Je te comprends
quand tu lis dans mon dos
des B.D.
masochistes
pendant que moi j’écris
de quoi remplir ma nuit
d’une paix
relative.
Je te comprends
avec tes mots croisés
ma définition
reste à perdre…
Je te comprends
quand
la nuit a vrillé
et que mes mains se crispent
comme celles
d’un
foudroyé.
Je te comprends
quand tes urgences crient
sous l’assaut
de patients
ivres morts.
Je te comprends
car nous parlons
un dialecte
une langue secrète
naufragée…
Le calme d’un balcon
la liberté
des mauvaises herbes
kakis
pas encore mûrs.
Tes doigts longs
et agiles
ne courent plus
sur mon dos brûlé
par
la lune.
Paris te protège
dans ses carrefours
et ses allées
sans
visage.
La terre lourde
fait
de chacun
de mes pas
un sillon
stérile.
Le début d’après-midi
est un moment
mal choisi
pour
les poèmes.
La digestion,
Les Feux de l’amour
et même
Derrick
n’est plus là
pour réveiller
ma muse.
Il est 13h11…
à ce soir.
Dans le grand parc
derrière la cité
un chien
se cachait.
II était trop malin
pour les gardiens alcooliques
et avait fait du sous-bois
son royaume.
Il se montrait parfois
au pied des premiers arbres
un calme d’assassin
autour des mâchoires.
Il a vécu
dans une cave sans lumière
aux ordres d’un dealer
qui n’a pas fait long feu.
Il dormait sur des armes
c’est pendant la perquise
qu’il a fui emportant
les doigts
d’un flic
en civil.
Depuis
il attend
ivre de soleil
de pluie et de vent
la punition
certaine.
Le souvenir du sang
le maintient en alerte
il connaît trop les hommes
pour n’être
qu’une bête.
Ce que j’ai vu,
ce sont des poings en colère,
et le silence des bleds
du Nord.
Une femme incestueuse
et ce miroir
qui s’en fout.
Les reflets
n’ont pas mal.
La campagne rase
mes mains d’enfant
durcies.
Sur le mur de derrière
un bâton à la craie
pour chaque jour
passé
en bagnard
fragile.
Planquer mon coeur
sous le carton de Basquiat
Downtown
81.
Le récupérer
griffé de couleurs
et de slogans
anarchiques.
Planquer mon coeur
sous un pont
quai de Bercy.
Graffez dessus
pissez dessus
brisez vos bouteilles
de vin
rouge.
Mais
ne me le rendez pas
rempli
de silence
Je marque des points
pour le camp des vaincus
ceux qui ont toujours tort
de n’être qu’eux-mêmes
ceux qui rêvent de gloire
dans un hall.
Une bière forte
huit degrés six
sur l’échelle de l’hiver.
Une pension au bord des ramblas,
un mur de plus pour t’appuyer.
Ta jeunesse a fui les rues
les artères
catalanes.
Un cierge dans l’entrée
pour la vierge des cyclopes.
Vieille
étrange bâtisse
tu n’as vu que d’un oeil
l’insurrection
la phalange et…
les drapeaux noirs.
On entre dans les chambres par la rue
à travers un rideau
qui devine…
Le miroir contre le mur est indemne
c’est le sol qui croule
sous le poids des prunelles
pressées
d’être ailleurs.
Les joueurs de boules
chômaient sur les graviers rouges
du parc.
Cabane en bois
tu bois pour parler
parler pour rien dire
et dire que j’en étais.
Sur la poubelle
flamber les allocs
sur une paire
de valets.
La fin de journée
caressait les écharpes
et l’acier
des planètes.
Nous rentrions
en essuyant la terre rouge
sur nos mains
inutiles.