Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘blessure’

Il est deux rives (Amina Saïd)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023




    
il est deux rives
à nos paroles
à nos silences
toujours un désir
pour éveiller le désir

depuis toujours mon rêve
avait ce visage

blessure d’absence
comme un blanc soudain
dans le récit
nourri d’incendies

(Amina Saïd)

Recueil: La douleur des seuils
Editions: De la Différence

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

NUL BONHEUR (Rosa Burel)

Posted by arbrealettres sur 13 mai 2023




Illustration: Jean-Jacques Henner
    
NUL BONHEUR

Nul bonheur ne peut me toucher
Tout a fui par ton absence
Une fleur vient m’effaroucher
L’oiseau chante ma réticence.
Nul bonheur ne m’aide à revivre
Ton silence est un poids cruel
Si lourd à mon âme en duel…
Car sur la terre il me faut vivre…

Nul bonheur ne m’a plus comblée
Le jardin me parait désert
Dans sa blessure, l’exilée
N’entend que son morne concert.
Nul bonheur ne franchit ma porte
Le silence frappe mon coeur
Seule ma peine n’est point morte
Heureux qui ne sent sa rigueur.

(Rosa Burel)

Recueil: à coeur ouvert
Editions: Bertout

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

JOUR (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Marc Chagall
    
JOUR

Jour, jour de notre rencontre,
temps nommé Épiphanie;
jour si fort qui vins, couleur
de moelle et de plein midi,
sans frénésie à nos pouls
tout tumulte et agonie,
tranquille comme le lait
des vaches portant sonnailles!

Jour à nous, par quel chemin,
forme sans pieds,
vint-il? Nous n’avons pas su,
n’avons pas veillé; nul signe
ne l’annonçait; nous n’avons pas
sifflé sur les collines;
il s’en venait en silence!

Tous les jours semblaient pareils;
tout à coup mûrit un Jour.
Jour pareil aux autres jours,
comme sont pareils roseaux
et sont pareilles olives
et pourtant, comme Joseph,
ne ressemblait pas à ses frères.

Ayons pour lui un sourire
parmi tous les autres jours
et qu’il les dépasse tous,
comme boeuf de grande taille
et le char devant les gerbes.

Béni soit-il des saisons,
que Nord et Sud le bénissent,
que son père l’an le choisisse
pour en faire mât de vie.

Ni rivière, ni pays,
ni métal; ce n’est qu’un Jour,
Parmi les jours des poulies,
des gréements, des blés sur l’aire,
parmi engins et besognes,

nul ne le voit, ni le nomme.
Fêtons-le et nommons-le,
en grâces à qui l’a fait
et gratitude de sol
et gratitude de l’air,
pour sa rivière d’eau vive
avant qu’il ne tombe en cendre,
en poudre de chaux moulue
et vers l’éternel déverse
son apparence de merveille.

Cousons-le à notre chair,
à nos coeurs et nos genoux
et que nos mains le pétrissent
et que nos yeux le distinguent,
qu’il brille pour nous de nuit
et nous fortifie de jour,
tels cordages pour les voiles,
tels points pour les blessures.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

PRIÈRE DE LA DÉMENTE (Claude de Burine)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
PRIÈRE DE LA DÉMENTE

Et que je brûle en mer
M’apaise enfin dans ma légende
Sur un rivage qu’enchanterait
L’histoire inutile des vagues.

O Dieu
Enlève-moi le feu
Et dis-moi qu’il est bien
Que l’amandier fleurisse
Qu’il me faut accepter sa chance
Sans que j’aie faim à manger la terre
Pour devenir une fois
Sa femme de printemps

O Dieu
Guéris mon corps
De la blessure de l’homme
Préserve-le
D’être sous son baiser
Etang, forêt, marée

Permets que nous dormions ensemble
Nus
Ce n’est pas vrai
Que j’ai crié son nom
J’arracherais plutôt mes lèvres
Avec le vent
Si le vent voulait encore de moi.

Il venait
Je le touchais
Sous le manteau de sortilèges
Je descendais de lui
Comme on descend des rois.

O Dieu
Emporte-moi
Donne-moi
Juste assez de rosée
Juste assez de soif

Je ne veux être qu’une enfant triste
Qui regarde le couchant s’éteindre
Dans la candeur de ses doigts

(Claude de Burine)

Recueil: Hanches
Editions: Saint Germain des Prés

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Fuyez, amants (Michel Ange)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023



Illustration: Edvard Munch
    
Fuyez, amants, fuyez l’amour et ses ardeurs;
sa flamme est âpre ; sa blessure mortelle.
Qui ne le fuit soudain, lui opposera vainement plus tard
le courage et la force, l’absence et la raison.

