« Arabesques » : depuis toujours ce mot me plaît.
En peinture, sculpture, musique ou ballet,
Il évoque pour moi de gracieux mouvements
Et il me parle à l’oreille si doucement.
Selon que je me trouve au bord d’un lac en Chine
Ou bien au bord de la mer Méditerranée,
Moi, sur des cucurbitacées je les dessine
Ou sur des galets, et ce depuis des années.
Je laisse aller ma main, mon esprit rêvasser.
Dans un beau voyage intérieur à chaque fois
Il m’emmène très loin, au plus profond de moi,
Enfin pacifiée, unifiée, réconciliée.
Il arrive que certains viennent bavarder.
Mes dessins leur rappellent des contrées lointaines.
Mes amis pékinois m’ont souvent demandé
Si j’avais séjourné en terre tibétaine.
« Arabesque » : exotique et pourtant familier…
Car ce mot me ramène au temps de mon enfance.
Papa passait du Chopin et me disait : « Danse ! »
Et moi, bien sûr, je ne me faisais pas prier.
D’arabesques en sauts de biche, je rêvais
D’entrer à l’Opéra, d’y consacrer ma vie.
J’étais faite pour danser, et ne concevais
Aucun autre avenir, n’avais pas d’autre envie.
Le destin fut tout autre mais je danse encore.
J’aime la poésie, les beaux-arts, la musique
Et les langues, et le théâtre. Oui, je dévore
La vie, que, bien souvent, je trouve magnifique.
Fuir et quitter le monde n’est pas si difficile,
Habiter en montagne ne cause aucun souci.
Les nuages traversent le beau temps et la pluie,
Les rocs des pics éprouvent l’obscurité du soir.
La biche qui allaite dort au sein des buissons,
Les corbeaux qui reviennent au soir perchent sur l’arbre.
Au-dessus du sommet descend la pleine lune
Qui éclaire mon coeur et le sens de la vie.
(Hanshan Deqing)
Recueil: Poèmes Chan
Traduction: du chinois par Jacques Pimpaneau
Editions: Philippe Picquier
l’aube Qui monte sur la mer du côté de Capri
Tu me disais : Ma femme est douce comme l’eau
Qui poudre aux yeux mi-clos de la biche dormante
Tu me disais : Ma femme est fraîche comme l’herbe
Qu’on mâche sous l’étoile au premier rendez-vous
Tu me disais : Ma femme est simple comme celle
Qui perdant sa pantoufle y gagna son bonheur
Tu me disais : Ma femme est bonne comme l’aile
Que Musset glorifia dans sa nuit du printemps
Tu me disais aussi : Ma femme est plus étrange
Que la vierge qui fuit derrière sa blancheur
Et ne livre à l’époux qu’un fantôme adorable
Tu me disais encore : Je voudrais lui écrire
Qu’il n’est pas une aurore où je n’ai salué
Son image tremblant dans le creux de mes mains
Tu me disais encore : Je voudrais la chanter,
Avec des mots volés dans le coeur des poètes
Qui sont morts en taisant la merveille entendue
Tu me disais enfin : Je voudrais revenir
Près d’elle à l’improviste une nuit où le songe
Peut-être insinuerait que je ne serais plus
Tu es mort camarade
Atrocement dans les supplices
Ta bouche souriant au fabuleux amour
(Bûchenwald, 15 mai 1944 – 17 mai 1945.)
(André Verdet)
Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi
1. La pendule fait tic tac tic tac
Les oiseaux du lac font pic pic pic pic
Glou glou glou font tous les dindons
Et la jolie cloche ding din don
Mais…
Boum
Quand notre cœur fait Boum
Tout avec lui dit Boum
Et c´est l´amour qui s´éveille.
Boum
Il chante « love in bloom »
Au rythme de ce Boum
Qui redit Boum à l´oreille
Tout a changé depuis hier
Et la rue a des yeux qui regardent aux fenêtres
Y a du lilas et y a des mains tendues
Sur la mer le soleil va paraître
Boum
L´astre du jour fait Boum
Tout avec lui dit Boum
Quand notre cœur fait Boum Boum
2. Le vent dans les bois fait hou hou hou
La biche aux abois fait mê mê mê
La vaisselle cassée fait cric crin crac
Et les pieds mouillés font flic flic flac
Mais…
Boum
Quand notre cœur fait Boum
Tout avec lui dit Boum
L´oiseau dit Boum, c´est l´orage
Boum
L´éclair qui lui fait boum
Et le bon Dieu dit Boum
Dans son fauteuil de nuages.
