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Posts Tagged ‘boue’

SOLEIL DE MES VINGT ANS… (Jean Cocteau)

Posted by arbrealettres sur 9 janvier 2023



Illustration: Alexis Leborgne
    
SOLEIL DE MES VINGT ANS…

Soleil de mes vingt ans vous offensez mes ombres
Par vos jeux indiscrets
Car d’un temple inconnu je déchiffre les nombres
Et les calculs secrets.

Du sommeil de l’amour j’avais chanté l’étude.
Son flux et son reflux
Peuplaient et dépeuplaient l’île de solitude
Où je n’habite plus.

Vers un lieu sous-marin environné de pieuvres
Dans mon sommeil parti
Mon regard de noyé observe de mes œuvres
Le navire englouti.

J’avais pour vous rêvé, navire, des voyages
Toutes voiles dehors…
Et voilà maintenant qu’algues et coquillages
Recouvrent vos trésors.

Vitesse enivrez-vous je vous cède la place
Passez votre chemin
Votre orgueilleuse gloire étant que je vous fasse
Un signe de la main.

Passez m’éclaboussant de boue et de lumière.
Je ne le ferai pas.
Je vous laisse à vos buts. Le mien c’est la manière
Dont je pose mes pas.

(Jean Cocteau)

 

Recueil: Clair-obscur
Traduction:
Editions: Points

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Zazen (Dôgen)

Posted by arbrealettres sur 26 octobre 2022


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Sur les eaux de l’esprit
La lune paisiblement s’épanouit.
Qu’une vague les trouble
Elle pénètre jusqu’au fond
Et la boue devient lumière.

(Dôgen)

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Logis de Yi-gong dans le temple Da-yu (Meng Hao-ran)

Posted by arbrealettres sur 26 juin 2022




    

Logis de Yi-gong dans le temple Da-yu

Le Maître Juste, pratiquant du Chan
A sa demeure sur un mont boisé
Volets ouverts : le haut pic s’élance
Au bas du seuil se creusent les ravins

A l’heure du couchant nimbé de pluie
L’ombre verte descend sur la cour
Épouser la pureté d’un lotus :
Son âme que nulle boue n’entache

(Meng Hao-ran)

 

Recueil: L’Ecriture poétique chinoise
Traduction: François Cheng
Editions: du Seuil

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Seul (Jean Cocteau)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2022




    
Seul

Seul debout.
Seul assis.
Seul couché.
Seul sur the gril.
Seul écartelé par les chevaux de labour
dont il ne voyait que les croupes.
Seul pendu et son sperme devint mandragore.
Seul dans la vitesse qui n’est pas,
dans la minute qui n’est pas,
dans l’espace qui n’est pas,
dans le temps qui n’est pas,
dans l’éternité qui n’est pas,
dans l rien qui ne l’est pas,
dans le vide plein de boue.

Seul dans un bloc de quartz ignoble,
dans un iceberg en voyage.
Seul avec la solitude qui n’en est pas une.
Avec la lune qui fut sans être.
Avec ses pas qui n’en sont pas.
Avec ce tison qui se croûte et qui brûle au milieu
et se croûte et brûle dans un songe qui n’est même pas un songe.
Seul avec le sommeil du condamné à mort.

***

Alone

Alone standing.
Alone sitting.
Alone lying down.
Alone on the grille.
Alone drawn and quartered by workhorses,
seeing only their rumps.
Alone hanging, ejaculating a mandrake.
Alone in the quickness that isn’t,
in the minute that isn’t,
in the space that isn’t,
in time that isn’t,
in eternity that isn’t,
in the nothing that isn’t,
in an emptiness full of mud.
Alone in a corrupted chunk of quartz,
in an iceberg floating by.
Alone in solitude that isn’t.
With a moon that was without being.
With his footsteps that aren’t footsteps.
With this ember that crusts over and burns at its center,
and crusts and burns in a dream that isn’t even a dream.
Alone in the sleep of the condemned to death

Translated by Mary-Sherman Willis

(Jean Cocteau)

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L’Enterrement (Charles-Ferdinand Ramuz)

Posted by arbrealettres sur 4 mars 2022



Illustration: Adolphe Leleux  
    
L’Enterrement

Il y a six hommes pour porter la bière :
un mort, c’est plus lourd qu’un
vivant; le cortège va lentement
sur le chemin du cimetière.

Lorsque le pasteur a eu fini la prière,
le mort était sorti, les femmes étaient sorties aussi,
les femmes s’étaient mises à pleurer.
On avait voulu les consoler,
mais elles n’en pleuraient que plus fort,
à cause du mort,
dans les escaliers.

Il y a six hommes pour porter la bière;
un mort, c’est plus lourd qu’un vivant;
le cortège va lentement
sur le chemin du cimetière.

