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Poésie

Posts Tagged ‘bossu’

Melancholia (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 12 janvier 2021




    
Melancholia
(extrait)

… Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d’une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d’airain, tout est de fer.
Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : – Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes !
Ô servitude infâme imposée à l’enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu’a fait Dieu ; qui tue, oeuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les coeurs la pensée,
Et qui ferait – c’est là son fruit le plus certain ! –
D’Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil !
Progrès dont on demande : Où va-t-il ? que veut-il ?
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l’homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l’on s’abâtardit,
Maudit comme l’opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu’il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l’homme heureux !

(Victor Hugo)

 

Recueil: Cent poèmes de Vivtor Hugo
Traduction:
Editions: Omnibus

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Je la connais (Jean Pérol)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2019



 


    
Je la connais

Le tintement de l’heure au sommet des églises
scande un pas solitaire et mon ombre perdue
se débat sur les murs en sursauts de pendu
la nuit vient maquiller la maigre fiancée grise

si je dors elle arrive et tempête chez moi
si je dis le vin bon elle brise mon verre
si je gagne au bonheur elle envoie d’un revers
rouler le jeu je ne sais plus ce que je crois

si je serre une main elle crache dessus
si je montre le blanc elle exhibe le noir
elle brille et s’aiguise à la meule du soir
elle rit elle danse et je suis son bossu

ma sans-sommeil ô ma grinçante
ma questionneuse ma rusée
ma radoteuse ma butée
mon frein brûlé ma folle pente

je suis ta chose et tu me hantes
toi le marteau qui sans fin plantes
dans mon étau les treize coins
des questions de ta question.

(Jean Pérol)

 

Recueil: Poésie I (1953-1978)
Traduction:
Editions: De la Différence

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Il était monté tout en haut de Notre-Dame (Jean-Paul Labaisse)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2019




    
Il était monté tout en haut de Notre-Dame,
Se tenant, essoufflé, près du lourd carillon.
L’infirme caressait le fabuleux bourdon
Et la vue de Paris émerveillait son âme…

Sous ses pieds s’étendaient la Seine et ses bateaux,
L’île de la Cité, ses places, ses venelles,
Les flèches et les tours, tranquilles sentinelles…
Plus loin, c’était Montmartre et ses charmants coteaux.

Quasimodo pencha la tête et regarda :
Sur le parvis dansait la belle Esmeralda,
Créoles, caraco doré, châle vermeil.

Et le bossu, parmi les gargouilles sévères,
Les griffons, les serpents, les guivres, les chimères,
Rêvait d’un peu d’amour et d’un rai de soleil…

(Jean-Paul Labaisse)

 

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LE FORÇAT (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2018



Illustration: La Rouille
    
LE FORÇAT

Je ne vois plus le jour
Qu’au travers de ma nuit,
C’est un petit bruit sourd
Dans un autre pays.
C’est un petit bossu
Allant sur une route,
On ne sait où il va
Avec ses jambes nues.
Ne l’interroge pas,

Il ignore ta langue
Et puis il est trop loin,
On n’entend plus ses pas.
Parfois, quand je m’endors,
La pointe d’un épi
Déserte mon enfance
Pour me trouver ici.
Épi grave et pointu,
Épi que me veux-tu?
Je suis un prisonnier
Qui ne sais rien des champs,
Mes mains ne sont plus miennes,
Mon front n’est plus à moi
Ni mon chien qui savait
Quand j’étais en retard.

Puisqu’au ciel grillagé
L’étoile des prisons
Vient briser ses rayons
Sans pouvoir me toucher,
Avec un brin de paille,
Un luisant bout de bois
Et le cil d’une femme
Approchons d’autrefois.
Mais vous vous en allez
Sans atteindre mon coeur,
Brindilles du bonheur,
Mes mains sont surveillées.

(Jules Supervielle)

 

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Avalanche (Leonard Cohen)

Posted by arbrealettres sur 24 janvier 2018




    
Avalanche

J’ai été pris dans une avalanche
elle a recouvert mon âme
Quand je ne serai plus bossu
je dormirai sous une colline dorée
Toi qui veux vaincre la douleur
tu dois apprendre à me servir

Tu me heurtes par hasard
en allant chercher de l’or
Le boiteux que tu habilles et nourris
n’a ni faim ni froid
Il ne recherche pas de compagnie
pas au centre du monde

Quand j’étais sur ce piédestal
tu ne m’y avais pas hissé
Tes lois ne m’obligent pas
à m’agenouiller grotesque et nu
Je suis moi-même le piédestal
de cette bosse que tu regardes

Toi qui veux vaincre la douleur
tu dois apprendre ce qui m’adoucit
Les miettes d’amour que tu m’offres
sont les miettes que j’abandonne
Ta croix ne te donne aucun titre
ce n’est que l’ombre de ma blessure.

