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REMEDE AU MAL (Louis Avenniez-Defeux)

Posted by arbrealettres sur 3 août 2018



REMEDE AU MAL

Vous qui coulez avec un bruit de lèvres,
Rêveurs errants des bois bénis,
Ruisseaux où meurt le long frisson des fièvres;
Vous qui dormez, étangs unis ;

Sources, pourquoi les frileuses fougères,
Les ombrages et les roseaux,
Les mille fleurs et les mouches légères
Qui se poursuivent sur les eaux,

Ne peuvent-ils dans vos miroirs fidèles
Fixer leurs multiples contours ?
Pourquoi vos flots, où se trempent tant d’ailes,
Sont-ils purs et vierges toujours?

Dites ! pourquoi le rayon qui se pose
Sur votre surface un moment,
Ne laisse-t-il aucune trace rose
De son court éblouissement?

« Nous préférons qu’en effet tout s’efface
Dans notre cristal effleuré :
Pâlir lorsqu’un nuage blafard passe,
Sourire lorsqu’il a pleuré ;

« Ne rien graver dans notre transparence,
Ne rien regarder et tout voir,
Et conserver la douce indifférence
De notre implacable miroir.

« Tout oublier! — n’est-ce pas, songeur sombre,
Le plus grand bien?… Tout oublier,
Ne plus sentir le passé, dans son ombre,
Renaître et se multiplier ! »

(Louis Avenniez-Defeux)

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Jour sans soleil (Louis Bouilhet)

Posted by arbrealettres sur 3 août 2018



Jour sans soleil

La brume a noyé l’horizon blafard,
Les vents font le bruit d’un taureau qui beugle,
Et, sur les prés nus, le ciel sans regard
S’ouvre, vide et blanc comme un œil d’aveugle.

Ce n’est pas la nuit, ce n’est pas le jour ;
Du zénith glacé, je sens, comme un givre,
Tomber sur mon cœur, qui n’a plus d’amour,
Le dégoût d’être homme et l’ennui de vivre.

Les temps sont passés où, sous le ciel bleu,
Sonnait dans ma chair le galop des fièvres ;
Toute joie est morte ou m’a dit : adieu !
J’ai le doute à l’âme et le fiel aux lèvres…

Dormez dans la nue, ô rayons sacrés !
Plus de souvenir et plus d’espérance !
Mon cœur, loin de vous, descend par degrés,
Sous l’océan froid de l’indifférence !…

(Louis Bouilhet)

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SOIR D’AUTOMNE (Robert Campion)

Posted by arbrealettres sur 27 juin 2018



SOIR D’AUTOMNE

Comme la nuit, ce soir, descend perfidement !
Et comme, à son approche, une terreur soudaine
A saisi toute chose en un même moment,
Des voix de la forêt aux rumeurs de la plaine !

Un crépuscule étrange empourpre l’horizon,
Et jette en se mourant des lueurs incertaines.
Est-ce l’effroi du ciel qui glisse le frisson
Sous l’écorce rugueuse et suintante des chênes ?

La peur rôde alentour des échos soucieux ;
Le sol, vieux fossoyeur, lui-même se recueille,
Et des pleurs sont tombés on ne sait de quels yeux
Sur l’humide tombeau de la dernière feuille.

Dans la forêt meurtrie aucun souffle, aucun bruit ;
Mais au travers du bois la lune qui regarde…
Qu’est-ce donc que le ciel complote avec la nuit
Sous l’œil faux et hagard de la lune blafarde ?

(Robert Campion)

 

 

 

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L’absence (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 22 Mai 2018



 

Steven Rushefsky  The-Letter [1280x768]

L’absence

Quinze longs jours encore et plus de six semaines
Déjà ! Certes, parmi les angoisses humaines
La plus dolente angoisse est celle d’être loin.

