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Poésie

Posts Tagged ‘blesser’

Puisqu’il nous est refusé (Jaroslav Seifert)

Posted by arbrealettres sur 12 mars 2023




    
Puisqu’il nous est refusé
de garder en mémoire
la chaleur du sang maternel,
nous pouvons au moins revenir sans cesse
à notre enfance,
cette brève béatitude
qui, de toute façon, est la dernière
de notre existence.

Ejectés dans la vie,
nous ne faisons ensuite qu’un long détour
depuis le premier cri,
quand, pour la première fois, la lumière nous blesse les yeux,
jusqu’au moment où le doigt entouré d’un foulard
nous les refermera,
pour que nous engloutisse à nouveau
la nuit consolatrice.

(Jaroslav Seifert)

Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud

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AFFRONTER L’ANIMAL (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2023




AFFRONTER L’ANIMAL

N’est pas toujours facile
d’affronter l’animal
même s’il vous regarde sans trouble ni haine
il le fait fixement
et semble dédaigner
le fin secret qu’il porte
paraît mieux sentir
l’évidence du monde
celle qui jours et nuits
taraude et blesse à l’âme
dans le bruit, le silence.

(Jean Follain)

 

 

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« LE PENSEUR » DE RODIN (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Auguste Rodin
    
« LE PENSEUR » DE RODIN

Son menton sur sa main rude,
le Penseur se souvient qu’il est chair vouée à la fosse,
chair de fatalité, nue en face du destin,
chair qui hait la mort, qui a frémi de beauté,
frémi d’amour, tout le long de son ardent printemps
et maintenant, à son automne, sent l’envahir le flot de la vérité et de la tristesse.
Sur son front passe le « il faut mourir »
du bronze, lorsque la nuit tombe.

L’angoisse sillonne ses muscles tendus,
chaque creux de sa chair s’emplit de terreur;
il se fend, telle feuille d’automne, à la voix du Seigneur
qui l’appelle dans le bronze… Et il n’y a pas d’arbre tordu,
sur la plaine au feu du soleil, pas de lion blessé,
crispés comme cet homme qui médite sur la mort.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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Amour ! (Michel Ange)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
Amour ! Tu m’as, il est vrai, mille fois vaincu
et mortellement blessé dans ma jeunesse ;
mais aujourd’hui, sous mes cheveux blanchis,
puis-je me laisser prendre encore à tes promesses frivoles ?

Hélas ! combien de fois as-tu tour-à-tour
rallumé ou étouffé mes désirs !
combien de fois m’as-tu vu, le sein baigné de larmes,
trembler et pâlir sous tes coups !

Amour! c’est à toi que je parle,
et c’est de toi que je me plains.
Désabusé de tes flatteurs mensonges,
je ne crains plus tes traits cruels;
tu les diriges en vain contre moi.

Que peut la scie ou le ver
contre le bois réduit en cendres?
Et n’y a-t-il pas de la honte
à poursuivre celui qui manque à-la-fois
et d’haleine et de force?

(Michel Ange)

 

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Qui te dit que tout disparaisse ? (Rainer-Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 20 février 2023



Illustration: Claude Bour
    
Qui te dit que tout disparaisse ?
De l’oiseau que tu blesses,
Qui sait s’il ne reste le vol ?
Et peut-être les fleurs des caresses
Survivent à nous, à leur sol.
Ce n’est pas le geste qui dure,
Mais il nous revêt de l’armure
D’or, des flancs aux genoux,
Et tant la bataille fut pure,
Un ange la porte après nous.

(Rainer-Maria Rilke)

 

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En travaillant la terre (Grégory Rateau)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2023



Illustration: Erich Heckel
    
En travaillant la terre

Le vieux est là
Muet comme une souche
Il attend que le nuage passe
Ses outils sont comme des promesses
Un supplément de force
Malgré les années
Chaque muscle est à sa place
Pour faucher
Bêcher
Ratisser

Je regarde ma main
Pas un pli
La finesse des doigts qui ne trompe pas
Elle n’a donc servi à rien
Le vieux ne me le dit pas
Trop brave
Sa poigne montre l’exemple
Mes pas deviennent les siens

Je suis vite à la traîne
Sans un mot
Le voilà qui porte deux fois plus que moi
J’ai vu la ville de près ses fulgurances
Ses éclats mystiques
Ses passions au rabais
Rastignac du pauvre
J’ai croisé le fer avec elle
Ne blessant que moi-même

Le vieux n’a rien vu lui
Aucune lutte
Une simple ligne d’horizon
Des remparts de forêts sous un ciel vide
Il ne goûtera jamais à l’ennui qui élève
Aux délices de la foule
Son champ sera sa seule ivresse
Et pourtant lui en a palpé de la terre
Sué pour la rendre fertile
Son nom restera une empreinte

Que laisserai-je dans le bitume ?
Des projets froissés
Des rêves léthargiques…
Au loin je vois des tours
Les murs se rapprochent
Que restera-t-il du vieux
Quand même les arbres alentour seront maigres comme mes dix doigts ?

(Grégory Rateau)

 

Recueil: Conspiration du réel
Traduction:
Editions: Unicité

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NOUVELLES FRAÎCHES (René Guy Cadou)

Posted by arbrealettres sur 28 décembre 2022




    
NOUVELLES FRAÎCHES

Souvenirs de la mer
Le grand panneau du fond découpé par l’éclair
La vague abandonnée aux démons du parterre
La fumée des étoiles
Aux ras des flots le lustre éteint
Les voyageuses du matin
Plus haut que nous la robe ouverte

Le regard bleu
Les mouches vertes
Une heure après
L’espace blanc
Le beau gaillard est à l’avant
Ses mains mesurent l’entourage
Le vent se lève
Une autre page

Il est trop tôt pour s’attarder
Le monde va par coups de dés
L’étrave blesse les paupières
Creuse la route la lumière
Aucun regret des passeports
C’est l’aventure naturelle
Et plus nouvelle que la mort.

(René Guy Cadou)

 

Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers

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Quand j’étais invité quelque part (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2022




    
Quand j’étais invité quelque part,
je ne rentrais pas dans une maison:
je rentrais dans les yeux des gens.
Je ne voyais pas le reste.

Maintenant nous sommes dans l’ère des yeux vides.
Tout me blesse en dehors de ce temps que j’ouvre,
pour que tu y passes.

(Christian Bobin)

 

 

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Ma solitude (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 29 novembre 2022




    
Ma solitude est partout dans le monde
bien avant d’être en moi

Elle est dans cet homme qui passe avec son chien
elle est cet homme elle est ce chien
Elle est dans le chant de la pluie contre la vitre
Elle est ce chant elle est cette pluie elle est cette vitre
Elle est dans ce linge sur un fil tout au fond du jardin
cette lumineuse ondulation d’un drap blanc sur un ciel bleu
elle est ce fil elle est ce drap elle est ce ciel

Ma solitude je ne la reconnais vraiment
que lorsqu’elle vient vers moi
se jeter dans mes bras me raconter rieuse
ce qu’elle a fait dans la journée
qui elle a vu qui l’a blessée

(Christian Bobin)

 

Recueil: La Vie Passante
Editions: Fata Morgana

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Adoucie par l’âge (Pierre Reboul)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2022



Illustration
    
adoucie par l’âge
l’arête du banc
ne me blesse plus

(Pierre Reboul)

Recueil: Un désir de haïku
Traduction:
Editions: Le Prunier Sully

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