Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘bas’

Ce coeur que vous m’avez fait (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 30 mai 2023



    

Ce coeur que vous m’avez fait, blessé d’avance,
Puisque nul n’en a besoin pour le sien,
Puisque, si je tombe en quelque puits immense,
A personne autour il ne manquera rien,

Puisque personne hors vous n’a vu mon âme,
Mieux vaudrait peut-être — ô Dieu, ne craignez pas,
Si vous la tuez, que quelqu’un la reclame —
Peut-être en finir avec elle tout bas,

En finir pour la guérir d’être immortelle —
Immortels seront les autres. Me guérir
Par pitié, d’être sans fin à cause d’elle
Ce mal qui ne peut ni vivre ni mourir.

Je passerai… je n’aurai plus jamais de moi,
Plus jamais ni vent ni nouvelle…

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Chant de rouge-gorge (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 25 mai 2023




    
Chant de rouge-gorge

Au mois de mai j’avais le cœur si grand
Que pour l’emplir je me suis en allée
Cherchant l’amour sans savoir quelle allée,
Pour le rencontrer, quel chemin on prend…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du printemps, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient…

J’allais, j’allais. Où trouver de l’amour ?
Au bas de la côte, au faîte, derrière ?
Au fond du bois, au bout de la rivière ?
Ici, là-bas, à ce prochain détour ?…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
De l’été, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient…

Quand je le vis, je n’osai pas à temps
M’en approcher ou lui faire une avance;
Je l’attendais ouvrant mon cœur immense…
Il n’est tombé qu’une goutte dedans…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du soleil, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient…

Est-ce là tout, cette goutte, est-ce tout ?
Je voudrais bien recommencer l’année,
La goutte d’eau qui m’était destinée,
Je voudrais bien la boire encore un coup…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Des feuilles, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient…

Est-ce bien tout ?… Peut-être, dans un coin
Que j’oubliai, peut-être avant la neige,
Un peu d’amour encor le trouverai-je,
Peut-être ici, peut-être un peu plus loin…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du bonheur, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient…

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

Une fois, presque à la fin de la journée (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023



    

Une fois, presque à la fin de la journée,
elle (ma nourrice) m’a conduite très loin,
au bord du monde, dans un champ mystérieux
où nous avons coupé avec la faucille
de grandes fougères.

Je n’ai jamais retrouvé ce champ.
Il n’avait pas d’entrée.
Mais un bonheur était dedans,
sur le bord du soleil qui allait partir.

Comment étions-nous venues là
toutes les deux,
sans route ni sentier?

*

Quand viendra le soir, au bout des années
Où, l’épaule basse et les yeux rougis,
Je ne serai plus, traînante et fanée,
Qu’une vieille en trop qui vague au logis.

Alors, quand le jour hésite et décline,
Comme une étrangère à jamais qui part,
A jamais… alors, comme une orpheline
Dont le cri n’a plus d’abri nulle part,

Je m’en irai seule avec mon pauvre âge
Qui n’a plus ni chant, ni charme, ni fleur,
Je m’en irai seule à la mort sauvage,
Sans faire alentour ni bruit ni malheur.

J’irai retrouver le pré seul au monde
0ù je traversai, petite, un bonheur
Que nul autre pré ne sut à la ronde,
Le champ oublié de tous les faneurs;

Le champ égaré depuis mon enfance
Que les bois au fond de leur secret noir
Ont si loin serré dans un grand silence
Que nul sentier clair n’a su le revoir.

Là se tient la fleur qui n’est pas sortie
Pour d’autres que moi dans mon prime temps.
Peut-être en ce champ, derrière l’ortie,
Que l’oiseau de l’aube à mi-ciel m’attend?

J’entrerai dedans sans bouquet ni gerbe,
La fleur et l’oiseau perdus y seront.
Je m’enfermerai dans ma chambre d’herbe…
Ce que j’y viens faire, eux seuls le sauront.

…….