On s’écrit, on se dit que l’on s’aime, on a soin
D’évoquer chaque jour la voix, les yeux, le geste
De l’être en qui l’on met son bonheur, et l’on reste
Des heures à causer tout seul avec l’absent.
Mais tout ce que l’on pense et tout ce que l’on sent
Et tout ce dont on parle avec l’absent, persiste
À demeurer blafard et fidèlement triste.

Oh! l’absence! le moins clément de tous les maux!
Se consoler avec des phrases et des mots,
Puiser dans l’infini morose des pensées
De quoi vous rafraîchir, espérances lassées,
Et n’en rien remonter que de fade et d’amer!

Puis voici, pénétrant et froid comme le fer,
Plus rapide que les oiseaux et que les balles
Et que le vent du sud en mer et ses rafales
Et portant sur sa pointe aiguë un fin poison,
Voici venir, pareil aux flèches, le soupçon
Décoché par le Doute impur et lamentable.

Est-ce bien vrai ? Tandis qu’accoudé sur ma table
Je lis sa lettre avec des larmes dans les yeux,
Sa lettre, où s’étale un aveu délicieux,
N’est-elle pas alors distraite en d’autres choses?
Qui sait ? Pendant qu’ici pour moi lents et moroses
Coulent les jours, ainsi qu’un fleuve au bord flétri,
Peut-être que sa lèvre innocente a souri ?
Peut-être qu’elle est très joyeuse et qu’elle oublie?

Et je relis sa lettre avec mélancolie.

(Paul Verlaine)

Illustration: Steven Rushefsky

 

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LE MALHEUR (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 9 avril 2018



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LE MALHEUR

C’est si peu que de nous
redit la prudente à l’asile
dans le même moment
tout conspire
à de longues alarmes
le pain est mal levé
mangeons-le quand même prononce une mère
vouée au sort mauvais
la tante le disait bien
blafarde et si peu sereine
que construire une maison
restait la plus belle espérance
pourtant la musique toujours l’endormait.

(Jean Follain)

 

Recueil: Des Heures
Traduction:
Editions: Gallimard

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Chansons mortes (Joseph von Eichendorff)

Posted by arbrealettres sur 21 mars 2018



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Chansons mortes

I
oiseaux dans la forêt chantez
tant que le vert persiste
car vite trop vite
tout défleurit

j’étais là-haut j’ai vu
la splendeur du monde
mais pourquoi pleures-tu
rossignol

et je suis descendu
passsant joie et peine
tout a changé le soir
ramène la fatigue

le vent glace
le faible vert
oiseaux adieu
je ne puis vous suivre

2
je me souviens des jours tendres
automne tu dressais
ta fantasmagorie
si colorée si pâle

ma vallée où sont tes frères
aujourd’hui désert
comment te reconnaître
tout est solitude

de ta bouche blafarde
sort une étrange mélodie
la terre s’entr’ouvre
j’aperçois le fond

chante toujours chante
couché je repose
le tilleul fait pleuvoir
sa feuille sur moi

3
déjà le retour des oiseaux
des chansons d’autrefois
ma jeunesse insouciante
revient-elle avec eux

mais je suis fou je pense
en voyant les nuages chasser
au vent d’automne les oiseaux
j’ai cru le printemps

sur la montagne un arbre abrite
le départ bruyant des oiseaux
l’arbre est las il agite
une dernière fois ses rameaux

4
en rêve je me suis vu
devant la maison de mon père
regardant l’heureuse vallée
de mon enfance
l’air était doux et jouait
parmi les feuilles printanières
l’essaim de pétales tombait
sur ma poitrine et mes cheveux

je m’éveille la lune
luit au coin du bois
sa pâle lueur éclaire
un pays inconnu de moi
je regarde et je vois
pétales de glace
le paysage blanc de neige
et mes cheveux d’âge

5
joie de l’aube des feuilles
les étoiles abîmées
migrent dans le coeur
célestes pensées

6
te rappelles-tu le jardin
le château au-dessus des arbres
et comme nous attendions
le printemps

est arrivé le musicien
le même chaque année
nous sommes sortis ensemble
dans le monde en fleurs

nous avons voyagé
envoyés dispersés
quand je demande de tes nouvelles
personne ne me répond

adieu château
que le couchant dore
dort le musicien
ivre de rêves

les parents sont morts
depuis longtemps
ceux qui sont restés
ne nous connaissent plus

***

Nachklänge

I
Lust’ge Vögel in dem Wald,
Singt, solang es grün,
Ach wer weiß wie bald, wie bald
Alles muß verblühn !