Fuyez : que le trait mortel qui m’a frappé
ne soit pas pour vous une stérile leçon!
Voyez en moi les maux qui vous attendent,
et combien sont barbares les jeux de cet enfant.

Fuyez-le , sans tarder, fuyez dès le premier regard.
Je crus pouvoir en tout temps obtenir de lui le repos :
hélas ! voyez maintenant le feu qui me dévore.

Insensé , celui qui, violemment épris d’une beauté séduisante,
égaré par de trompeurs désirs,
ferme l’oreille et les yeux à son propre bonheur,
pour courir au-devant des traits empoisonnés de l’amour!

(Michel Ange)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Le Chemin (Patrick Bertrand)

Posted by arbrealettres sur 20 février 2023




Illustration: Serge Ceccarelli
    
Le Chemin

Il voit au-delà de notre âme
Le revers des mystères,
Est à vif jusqu’en son sommeil,
Se presse tranquillement solitaire.
En équilibre, son corps chaloupe
Sur la corde d’un chemin tendu.
Le chat parle une langue millénaire
Jauge, fixe, les yeux mi-clos,
Les fentes et les blessures
De nos plus vieilles lunes.
Il marche lentement son silence,
Mais connaît toutes les distances.
Il voit l’invisible
Et apprivoise celui qu’il a choisi.
Il prend la vie à pleines griffes
Et s’en va, impassible sage,
Se cacher pour mourir.

(Patrick Bertrand)

 

Recueil: Silence la queue du chat balance
Traduction:
Editions: Actes Sud

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Je suis (Grégory Rateau)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2023



Illustration: Mario Cossu

    

Je suis

Je suis ce gamin lancé dans le monde
cherchant « la maison » partout
où les sourires se souviennent encore

Je suis cette langue exilée
dont l’héritage en fuite
le retient par la peau du Verbe

Je suis cette cigarette de trop
et qui, une fois éteinte
attend sagement de nouvelles brumes

Je suis cet être en chantier
à la recherche du frère ou de la sœur
passant outre les quelques miettes de sang

Je suis cette raison vacillante
accoquinée aux maudits
mais se refusant à partager leurs tristes sorts

Je suis ce bohémien avide de sensations
aveuglé par ses chimères
mais s’accrochant désespérément à une branche d’éternité

Je suis cet imposteur
dont la lucidité vengeresse
lui désigne la blessure du soleil

(Grégory Rateau)

Recueil: Imprécations nocturnes
Traduction:
Editions: Conspiration

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Plus jamais (Ayyappa Paniker)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2023



Illustration: Jérôme Royer
    
Plus jamais

Puisque tu me le demandes
Il faut bien que je le dise :
Je n’en veux plus, je n’en veux plus jamais.
Je ne veux pas de nouvelle existence.
Une vie m’aura largement suffi.

D’une si longue peine —
Arrivées et départs du début à la fin,
L’amour créé, l’amour détruit,
L’instant de douleur
Qui vient pulvériser une vie de délices,
L’heure solitaire des désirs morts
Et sa survie de bavardage —
Je ne veux plus, je ne veux plus jamais
Ni vivre, ni mourir, ni exister encore.

Le récipient près de l’évier,
Les bruits qu’on étouffe au grenier,
La tombée de la nuit dans les tumeurs du ciel,
La chouette qui hulule sur le toit de l’école,
Aux proues des barques qui s’éloignent
Le regard fixe, muet,
Et sur l’aire des départs le sourire évanoui,
Je n’en veux plus, je ne veux plus jamais
Ni vivre, ni mourir, ni exister encore.

Une autre maison ?
Une mère nouvelle ?
Une enfance recommencée ?
Des défis jamais lancés ?
Des élans à découvrir ?
Des blessures, encore ?
De nouveaux rythmes à prendre ?
Des promesses fraîches du jour?
Je n’en veux plus, je n’en veux plus jamais.

(Ayyappa Paniker)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

La belle vieille (François Maynard)

Posted by arbrealettres sur 10 octobre 2022



Illustration: Christelle Fontenoy 
    

La belle vieille

Cloris, que dans mon temps j’ai si longtemps servie
Et que ma passion montre à tout l’univers,
Ne veux-tu pas changer le destin de ma vie
Et donner de beaux jours à mes derniers hivers ?

N’oppose plus ton deuil au bonheur où j’aspire.
Ton visage est-il fait pour demeurer voilé ?
Sors de ta nuit funèbre, et permets que j’admire
Les divines clartés des yeux qui m’ont brûlé.

Où s’enfuit ta prudence acquise et naturelle ?
Qu’est-ce que ton esprit a fait de sa vigueur ?
La folle vanité de paraître fidèle
Aux cendres d’un jaloux, m’expose à ta rigueur.

