JE suis servante dans la rue
je ne sais rien Mes seins
se serrent Oh ! qu’on empoigne
Tous ceux-là sans chevalerie
Mes yeux fermés C’est un trésor
Sans le tenir que je soupèse
Doux comme un soleil qui me chauffe
Au mur très bon où je m’endors
Mes épaules à la fenêtre
Pour accourir pour échapper
Les trains les camps les gares
Pour attendre je revenais
Ma chambre ô mon pauvre savon
Et ma valise de carton
J’ai seulement rêvé dans la ville de pierre
D’un bain qui me caresse et me serre
Plus profond et plus long que la mer
Son épouse. Quarante années durant il la peignit.
La peignit encore et la repeignit. Le nu de la dernière toile,
le même jeune nu que celui de la première. Son épouse.
Telle qu’il se la rappelait jeune. Telle qu’elle était, jeune.
Son épouse au bain. À sa coiffeuse
devant le miroir. Dévêtue.
Son épouse, les mains sous les seins
regardant le jardin par la fenêtre.
Le soleil prodiguant chaleur et couleur.
Tout ce qui vit s’épanouit là.
Elle jeune et frémissante et tellement désirable.
Quand elle mourut, il peignit encore un peu.
Quelques paysages. Puis mourut.
Et on le coucha près d’elle.
Sa jeune épouse.
(Raymond Carver)
Recueil: Poésie
Traduction: Jacqueline H. jeem-Pierry Carasso et Emmanuel Moses
Editions: De l’olivier
De l’érable les pattes dentées
Parmi les angles arrondis prennent un bain,
Les papillons à la peau mouchetée
Évoquent les motifs d’un papier peint.
Il y a des mosquées en vie,
Je viens d’en déchiffrer l’énigme, et il se peut
Que nous soyons une Sainte-Sophie
Avec une innombrable multitude d’yeux.
L’ombre s’évapore
Et déjà l’aurore
De ses rayons dore
Les toits alentours
Les lampes pâlissent,
Les maisons blanchissent
Les marchés s’emplissent :
On a vu le jour.
De la Villette
Dans sa charrette,
Suzon brouette
Ses fleurs sur le quai,
Et de Vincenne,
Gros-Pierre amène
Ses fruits que traîne
Un âne efflanqué.
Déjà l’épicière,
Déjà la fruitière,
Déjà l’écaillère
Sautent au bas du lit.
L’ouvrier travaille,
L’écrivain rimaille,
Le fainéant baille,
Et le savant lit.
J’entends Javotte,
Portant sa hotte,
Crier : Carotte,
Panais et chou-fleur !
Perçant et grêle,
Son cri se mêle
A la voix frêle
Du noir ramoneur.
L’huissier carillonne,
Attend, jure, sonne,
Ressonne, et la bonne,
Qui l’entend trop bien,
Maudissant le traître,
Du lit de son maître
Prompte à disparaître,
Regagne le sien.
Gentille, accorte
Devant ma porte
Perrette apporte
Son lait encor chaud ;
Et la portière,
Sous la gouttière,
Pend la volière
De Dame Margot.
Le joueur avide,
La mine livide,
et la bourse vide,
Rentre en fulminant ;
Et sur son passage,
L’ivrogne, plus sage,
Rêvant son breuvage,
Ronfle en fredonnant.
Tout, chez Hortense,
Est en cadence ;
On chante, on danse,
Joue, et cætera…
Et sur la pierre
Un pauvre hère,
La nuit entière,
Souffrit et pleura.
Le malade sonne,
Afin qu’on lui donne
La drogue qu’ordonne
Son vieux médecin ;
Tandis que sa belle,
Que l’amour appelle,
Au plaisir fidèle,
Feint d’aller au bain.
Quand vers Cythère,
La solitaire,
Avec mystère,
Dirige ses pas,
La diligence
Part pour Mayence,
Bordeaux, Florence,
Ou les Pays-Bas.
« Adieu donc, mon père,
Adieu donc, mon frère,
Adieu donc, ma mère,
– Adieu, mes petits. »
Les chevaux hennissent,
Les fouets retentissent,
Les vitres frémissent :
Les voilà partis.
Dans chaque rue,
Plus parcourue,
La foule accrue
Grossit tout à coup :
Grands, valetaille,
Vieillards, marmaille,
Bourgeois, canaille,
Abondent partout.
Ah ! quelle cohue !
Ma tête est perdue,
Moulue et fendue,
Où donc me cacher !
Jamais mon oreille
N’eut frayeur pareille…
Tout Paris s’éveille…
Allons nous coucher.
Pendant qu’elles prennent leur bain
Dans leurs baignoires de poussière
Les dames moineaux font les fières
La poussière ça va au teint
Les messieurs moineaux pour leur plaire
Leur offrent mes miettes de pain
Pendant qu’elles prennent leur bain
Certaines, des aventurières
Viennent picorer dans ma main
Aux pigeons je ne donne rien
Réservant ma tartine entière
Aux moineaux qui prennent leur bain