick)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2019



Illustration: Maurycy Trebacz

    
UN VENT FRAPPE

Un vent frappe à la vitre
Silence en ma maison
Silence en ma maison comme dans mon coeur

Je fais ce que je veux
Ma tête tombe sur la table
Je la relève et regarde au-dehors
Regarde dans la rue

On frappe à la porte
Et je dis Entrez
Et je dis Entrez, qui donc, peu m’importe
Si, cela m’importe
Nul pourtant ne vient
Je dis Qu’il en soit ainsi c’est fort bien.

Je bondis soudain
Je sors dans la rue
Je sors dans la rue et puis je reviens
Ayant acheté des noix
Ces noix les ai-je achetées?
Pour quel invité?
Suis-je allé vraiment acheter des noix?

Il y a des noix et puis du raisin
Alors peut-être aller chercher du vin?
Aller chercher du vin très vite?
Je bondis encore
Je sors dans la rue et puis je reviens
Avec une fiole de vin

Ce vin l’ai-je acheté?
Pour quel invité?
Suis-je allé vraiment acheter du vin ?
Un vent frappe à la vitre
Silence en ma maison
Silence en ma maison comme dans mon coeur.

(H. Leivick)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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