Eusses-tu fait le voeu d’un éternel veuvage
Pour l’honneur du mari que ton lit a perdu
Et trouvé des Césars dans ton haut parentage,
Ton amour est un bien qui m’est justement dû.

Qu’on a vu revenir de malheurs et de joies,
Qu’on a vu trébucher de peuples et de rois,
Qu’on a pleuré d’Hectors, qu’on a brûlé de Troies
Depuis que mon courage a fléchi sous tes lois !

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je suis ta conquête,
Huit lustres ont suivi le jour que tu me pris,
Et j’ai fidèlement aimé ta belle tête
Sous des cheveux châtains et sous des cheveux gris.

C’est de tes jeunes yeux que mon ardeur est née ;
C’est de leurs premiers traits que je fus abattu ;
Mais tant que tu brûlas du flambeau d’hyménée,
Mon amour se cacha pour plaire à ta vertu.

Je sais de quel respect il faut que je t’honore
Et mes ressentiments ne l’ont pas violé.
Si quelquefois j’ai dit le soin qui me dévore,
C’est à des confidents qui n’ont jamais parlé.

Pour adoucir l’aigreur des peines que j’endure
Je me plains aux rochers et demande conseil
A ces vieilles forêts dont l’épaisse verdure
Fait de si belles nuits en dépit du soleil.

L’âme pleine d’amour et de mélancolie
Et couché sur des fleurs et sous des orangers,
J’ai montré ma blessure aux deux mers d’Italie
Et fait dire ton nom aux échos étrangers.

Ce fleuve impérieux à qui tout fit hommage
Et dont Neptune même endure le mépris,
A su qu’en mon esprit j’adorais ton image
Au lieu de chercher Rome en ses vastes débris.

Cloris, la passion que mon coeur t’a jurée
Ne trouve point d’exemple aux siècles les plus vieux.
Amour et la nature admirent la durée
Du feu de mes désirs et du feu de tes yeux.

La beauté qui te suit depuis ton premier âge
Au déclin de tes jours ne veut pas te laisser,
Et le temps, orgueilleux d’avoir fait ton visage,
En conserve l’éclat et craint de l’effacer.

Regarde sans frayeur la fin de toutes choses,
Consulte le miroir avec des yeux contents.
On ne voit point tomber ni tes lys, ni tes roses,
Et l’hiver de ta vie est ton second printemps.

Pour moi, je cède aux ans ; et ma tête chenue
M’apprend qu’il faut quitter les hommes et le jour.
Mon sang se refroidit ; ma force diminue
Et je serais sans feu si j’étais sans amour.

C’est dans peu de matins que je croîtrai le nombre
De ceux à qui la Parque a ravi la clarté !
Oh ! qu’on oira souvent les plaintes de mon ombre
Accuser tes mépris de m’avoir maltraité !

Que feras-tu, Cloris, pour honorer ma cendre ?
Pourras-tu sans regret ouïr parler de moi ?
Et le mort que tu plains te pourra-t-il défendre
De blâmer ta rigueur et de louer ma foi ?

Si je voyais la fin de l’âge qui te reste,
Ma raison tomberait sous l’excès de mon deuil ;
Je pleurerais sans cesse un malheur si funeste
Et ferais jour et nuit l’amour à ton cercueil !

(François Maynard)

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Déclin d’amour (René-François Sully Prudhomme)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2022




Déclin d’amour

Dans le mortel soupir de l’automne, qui frôle
Au bord du lac les joncs frileux,
Passe un murmure éteint : c’est l’eau triste et le saule
Qui se parlent entre eux.

Le saule : « Je languis, vois ! Ma verdure tombe
Et jonche ton cristal glacé ;
Toi qui fus la compagne, aujourd’hui sois la tombe
De mon printemps passé. »

Il dit. La feuille glisse et va jaunir l’eau brune.
L’eau répond : « Ô mon pâle amant,
Ne laisse pas ainsi tomber une par une
Tes feuilles lentement ;

« Ce baiser me fait mal, autant, je te l’assure,
Que les coups des avirons lourds ;
Le frisson qu’il me donne est comme une blessure
Qui s’élargit toujours.

« Ce n’est qu’un point d’abord, puis un cercle qui tremble
Et qui grandit, multiplié ;
Et les fleurs de mes bords sentent toutes ensemble
Un sanglot à leur pied.

« Que ce tressaillement rare et long me tourmente !
Pourquoi m’oublier peu à peu ?
Secoue en une fois, cruel, sur ton amante
Tous tes baisers d’adieu ! »

(René-François Sully Prudhomme)

Illustration

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

 
%d blogueurs aiment cette page :