J’ai commencé à me languir de toi
moi qui n’ai aucun besoin
J’ai commencé à t’attendre
moi qui n’ai nul appétit
Tu dis que tu es loin de moi
mais je sens ton souffle quand tu respires

Ne t’habille pas pour moi de chiffons
je sais que tu n’es pas pauvre
Et ne m’aime pas avec tant de violence
quand tu sais ne pas être sûre
C’est ton monde bien-aimé
c’est ta chair que je porte.

***

Avalanche

Well I stepped into an avalanche,
it covered up my soul;
when I am not this hunchback that you see,
I sleep beneath the golden hill.
You who wish to conquer pain,
you must learn, learn to serve me well.

You strike my side by accident
as you go down for your gold.
The cripple here that you clothe and feed
is neither starved nor cold;
he does not ask for your company,
not at the centre, the centre of the world.

When I am on a pedestal,
you did not raise me there.
Your laws do not compel me
to kneel grotesque and bare.
I myself am the pedestal
for this ugly hump at which you stare.

You who wish to conquer pain,
you must learn what makes me kind;
the crumbs of love that you offer me,
they’re the crumbs I’ve left behind.
Your pain is no credential here,
it’s just the shadow, shadow of my wound.

I have begun to long for you,
I who have no greed;
I have begun to ask for you,
I who have no need.
You say you’ve gone away from me,
but I can feel you when you breathe.

Do not dress in those rags for me,
I know you are not poor;
you don’t love me quite so fiercely now
when you know that you are not sure,
it is your turn, beloved,
it is your flesh that I wear.

(Leonard Cohen)

 

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Sous le croissant de lune (Alexandre Blok)

Posted by arbrealettres sur 12 décembre 2017



 

 

Illustration: Jean-François de Troy

    

Un enfant pleure. Sous le croissant de lune,
Par les champs se traîne un pèlerin bossu.
Dans le bois, qui se moque de sa bosse ronde —
Quelqu’un de velu, de tordu, de cornu.

Sous le clair de lune, le chemin est pâle.
Des filles pâles se cachent dans les herbes.
Leurs mains, comme des herbes tendres et pâles,
Dans le vent se balancent de gauche à droite.

Le grain bleu chuchote et penche la tête.
Le bossu danse sous la lune cornue.
On entend la trompette d’argent qui appelle.
Quelqu’un s’élance sur le chemin lumineux.

Les filles pâles surgissent des herbes.
Elles tendent les bras vers la connaissance.
Immobile, l’oreille collée à la terre,
Le bossu l’entend qui attend et respire.

Dans le bois, le velu tremble sans bruit.
La lune a roulé dans les blés lumineux.
Un enfant pleure. Et le vent se tait.
La trompette est proche. La nuit impénétrable.

(Alexandre Blok)

 

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Dans l’odeur des charbonnettes… (Marie Dauguet)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2017




    
Dans l’odeur des charbonnettes…

Dans l’odeur des charbonnettes
La forêt s’endort;
A peine le vent halette
Aux frondaisons d’or.

A travers les feuilles mortes,
D’azur rechampi,
Au soleil ouvrant sa porte,
Le bacul tapi,

Dans la coupe solitaire
Presque inapercu,
Arrondit son toit de terre
Comme un dos bossu.

Au fond, le lit de fougère,
Le buffet branlant,
Le pain près de la soupière
Dans un linge blanc.

A l’ombre du toit rustique,
Sous un baliveau,
La fontaine aromatique
Tord son écheveau.

Et parfois un rouge-gorge
Vient en voltigeant,
Du framboisier qui le loge
Boire au flot d’argent.

O sauvage et sans contrainte,
Comme un lièvre pait,
Savourer d’une âme simple
Cette immense paix.

Avoir pour toute richesse
Et suprême don,
Sous l’humble toit qui se dresse
En cet abandon,

Et pour qu’au ciel me sourie
L’azur infini,
D’aimer comme un enfant prie,
D’aimer mon ami!

(Marie Dauguet)

 

 

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ALLONS VIEILLE IMPERFAITE (Anonyme)

Posted by arbrealettres sur 18 septembre 2017



Illustration: Quentin Metsys
    
ALLONS VIEILLE IMPERFAITE

Allons vieille imperfaite, Vieille il vous faut sortir,
Vous estes si infecte qu’on ne vous peut sentir.
Sortez à la pareille, videz ceste maison,
Branlez le fesson la vieille, branlez le fesson.

Allons vieille barbue
Qui n’avez que deux dans,
Et si estes vestue
En flle de quinze ans,
Sortez…

Allons vieille vileine,
vileine jusqu’au bout,
Vostre puante allaine
Se sent desia par tout.
Sortez…

Allons vieille inutile,
Inutile à tout bien,
A vostre oeil qui distille
Le veiller n’en vaut rien.
Sortez…

Allons vieille ridée,
Suant, puant, teton :
Ce n’est pas une idée
Que ce que nous voyons.
Sortez…

Allons vieille effroiable,
Vray remede d’amour,
Allez à tous les diables,
C’est là vostre séjour.
Sortez…

Allez vieille bossue,
Eschine à dos de lut,
Quand un endroit vous sue,
Tout le reste vous put.
Sortez…

Allons jambe tortue,
Oeil coullant, nez puant,
Orde salle et bossue,
Corps infect et puant,
Allons face vermeille,
Rouge comme un tison,
Branlez le feson.