Car mon amour est plus vif que l´éclair
Plus léger qu´un oiseau qu´une abeille
Et s´il fait Boum s´il se met en colère
Il entraîne avec lui des merveilles.
Boum
Le monde entier fait Boum
Tout l´univers fait Boum
Parc´que mon cœur fait Boum Boum
Boum
Je n´entends que Boum Boum
Ça fait toujours Boum Boum
Boum Boum Boum…
Quand l’amour a plus d’importance
Que le grondement de la violence
Il n’y a ni couleur ni race
Ni jeuness’ qui ne se lève en masse
La route qui mène chez toi
Passe peut-êtr’ par le combat
Si tu m’appell’s je serai là
Tu peux compter sur moi.
Puisque c’est ton anniversaire
Je veux ce soir lever mon verre
Tu viens juste d’avoir vingt ans
Ton pays tout autant
Nous ferons jaillir l’espérance
Comme la colombe au ciel s’élance
Nos coeurs n’auront aucune peine
A découvrir un jardin sans haine
Et puis le temps redeviendra
C’est le renouveau
On a fatigué les jeunes chevaux
Cueilli le muguet, coupé les lilas
Oublié le froid de la Saint-Nicolas
Longtemps asservi
Le sang des forêts renaît à la vie
Et dans les fourrés, venue s’égarer
Une biche à pas menus fait l’ingénue.
qui danse avec les biches
Donnez la main au dinosaure
Petites biches, pour danser
Tournez, tournez, tournez encore
Lancez la ronde dans le pré
Un dinosaure c’est grand c’est fort
Mais pour la danse c’est pas doué
Donnez la main au dinosaure
Quand vous arriverez au bord
De la fontaine si vous lâchez
Ses grosses pattes il va tomber
Ça fera « plouf ! » et vous rirez
Donnez la main au dinosaure
Comme une petite pêche mûre
Tu vas tomber dans ma vie
Et je te cueillerai avec soin
Pour garder longtemps
Ton odeur de fruit
Et ta peau d’aurore
Tu dormiras
Tes cils sur ta joue
Comme de l’herbe marine
Et je te regarderai
Etonnée d’être à la fois
L’arbre
Et la terre (…)
Noël est plein de sapins
Les repas de famille
Sentent le gigot et l’ennui
Toi
Tu n’y comprends rien
Tu voudrais manger les bougies
Alors
Je te donne Bambi la biche
Et pour mieux t’endormir
Tu lui mords l’oreille
Les jardins n’ont plus d’odeur
Il n’est plus de frisson aux feuilles
Le ciel bas est plus rouge entre tant de portiques
Les places sont hantées de spectrales statues
Qui passe en vain s’y hâte.
Des nuits s’appesantissent à l’égal de nos jours.
Nuits d’une vieille ville
Trop vieille
Sans oiseaux sans licornes
Sans cavaliers ni dames folles
Ni faons blessés ni biches ni loups-cerviers
Ni sang frais sur les murs des palais ancestraux.
Les jeux de mains les jeux de mots sont feux
Jeux de mots jeux de mains où l’amour s’égarait
Parmi les cascades les lucioles les pierreries
La mousse des dentelles rompues
Les écharpes de soie jetées sur des yeux fiers
Les rires sous les pluies de pétales.
Nuits comme un théâtre de velours défunt
Où s’exaltent nos souvenirs diminués.
Matins étayés de béquilles.
Il reste un goût de cendre et de pourri
Un goût de fleurs croupies d’eaux fanées
Ce goût d’être déçu qui nous plaît plus que tout.
(André Pieyre de Mandiargues)
Recueil: L’âge de craie suivi de Dans les années sordides Astyanax et Le Point où j’en suis
Traduction:
Editions: Gallimard