Souvenirs de la mer
Le grand panneau du fond découpé par l’éclair
La vague abandonnée aux démons du parterre
La fumée des étoiles
Aux ras des flots le lustre éteint
Les voyageuses du matin
Plus haut que nous la robe ouverte
Le regard bleu
Les mouches vertes
Une heure après
L’espace blanc
Le beau gaillard est à l’avant
Ses mains mesurent l’entourage
Le vent se lève
Une autre page
Il est trop tôt pour s’attarder
Le monde va par coups de dés
L’étrave blesse les paupières
Creuse la route la lumière
Aucun regret des passeports
C’est l’aventure naturelle
Et plus nouvelle que la mort.
(René Guy Cadou)
Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers
Le sage a soif mais il ne boit pas aux sources malignes
Le sage a chaud mais il ne s’abrite pas sous des ombres faciles
L’homme véritable sait porter le poids de la liberté.
Mon cheval est sellé ; il m’emporte auprès du devoir.
Ma cravache rythme son pas vif vers l’aventure qui appelle
Ma faim recherche l’antre des tigres — je me nourris de leur sauvagerie
Le froid et le sommeil me conduisent au bois des oiseaux où trouver refuge
La fin du jour presse mon coeur insatisfait — ma quête n’est pas finie.
Je vois le déroulement des jours ; l’an s’épuise dans la nuit qui vient.
De lourds nuages occupent le rivage et poussent leurs soupirs vers la montagne.
La vallée retient mes vers et la crête des pics libère mes souffles angoissés.
Si l’agitation heurte les cordes du luth, Les hautes aspirations élèvent la parole.
Ô ! Comme vivre peut être pesant parfois !
Mais que se passe-t-il en moi qui braille la lâcheté qui s’épanche ?
Je frappe mon coeur — « réveille-toi et garde droite la vertu nécessaire ! »
Si ma poitrine se gonfle, voilà ma tête qui s’abaisse — comme j’ai honte…
(Lu Ji)
(261-303)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
Tu dispensas richesses sans mesure,
J’ai bu, ardent, la source tout entière,
Je te voyais, aveuglante lumière,
Tout l’univers sombrait dans l’aventure,
Jusqu’à ne plus sentir que la hantise
De cette ivresse, chute d’eau, prodigue
Roulant sur moi, rompant toutes les digues,
Lorsqu’abîmé en toi, je t’avais prise …
Entre le toi, le moi, plus de barrière …
Où s’étendaient l’une et l’autre frontière ?
Ton coeur au fond du mien battait sonore,
Les mots d’amour que tu soufflais encore
Rendaient en écho mon ravissement,
Et j’étais, moi, dans ton gémissement.
(Léo Schmidl)
Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction: Catherine Kany
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi
Plus vite il marchait,
plus il approchait de sa maison,
plus elle rapetissait,
devenait inhabitable.
La distance se solidifiait derrière sa marche
et le poussait avec le rythme
d’une troupe militaire que rien ne presse.
Il lui fallait entrer dans cette maison minuscule,
ce qui était impossible et devint possible
lorsque la muraille militaire s’arrêta.
Le voyageur, alors, rapetissa très vite
cependant que sa maison grandissait à vue d’oeil
et qu’une belle jeune fille apparaissait à une fenêtre
et riait de son aventure.
(Jean Cocteau)
Recueil: Poèmes Appogiatures Clair-obscur Paraprosodies
Editions: Du Rocher
A peu que le cœur ne m’en crève
Quand j’en parle ou quand j’écris :
C’est Belaud mon petit chat gris
Belaud qui fut par aventure
Le plus bel œuvre que Nature
Fit onc en matière de chats.
(Joachim Du Bellay)
Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus
Nous sommes allongés
Sur l´herbe de l´été.
Il est tard.
On entend chanter
Des amoureux et des oiseaux.
On entend chuchoter
Le vent dans la campagne.
On entend chanter la montagne.
J´ai ta main dans ma main.
Je joue avec tes doigts.
J´ai mes yeux dans tes yeux
Et partout, l´on ne voit
Que la nuit, belle nuit, que le ciel merveilleux,
Tout fleuri, palpitant, tendre et mystérieux.
Viens plus près, mon amour,
Ton cœur contre mon cœur
Et dis-moi qu´il n´est pas de plus charmant bonheur
Que ces yeux dans le ciel, que ce ciel dans tes yeux,
Que ta main qui joue avec ma main.
Je ne te connais pas.
Tu ne sais rien de moi.
Nous ne sommes que deux vagabonds,
Fille des bois, mauvais garçon.
Ta robe est déchirée.
Je n´ai plus de maison.
Je n´ai plus que la belle saison
Et ta main dans ma main
Qui joue avec mes doigts.
J´ai mes yeux dans tes yeux
Et partout, l´on ne voit
Que la nuit, belle nuit, que le ciel merveilleux,
Tout fleuri, palpitant, tendre et mystérieux.
Viens plus près, mon amour,
Ton cœur contre mon cœur
Et dis-moi qu´il n´est pas de plus charmant bonheur.
On oublie l´aventure et la route et demain
Mais qu´importe puisque j´ai ta main.
Mais qu´importe puisque j´ai ta main.
Mais qu´importe puisque j´ai ta main.