Sah ich’s doch vom Berge einst
Glänzen überall,
Wußte kaum, warum du weinst,
Fromme Nachtigall.

Und kaum ging ich über Land,
Frisch durch Lust und Not
Wandelt’ alles, und ich stand
Müd im Abendrot.

Und die Lüfte wehen kalt,
Übers falbe Grün,
Vöglein, euer Abschied hallt —
Könnt ich mit euch ziehn !

2
O Herbst, in linden Tagen
Wie hast du rings dein Reich
Phantastisch aufgeschlagen,
So bunt und loch so bleich !

Wie öde, ohne Brüder,
Mein Tal so weit und breit,
Ich kenne dich kaum wieder
In dieser Einsamkeit.

So wunderbare Weise
Singt nun dein bleicher Mund,
Es ist, als öffnet’ leise
Sich unter mir der Grund.

Und ich ruht’ überwoben,
Du sängest immerzu,
Die Linde schüttelt oben
Ihr Laub und deckt’ mich zu.

3
Schon kehren die Vögel wieder ein,
Es schallen die alten Lieder,
Ach, die fröhliche Jugend mein
Kommt sie wohl auch noch wieder ?

Ich weiß nicht, was ich so töricht bin !
Wolken im Herbstwind jagen,
Die Vögel ziehn über die Wälder hin,
Das klang wie in Frühlingstagen.

Dort auf dem Berge da steht ein Baum,
Drin jubeln die Wandergäste,
Er aber, müde, rührt wie im Traum
Noch einmal Wipfel und Aste.

4
Mir träumt’, ich ruhte wieder
Vor meines Vaters Haus
Und schaute fröhlich nieder
Ins alte Tal hinaus,
Die Luft mit lindem Spielen
Ging durch das Frühlingslaub,
Und Blütenflocken fielen
Mir über Brust und Haupt.

Als ich erwacht, da schimmert
der Mond vom Waldesrand,
Im falben Scheine flimmert
Urn mich ein fremdes Land,
Und wie ich ringsher sehe :
Die Flocken waren Eis,
Die Gegend war vom Schnee,
Mein Haar vom Alter weiß.

5
Es schauert der Wald vor Lust,
Die Sterne nun versanken,
Und wandeln durch die Brust
Als himmlische Gedanken.

6
Gedenkst du noch des Gartens
Und Schlosses überm Wald,
Des träumenden Erwartens :
Ob’s denn nicht Frühling bald ?

Der Spielmann war gekommen,
Der jeden Lenz singt aus,
Er hat uns mitgenommen
Ins blühnde Land hinaus.

Wie sind wir doch im Wandern
Seitdem so weit zerstreut !
Frägt einer nach dem andern,
Doch niemand gibt Bescheid.

Nun steht das Schloß versunken
Im Abendrote tief
Als ob dort traumestrunken
Der alte Spielmann schlief’.

Gestorben sind die Lieben,
Das ist schon lange her,
Die wen’gen, die geblieben,
Sie kennen uns nicht mehr.

(Joseph von Eichendorff)

 

Recueil: Poèmes de l’étrange départ
Traduction: Philippe Marty
Editions: Grèges

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La danseuse (Mohammed Dib)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2018




    
La danseuse

Bras ballants, elle
Sous les arbres dansa.

Lui sous les arbres
Pleura. La nuit se vida.

Tempes blafardes alors,
S’éclairèrent les fenêtres.

C’est passé, dit-il.
Plus rien. Une histoire.