C’est un vieux. N’est-ce pas ? les vieux
qui passent leur temps au coin de leur feu,
ça doit s’attendre à s’en aller,
mais c’est dur quand même, et c’est dur pour eux,
et c’est dur aussi pour la femme.

A présent il pleut, il fait de la boue,
on est arrivé, le trou est creusé,
le fossoyeur est à côté,
les gens se sont découverts,
on met le cercueil sur la fosse,
le cercueil descend, les cordes grincent,
la terre en tombant sonne creux,

et les gens s’en vont se mouchant,
avec leurs mouchoirs sur les yeux,
parce que, de voir ça, çа remue.

(Charles-Ferdinand Ramuz)

Recueil: Le Petit Village
Traduction:
Editions: Héros-Limite

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Nous cherchons du sublime dans la boue (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2022




Quand le soleil palpe les fruits
Et caresse la toiture
Quand les abeilles butinent la lumière
Nous déchiffrons des signes

Quand le pavé résonne dans la ville déserte
Esclaves de la pluie
Nous cherchons du sublime dans la boue
Et dans un au-delà du hasard
Nous abordons l’éternel
Sous le regard de glace
De l’étoile la plus froide.

(Jean-Baptiste Besnard)

Illustration

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Joseph (Franck Bouysse)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2022




    

Joseph

Joseph a dix-huit ans
Sur le quai d’une gare
Et la vie devant lui
Ça ne va pas durer
Le temps d’un défilé
En bleu, en blanc et puis en rouge
Trois petits tours et puis s’en vont
Baïonnette au canon

Joseph a dix-neuf ans
Englué dans la boue
Avant d’aller au feu
Il sort un carnet
Écrit une suite de mots
Destinés à un ange

Joseph a vingt ans
De l’encre sur les doigts
Et les pattes des rats
En maudites ratures

Joseph a vingt ans
Joseph avait vingt ans

(Franck Bouysse)

Recueil: Fenêtre sur Terre
Traduction:
Editions: Phébus

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Aube intacte (Leonardo Sinisgalli)

Posted by arbrealettres sur 29 juin 2021



 

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Aube intacte, tu t’avances
Sur les sables prudents,
Et la violence des fruits ne te menace pas,
S’enracine le soir,
Et son acre senteur
Me remonte le long du dos.
Elle m’est chère, ta ruine
Qui rend avares les fontaines :
Cette étendue désolée
A l’amertume monotone
Des jours détruits.
Je ne sais de quelles veines
Secrètes tu nourris la nuit
En aval, découvrant ton échine
Aride. Ô roche sûre,
Notre douleur ne transmue pas
La boue en genêt.

***

Intatta alba ti avvicini
Sulle sabbie prudenti,
Né ti minaccia la violenza dei frutti
Fa radice la sera
E il suo acre sentore
Mi risale sul dorso.
Mi è cara la rovina
Che fa avare le fond :
Questa brulla distesa
Ha l’eguale amarezza
Dei giorni distrutti.
Non so da quali nascoste
Vene tu nutri la notte
A valle e scopri la schiena
Deserta. Roccia certa
Il nostro dolore non muta
Limo in ginestra.

(Leonardo Sinisgalli)

Illustration: ArbreaPhotos
 

 

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Lentement j’entre dans l’ombre (Werner Lambersy)

Posted by arbrealettres sur 12 juillet 2020




Lentement j’entre dans l’ombre
Comme l’hippopotame
Dans l’énorme boue

Où personne
Ne viendra lui chercher querelle

Doucement
Le soleil s’éteindra
Longuement la nuit va tomber

Longuement
Nous demeurerons dans la nuit

Nous aurons besoin de la durée
Pour réparer les dégâts

(Werner Lambersy)

Illustration: Hartig Kopp Delaney

 

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Je sais parce que je le dis (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 24 juin 2020




    
Je sais parce que je le dis
Que mes désirs ont raison
Je ne veux pas que nous passions
A la boue
Je veux que le soleil agisse
Sur nos douleurs qu’il nous anime
Vertigineusement
Je veux que nos mains et nos yeux
Reviennent de l’horreur ouvertes pures

Je sais parce que je le dis
Que ma colère a raison
Le ciel a été foulé la chair de l’homme
A été mise en pièces
Glacée soumise dispersée
Je veux qu’on lui rende justice
Une justice sans pitié
Et que l’on frappe en plein visage les bourreaux
Les maîtres sans racines parmi nous

Je sais parce que je le dis
Que mon désespoir a tort
Il y a partout des ventres tendres
Pour inventer des hommes
Pareils à moi
Mon orgueil n’a pas tort
Le monde ancien ne peut me toucher je suis libre
Je ne suis pas un fils de roi je suis un homme
Debout qu’on a voulu abattre

(Paul Eluard)

 

Recueil: Poésie ininterrompue
Traduction:
Editions: Gallimard

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