***

Come now, imperfect old woman,
Old woman, you must go out,
You are so foul that we cannot bear you.
Get out of this house,
Shake your buttocks, old woman, shake your buttocks

Let’s go, bearded old woman,
You have only two teeth,
And if you are dressed
Like a girl of ffteen,
Get out…

Let’s go, ugly old woman,
ugly to the tips of your fngers,
Your stinking breath
Can already be smelt everywhere.
Get out…

Let’s go, useless old woman,
Useless for anything,
To your eye that distils
Watching out for it is worthless.
Get out…

Let’s go, wrinkled old woman,
Sweating stinking breast:
It is not an idea
What we see.
Get out…

Let’s go, frightful old woman,
A true remedy for love,
Go to hell,
That is your dwelling place.
Get out…

Go on, old hunchback,
Lute-backed spine,
When a place makes you sweat,
All the rest stinks.
Get out…

Let’s go, twisted leg,
Runny eye, stinking nose,
Filthy, repugnant old humpback,
Vile, stinking body,
Let’s go, crimson face,
Red as a brand,
Shake your buttocks.

***

Nun denn, Ihr abgetakelt‘ Schachtel,
Alte, Ihr müsset hier heraus,
Ihr stinkt ja so abscheulich,
Dass man Euch gar nicht riechen möcht.
Heraus nun gleich,
Leert dieses Haus,
Und rühret Euern Arsch!

Nun denn, da, olle Bärt‘ge
Die Ihr habet nur zwie Zahn‘,
Auch wenn Ihr seid gekleid‘t
Als Jungfer von fünfzehn Jahr‘n,
Heraus nun gleich,…

Nun denn, alte Scharteke,
Scharteke bis zum Ende,
Euer stinkend‘ Atemduft
Verpestet schon überall die Luft!
Heraus nun gleich,…

Nun denn, alter unnützer Besen,
Unnütz für alles hier!
Eurem tränend‘ Aug‘
Das Wachsein nicht viel taugt!
Heraus nun gleich,…

Nun denn, alter, gar falt‘ger Drachen,
Schwitzend, stinkend Busen!
Das sieht nach gar nichts aus,
Was uns hier ist vor Aug‘!
Heraus nun gleich,…

Nun denn, gar alter Trampel,
Ihr wahrlich‘ „Liebesapfel“,
Schert Euch zu allen Teufeln,
Da bleibet Ihr dann geut!
Heraus nun gleich,…

Nun fort, alte und garst‘ge Krumme,
Mit einem Buckel wie‘ne Laut‘!
Wenn ein‘ Stell ist wie verpest‘,
Dann stinket auch der Rest!
Heraus nun gleich,…

Nun denn, Bein krumm,
Aug‘ triefend, Nas‘ schniefend,
Schmutzig‘ & bucklig‘ Drecksweib,
Unsäglich‘ und elendig‘ Leib!
Nun fort, krebsrot‘ Gesicht,
Rot wie ein glühend‘ Scheit,
Rührt Euern Arsch so breit!

(Anonyme)

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Un bossu (Richard Wright)

Posted by arbrealettres sur 27 novembre 2016



 

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Un bossu avec
Un grand parapluie noir sous
La neige qui tombe.

***

A hunchback carries
A big black umbrella
In the falling snow.

(Richard Wright)

Illustration: Annick Leroy

 

 

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Confession (Czeslaw Milosz)

Posted by arbrealettres sur 5 juillet 2016



Confession

Seigneur Dieu, j’ai aimé la confiture de fraise
Et la sombre douceur du corps féminin.
Comme aussi la vodka glacée, les harengs à l’huile,
Les parfums : la cannelle et les clous de girofle.
Quel prophète puis-je donc faire ? Pourquoi l’esprit
Aurait à visiter quelqu’un de pareil ? Tant d’autres
A bon droit furent élus dignes de confiance.
Mais moi qui me croirait ? Car ils ont vu
Comme je me jette sur la nourriture, vide les verres,
Et regarde avidement le cou de la serveuse.
En défaut et conscient de l’être. Désireux de grandeur,
Sachant la reconnaître où qu’elle soit,
Et pourtant d’une vue pas tout à fait claire.
Je savais ce qui reste pour les moindres comme moi :
Le festin des brefs espoirs, l’assemblée des fiers,
Le tournoi des bossus, la littérature.

(Czeslaw Milosz)

Découvert ici: http://revuedepoesie.blog.lemonde.fr/

Illustration

 

 

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