La géographie et l’histoire de chaque être
Lui sont particulières selon qu’il va naître
Dans tel ou tel pays, de tels ou tels parents,
Sous quelle conjoncture et quels événements.
Son bagage essentiel est sa petite enfance :
L’amour reçu ou, au contraire, la souffrance
Paveront son chemin, seront déterminants,
Et son regard d’adulte en sera différent.
Il n’y a jamais dans une même brassée
Deux fleurs identiques malgré les apparences.
La chaîne et la trame que la vie a tissées
Font notre unicité et notre différence.
Nous ne savons jamais de quoi demain est fait,
De quels accidents ou de quelles rencontres,
Mais, quand nous grandissons, l’expérience nous montre
Qu’il est bon de savoir jouir de chaque bienfait.
Nous sommes tour à tour, selon les circonstances,
Pleins d’ombre ou de lumière, tristes ou joyeux,
Et, si le soleil brille, il faut saisir sa chance
Et vivre le présent comme un cadeau des Cieux.
« Arabesques » : depuis toujours ce mot me plaît.
En peinture, sculpture, musique ou ballet,
Il évoque pour moi de gracieux mouvements
Et il me parle à l’oreille si doucement.
Selon que je me trouve au bord d’un lac en Chine
Ou bien au bord de la mer Méditerranée,
Moi, sur des cucurbitacées je les dessine
Ou sur des galets, et ce depuis des années.
Je laisse aller ma main, mon esprit rêvasser.
Dans un beau voyage intérieur à chaque fois
Il m’emmène très loin, au plus profond de moi,
Enfin pacifiée, unifiée, réconciliée.
Il arrive que certains viennent bavarder.
Mes dessins leur rappellent des contrées lointaines.
Mes amis pékinois m’ont souvent demandé
Si j’avais séjourné en terre tibétaine.
« Arabesque » : exotique et pourtant familier…
Car ce mot me ramène au temps de mon enfance.
Papa passait du Chopin et me disait : « Danse ! »
Et moi, bien sûr, je ne me faisais pas prier.
D’arabesques en sauts de biche, je rêvais
D’entrer à l’Opéra, d’y consacrer ma vie.
J’étais faite pour danser, et ne concevais
Aucun autre avenir, n’avais pas d’autre envie.
Le destin fut tout autre mais je danse encore.
J’aime la poésie, les beaux-arts, la musique
Et les langues, et le théâtre. Oui, je dévore
La vie, que, bien souvent, je trouve magnifique.
Mais dis-moi,
Blaise,
réponds,
ne t’en déplaise,
à ma petite question :
ton oiseau magique
au beau plumage,
Monsieur Cendrars,
n’était-il pas,
par hasard,
enfermé dans une cage ?
Elle est si tragique,
la beauté,
quand elle est emprisonnée…
Et le cri dont tu parles,
comme le « sifflement d’un petit jet de vapeur »,
n’était-il pas simplement
chant de désespoir
plutôt que de bonheur?
Prévert, lui,
après que l’oiseau
est entré dans la cage,
en efface les barreaux.
Il faut libérer les oiseaux
et tous les animaux.
Et les humains aussi,
de la prison de leurs préjugés.
« Effacer un à un tous les barreaux ».
Et que Jacques Prévert
prête à Paul Eluard
le pinceau de son poème
pour qu’il puisse calligraphier
sur les murs de la cité
Le doux nom de
« LIBERTĖ » !
Il te faut quitter la ville
et ses bruits et sa fureur,
apprendre la lenteur
et le rythme tranquille
des grands arbres et des fleurs,
et enfin prendre le temps
d’entendre
les voix du printemps.
Les herbes qui frémissent,
caressées par la brise,
le murmure du ruisseau
et le chant des oiseaux,
le roucoulement de la tourterelle,
les bruits minuscules
des insectes dans les fleurs,
le sautillement furtif
dans les feuilles sèches du chêne
d’un jeune merle
en quête de pitance.
Chaque fois comme la dernière…
Dentelle des fougères
enlaçant le buis
dont chaque feuille s’emplit
de la lumière
de ce nouveau jour.
Trilles des oiseaux
célébrant le beau.
Fourmi de passage
et son ombre longue
sur la table où j’écris.
Trois pigeons sur un fil
comme une balançoire.
Bruissement dans les feuilles roussies
d’un compagnon minuscule.
Rouge ardent du géranium
aux feuilles de velours
maintenant devenu arbre.
Branche d’olivier frôlée,
coquelicots dans l’herbe séchée,
oranges amères tombées,
haie d’honneur des mimosas…
Tout ici
me dit
« Ne pars pas ! ».
Le soir est tombé
et le mur aussi
Puis ce fut elle
dans ses bras à lui
Et malgré l’obscurité
et malgré la myopie
ses yeux ont croisé
ses yeux
Et tout autour d’eux
s’est évanoui
Et tous deux
ont pris feu
est et ouest
réunis