Le poing noué d’un saule secoue l’argent de ses feuilles
la rivière gonflée de pluies déborde sur la patience des prés
dans l’herbe haute une couleuvre file
à l’approche du gamin venu repêcher un ballon
Le vent bouscule les nuages
vers les cités grises de la banlieue
demain
le béton recouvrira
d’une chappe de silence glacé
l’herbe et la couleuvre
le saule et la rivière
(Joseph-Paul Schneider)
Recueil: Jean Orizet: Les plus beaux poèmes pour les enfants
Revoir Paris
Un petit séjour d´un mois
Revoir Paris
Et me retrouver chez moi
Seul sous la pluie
Parmi la foule des grands boulevards
Quelle joie inouïe
D´aller ainsi au hasard
Prendre un taxi
Qui va le long de la Seine
Et me revoici
Au fond du Bois de Vincennes
Roulant joyeux
Vers ma maison de banlieue
Où ma mère m´attend
Les larmes aux yeux
Le cœur content
Mon Dieu que tout le monde est gentil
Mon Dieu quel sourire à la vie
Mon Dieu merci
Mon Dieu merci d´être ici
Ce n´est pas un rêve
C´est l´île d´amour que je vois
Le jour se lève
Et sèche les pleurs des bois
Dans la petite gare
Un sémaphore appelle ces gens
Tous ces braves gens
De la Varenne et de Nogent
Bonjour la vie
Bonjour mon vieux soleil
Bonjour ma mie
Bonjour l´automne vermeil
Je suis un enfant
Rien qu´un enfant tu sais
Je suis un petit Français
Rien qu´un enfant
Tout simplement
À mes jeunes camarades, aux équipiers du Club nautique de Chatou
Jadis, la Seine était verte et pure à Saint-Ouen,
Et, dans cette banlieue aujourd’hui sale et rêche,
J’ai canoté, j’ai même essayé de la pêche.
Le lieu semblait alors champêtre. Que c’est loin !
On dînait là. Le beurre, au cabaret du coin,
Était rance, et le vin fait de bois de campêche.
Mais les charmants retours, sur l’eau, dans la nuit fraîche,
Quand, sur les prés fauchés, flottait l’odeur du foin !
Oh ! quels vieux souvenirs et comme le temps marche !
Pourtant je vois encor le couchant, sous une arche,
Refléter ses rubis dans les flots miroitants.
Amis, embarquez-moi sur vos bateaux à voiles,
Par un beau soir, à l’heure où naissent les étoiles,
Afin que je revive un peu de mes vingt ans.
(François Coppée)
Recueil: Promenades et interieurs
Traduction:
Editions:
J’adore la banlieue avec ses champs en friche
Et ses vieux murs lépreux, où quelque ancienne affiche
Me parle de quartiers dès longtemps démolis.
Ô vanité ! Le nom du marchand que j’y lis
Doit orner un tombeau dans le Père-Lachaise.
Je m’attarde. Il n’est rien ici qui ne me plaise,
Même les pissenlits frissonnant dans un coin.
Et puis, pour regagner les maisons déjà loin,
Dont le couchant vermeil fait flamboyer les vitres,
Je prends un chemin noir semé d’écailles d’huîtres.
(François Coppée)
Recueil: Promenades et interieurs
Traduction:
Editions:
Les nombreux pas perdus dans la salle du nom
Ont sonné maintes fois sur les pavés de verre,
A Saint-Lazare à l’heure où partait pour Cythère
La rame des élus via Triel ou Bécon.
La Défense n’était pas encore en béton,
On cueillait l’abricot du côté de Nanterre,
Certain petit vin blanc se buvait sans manière,
Passant par les gosiers de godet en chanson.
De Malmaison à Vaux fleurissaient les guinguettes
Où les fins de semaine étaient sûrement faites
Pour la guinche et la joie alentour des buissons.
Les femmes portaient haut leur chevelure floue,
Quelques mèches pourtant leur tombaient sur la joue
Pour taquiner la barbe ou la peau des garçons.
Les tags, le rock, le rap, en guise de culture.
Blocs, bitume et bétons pour seconde nature.
Pour école la rue, pour foyer le bistro.
La moto pour cheval, pour Pégase un métro.
La drogue tenant lieu de bottes de sept lieues.
Et malgré tout un poème
Que l’encre ou non soit visible
Dans les cassures rougies !
Ce qu’on appelle son âme,
C’est cela : ce vieux mouchoir
Dans lequel on a saigné,
Dont les doigts distraits se jouent
Le long des haies de banlieue
Piquées de papiers d’école,
Les clefs froides sur la cuisse,
Le dernier rameau de souffle
Pris dans le gel des cohues,
A votre image, à la mienne
Petits hommes des métros
Qui hantons des coffres vides,
Comme un testament perdu,
Et qui parlons de la mort
Au silence, à la poussière,
En craquements superflus…
Mais tout de même un regard
Vers les lointaines demeures !
Mais tout de même un poème
Pour ensemencer l’amour.