Pas à pas le temps faible qui persiste
A battre en mon coeur sans savoir pourquoi
Sortira du monde… Et les feuilles tristes
Qui meurent le soir tomberont sur moi.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Je voudrais retrouver le pays natal de ma poésie (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023



Illustration: ArbreaPhotos

    
Je voudrais retrouver le pays natal de ma poésie,
la contrée sauvage d’où elle m’est venue de si loin,
avec ses songes, ses épouvantes, sa plainte mélancolique,
ce frémissement de grande solitude

qui me mêle toute aux arbres les plus tourmentés,
aux landes les plus hantées de signes et de présages,
et m’arrête, le soir, à la porte de je ne sais quelle chaumière
secrète et basse où le feu veille,
comme au seuil jamais oublié de ma plus ancienne demeure.

Ce lieu de naissance d’avant naissance
n’est pas ici, à Auxerre…
où il fait clair, juste et net,
où les yeux ne voient que ce qu’ils voient,
sans buée ni brouillard.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

L’amour par terre (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 20 mai 2023




    
L’amour par terre

Le vent de l’autre nuit a jeté bas l’Amour
Qui, dans le coin le plus mystérieux du parc,
Souriait en bandant malignement son arc,
Et dont l’aspect nous fit tant songer tout un jour !

Le vent de l’autre nuit l’a jeté bas ! Le marbre
Au souffle du matin tournoie, épars. C’est triste
De voir le piédestal, où le nom de l’artiste
Se lit péniblement parmi l’ombre d’un arbre.

Oh ! c’est triste de voir debout le piédestal
Tout seul ! Et des pensers mélancoliques vont
Et viennent dans mon rêve où le chagrin profond
Évoque un avenir solitaire et fatal.

Oh ! c’est triste ! – Et toi-même, est-ce pas ? es touchée
D’un si dolent tableau, bien que ton œil frivole
S’amuse au papillon de pourpre et d’or qui vole
Au-dessus des débris dont l’allée est jonchée.

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

FAIS CHANTER TA LYRE (Rosa Burel)

Posted by arbrealettres sur 12 mai 2023



Illustration
    
FAIS CHANTER TA LYRE

Sais-tu qu’il faut aimer pour devenir heureux ?
C’est la loi de la vie on ne peut la trahir
Sans se blesser soi-même et parfois se haïr
Heureuse condition pour le coeur généreux.

Tu n’as jamais médit. Surtout n’y songe pas
Reste bien grand de paix et fais chanter ta lyre
Au-dessus du pardon comme l’amour délire
C’est la belle prière à faire encor tout bas.

Il te faut donc aimer au grand jeu du destin
Le soleil et les fleurs, le prix de la souffrance
Alors t’apparaîtra celui de l’espérance
Plus grand que la douleur lumineux et certain.

Puisque tu crois au ciel il faut lever les yeux
Ne fais jamais douter ton cœur de sa puissance
Prends ce chemin qui monte et console joyeux
Toutes choses, un jour perdent leur suffisance.

Il te faut donc aimer au fort de l’aquilon
Et même plus encor comme au jour le plus long
Dieu peut-il oublier et le roseau qui tremble
Et l’amour qui se donne à lui et marche d’amble.

(Rosa Burel)

Recueil: à coeur ouvert
Editions: Bertout

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LA CLEF DE VOÛTE (Georges L. Godeau)

Posted by arbrealettres sur 5 mai 2023




    
LA CLEF DE VOÛTE

Dans le cloître, à Chester,
le muret du jardin est si bas
que les jeunes filles assises
sont tenues de fermer les genoux.
Deux grandes qui ont oublié les ouvrent.
Les courbes y sont pures,
elles convergent dans l’ombre
comme au faîte de la cathédrale.

Le gothique est un art plus ancien
qu’on ne dit.