Sous les arbres
Ça n’allait pas recommencer.

L’enfant disait :
Non, c’est passé.

(Mohammed Dib)

 

Recueil: Poésies
Traduction:
Editions: De la Différence

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Mon père (Robert Sabatier)

Posted by arbrealettres sur 5 janvier 2018




    
Mon père

Mon père est mort – mort à trente-six ans,
trois ans de plus que l’homme de la croix.
J’ai dépassé le double de son âge
et je me sens le père de mon père.

Pauvre jeune homme ! Il avait fait la guerre.
A son retour, la mort l’accompagnait.
Je fus au monde et lui se déroba
en me laissant son visage et sa voix.

Que dira-t-il quand il me reverra,
lui toujours jeune – un mort ne vieillit pas –
et moi si vieux ? Il me prendra la main.
Nous marcherons dans une aube blafarde,
mon jeune père et son si vieil enfant.

(Robert Sabatier)

 

Recueil: Oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Albin Michel

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Terminus (Bernard Lorraine)

Posted by arbrealettres sur 2 décembre 2017



Terminus

Arrêt du train… Plus rien… Froid nuit brouillard.
Quelle heure est-il ? Exactement trop tard.
Masques figés des passagers blafards.
Où sommes-nous ? Et pourquoi ? Nulle part.
Mais la motrice a touché au butoir.
La faim la soif la peur le désespoir.
Qui a coupé le courant ? Sabotage ?
Où sont passés les tickets les bagages ?
Silence noir… Quelle est donc cette gare ?
Déserts les quais. On se tait. On s’effare,
Chacun n’entend que les coups de son coeur.
Puis cette voix à vous glacer les sangs
Pour cette annonce au micro hululée :
— « Nous informons messieurs les voyageurs :
Toute correspondance est annulée.
Néant, Néant. Tout le monde descend ».

(Bernard Lorraine)


Illustration: Gilbert Garcin

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LA NUIT OÙ ELLE VINT (Thomas Hardy)

Posted by arbrealettres sur 7 novembre 2017



LA NUIT OÙ ELLE VINT

Je lui dis un jour en la quittant
Que si lourde soit l’inquiétude qui puisse
Menacer notre amour, le simple assaut du Temps
Ne pourrait rien changer.
Et dans la nuit, elle m’apparut
Brèche-dent, blafarde, vieillie,
Les orbites cernées de plomb
Et de nombreuses rides.

Je m’écriai tout frissonnant :
« Pourquoi m’apparais-tu ainsi !
J’ai dit que nous resterions saufs
De l’horrible usure du temps ».
« Et dis-tu ta vérité ? », s’écria-t-elle
D’une voix chancelante.
Je balbutiai : « Mais… Je ne pensais pas
Que tu en ferais si tôt la preuve ! »

Elle s’en fut, avec un étrange sourire
Qui, plus que par des mots, me dit
Que ma sincère promesse ne pouvait guère
Apaiser sa crainte manifeste.
Son doute en moi creusa son chemin,
En lui prodiguant le lendemain
Les caresses qui lui étaient dîtes, une ombre
Sembla nous séparer.

***

IN THE NIGHT SHE CAME

I told her when I left one day
That whatsoever weight of care
Might strain our love, Time’s mere assault
Would work no changes there.
And in the night she came to me,
Toothless, and wan, and old,
With leaden concaves round her eyes,
And wrinkles manifold.

I tremblingly exclaimed to her,
`O wherefore do you ghost me thus !
I have said that dull defacing Time
Will bring no dreads to us.’
`And is that true of you’ she cried
In voice of troubled tune.
I faltered : ‘ Well… I did not think
You would test me quite so soon !’

She vanished with a curious smile,
Which told me, plainlier than by word,
That my staunch pledge could scarce beguile
The fear she had averred.
Her doubts then wrought their shape in me,
And when next day I paid
My due caress, we seemed to be
Divided by some shade.

(Thomas Hardy)

Illustration

 

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