(Georges L. Godeau)

Recueil: Le fond des choses
Editions: Nathan

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Pour parvenir à tout goûter (Saint Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 18 avril 2023



Illustration 
    
Pour parvenir à tout goûter

Rédaction tirée
du Mont de la Perfection
ou Mont Carmel
dessiné par saint Jean de la Croix

Pour parvenir au tout

Pour parvenir à ce que tu ne sais pas,
tu dois aller par où tu ne sais pas.
Pour parvenir à ce que tu ne goûtes pas,
tu dois aller par où tu ne goûtes pas.
Pour parvenir à posséder ce que tu ne possèdes pas
tu dois aller par où tu ne possèdes pas.
Pour parvenir à ce que tu n’es pas
tu dois aller par où tu n’es pas.

Pour avoir tout

Pour parvenir à tout savoir,
ne veuille rien savoir rien
Pour parvenir à tout goûter
ne veuille rien goûter en rien.

Pour parvenir à tout posséder,
ne veuille en rien posséder rien.
Pour parvenir à être tout,
ne veuille en rien n’être rien.

Pour ne pas empêcher le tout

Quand tu te fixes sur quelque chose,
tu cesses de te jeter dans le tout.
Car, pour parvenir en tout au tout,
tu dois tout entier te laisser en tout,
et quand tu parviendras à tout avoir en tout,
tu dois l’avoir sans rien vouloir.
Car si tu veux avoir quelque chose en tout,
tu n’as pas un pur trésor en Dieu.

Signe que l’on possède tout

En ce dénuement l’esprit
trouve sa quiétude et son repos
car, comme il ne convoite rien, rien
ne le tire vers le haut
et rien ne le pousse vers le bas, il est
au centre de son humilité.
Car quand il convoite quelque chose,
en cela même il se fatigue.

***

Para venir a gustarlo todo

Redacción sacada
del Monte de Perfección
o Monte Carmelo
dibujado por san Juan de la Cruz

Modo para venir al todo

Para venir a lo que no sabes
has de ir por donde no sabes.
Para venir a lo que no gustas
has de ir por donde no gustas.
Para venir a poseer lo que no posees
has de ir por donde no posees.
Para venir a lo que no eres
has de ir por donde no eres.

Modo de tener al todo

Para venir a saberlo todo
no quieras saber algo en nada.
Para venir a gustarlo todo
no quieras gustar algo en nada.

Para venir a poseerlo todo,
no quieras poseer algo en nada,
Para venir a serlo todo,
no quieras ser algo en nada.

Modo para no impedir al todo

Cuando reparas en algo,
dejas de arrojarte al todo.
Porque, para venir del todo al todo,
has de dejarte del todo en todo,
Y cuando lo vengas del todo a tener
has de tenerlo sin nada querer.
Porque, si quieres tener algo en todo
no tienes puro en Dios tu tesoro.

Indicio de que se tiene todo

En esta desnudez halla el
espíritu su quietud, y descanso,
porque como nada codicia, nada
lo impele hacia arriba, y nada
lo oprime hacia abajo, que está
en el centro de su humildad.
Que cuando algo codicia,
en eso mismo se fatiga.

(Saint Jean de la Croix)

Recueil: Jean de la Croix L’oeuvre poétique
Traduction: de l’espagnol par Bernard Sesé
Editions: Arfuyen

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

NOUS VIVIONS (Joyce Mansour)

Posted by arbrealettres sur 10 avril 2023




    
NOUS VIVIONS…

Nous vivions englués au plafond
Suffoqués par les vapeurs rances exhalées de la vie quotidienne
Nous vivions rivés aux plus basses profondeurs de la nuit
Nos peaux séchées par la fumée des passions
Nous tournions autour du pôle lucide de l’insomnie
Jumelés par l’angoisse séparés par l’extase
Vivant notre mort dans le goulot de la tombe

(Joyce Mansour)

Recueil: Le livre d’or de la poésie française contemporaine
Editions: Marabout

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

A marée basse (Laurent Graff)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2023




    
A marée basse, on voit toute la dentition de l’île,
avec ses caries d’algues, ses amalgames de moules.

(Laurent Graff)

Recueil: Au nom de sa majesté
Editions: Le dilettante

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , | Leave a Comment »

 
%d blogueurs aiment cette page :