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Poésie

Posts Tagged ‘bourg’

Quand l’aube navrée (Jean-Vincent Verdonnet)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2023




    
Quand l’aube navrée contemple
les cendres du rêve mort
le cavalier plie bagage
enfiévré d’une veille
et plus pauvre d’un départ

Le fouet du froid prolonge le
sommeil épais des sèves

Le bourg tassé s’emmitoufle
d’une brume sans remords

D’anciens levers de soleils
grincent de mille caries

et le mont dur se crevasse
de la rencontre impossible

(Jean-Vincent Verdonnet)

 

Recueil: D’ailleurs
Editions: Saint-Germain-des-Prés

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LES OIES INQUIETES (Gaston Couté)

Posted by arbrealettres sur 24 décembre 2020



Illustration: Christiane Marette
    
LES OIES INQUIETES

Les oies qui traînent dans le bourg
Ainsi que des commères grasses
Colportant les potins du jour,
En troupeaux inquiets s’amassent.
Un gros jars qui marche devant
Allonge le cou dans la brume
Et frissonne au souffle du vent
De Noël qui gonfle ses plumes…

Noël ! Noël !
Est-ce au ciel
Neige folle
Qui dégringole,
Ou fin duvet d’oie
Qui vole.

Leur petit œil rond hébété
A beau s’ouvrir sans trop comprendre
Sur la très blanche immensité
D’où le bon Noël va descendre,
A la tournure du ciel froid,
Aux allures des gens qui causent,
Les oies sentent, pleines d’effroi,
Qu’il doit se passer quelque chose.

Les flocons pâles de Noël
– Papillons de l’Hiver qui trône –
Comme des présages cruels
S’agitent devant leur bec jaune,
Et, sous leur plume, un frisson court
Qui, jusque dans leur chair se coule.
L’heure n’est guère aux calembours,
Mais les oies ont la chair de poule.

Crrr !… De grands cris montent parmi
L’aube de Noël qui rougeoie
Comme une Saint-Barthélemy
Ensanglantée du sang des oies ;
Et, maintenant qu’aux poulaillers
Les hommes ont fini leurs crimes,
Les femmes sur leurs devanciers
Dépouillent les corps des victimes.

(Gaston Couté)

 

 

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CONTE DU SOLEIL ET DE LA ROUTE (Alain Fournier)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2020



 
    
CONTE DU SOLEIL ET DE LA ROUTE
(À une petite fille)

— Un peu plus d’ombre sous les marronniers des places,
Un peu plus de soleil sur la grande route lasse…

Des noces passeront, aux « beaux jours » étouffants,
sur la grand’route, au grand soleil, et sur deux rangs.

De très longs cortèges de noces campagnardes
avec de beaux habits dont tout le monde parle

Et de petits enfants, dans la noce, effarés,
auront de très petits « gros chagrins » ignorés…

— Je songe à l’Un, petit garçon, qui me ressemble
et, les matins légers de printemps, sous les trembles,

à cause du ciel tiède et des haies d’églantiers,
parce qu’il était seul, qu’on l’avait invité,
se prenait à rêver à la noce d’Été :

« … On me mettra peut-être – on l’a dit – avec Elle
qui me fait pleurer dans mon lit, et qui est belle…

(Si vous saviez – les soirs, quelquefois – ô mamans,
les pleurs de tristesse et d’amour de vos enfants !)

« … J’aurai mon grand chapeau de paille neuve et blanche ;
sur mon bras la dentelle envolée de sa manche… »
— Et je rêve son rêve aux habits de Dimanche.

« … Oh ! le beau temps d’amour et d’Été qu’il fera,
Et qu’elle sera douce et penchée, à mon bras.

J’irai à petits pas. Je tiendrai son ombrelle.
Très doucement, je lui dirai « Mademoiselle »

d’abord – Et puis, le soir, peut-être, j’oserai,
si l’étape est très longue, et si le soir est frais,
serrer si fort son bras, et lui dire si près,
à perdre haleine, et sans chercher, des mots si vrais

qu’elle en aura « ses » yeux mouillés – des mots si tendres
qu’elle me répondra, sans que personne entende… »

— Et je songe, à présent, aux mariées pas jolies
qu’on voit, les matins chauds, descendre des mairies
Sur la route aveuglante, en musique, et traîner
des couples en cortège, aux habits étrennés.

Et je songe, dans la poussière de leurs traînes
où passent, deux à deux, les fillettes hautaines
les fillettes en blanc, aux manches de dentelles,
Et les garçons venus des grandes Villes – laids,
avec de laids bouquets de fleurs artificielles,

— je songe aux petits gars oubliés, affolés
qu’on n’a mis, « au dernier moment », avec personne

— aux petits gars des bourgs, amoureux bousculés
par le cortège au pas ridicule et rythmé

— aux petits gars qui ne s’en vont avec personne
dans le cortège qui s’en va, fier et traîné
vers l’allégresse sans raison, là-bas, qui sonne.

— Et tout petits, tout éperdus, le long des rangs,
ne peuvent même plus retrouver leurs mamans.

— Un surtout… qui me ressemble de plus en plus !
un surtout, que je vois – un surtout… a perdu

au grand vent poussiéreux, au grand soleil de joie,
son beau chapeau tout neuf, blanc de paille et de soie

et je le vois… sur la route… qui court après
– et perd le défilé des « Messieurs » et des « Dames » –
court après – et fait rire de lui – court après,
aveuglé de soleil, de poussière et de larmes…

(Alain Fournier)

 

Recueil: Miracles
Traduction:
Editions:

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Le silence (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2020



Au fond du temps verdoie un merveilleux silence
fait avec les bourgs, les villes et les coteaux
il dort et s’accomplit
il épuise une pierre
et celle-ci tombe un soir d’hiver
sur une femme étrangère
aux seins couleur d’opale
qu’enferme du drap rouge.
Avec la femme meurent d’infimes bêtes
une fleur, un oiseau, un calvaire
écrasés par la même pierre.

(Jean Follain)

Illustration: Carolus Duran

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L’anecdote (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 8 janvier 2020




L’unique peintre de ce bourg
repeignait la boutique austère
et fredonnait
quand de la gare s’en revenaient
les deux uniques voyageuses
indifférentes à cet amour
que mettait partout le printemps
mais il est des chants qui poursuivent
et que nous ramène une brise.
O monde je ne puis te construire
sans ce peintre
et sans ces deux femmes.

(Jean Follain)

Illustration: Marta Shmatava

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AU BORD DU QUAI (Émile Verhaeren)

Posted by arbrealettres sur 21 août 2018



AU BORD DU QUAI

En un pays de canaux et de landes,
Mains tranquilles et gestes lents,
Habits de laine et sabots blancs,
Parmi des gens mi-somnolents,
Dites, vivre là-bas, en de claires Zélandes !

Vers des couchants en or broyé,
Vers des caps clairs mais foudroyés,
Depuis des ans, j’ai navigué.

Dites, vivre là-bas,
Au bord d’un quai piqué de mâts

Et de poteaux, mirés dans l’eau ;
Promeneur vieux de tant de pas,
Promeneur las.

Vers des espoirs soudain anéantis,
L’orgueil au vent, je suis parti.

La bonne ville, avec ses maisons coites,
Carreaux étroits, portes étroites,
Pignons luisants de goudron noir,
Où le beffroi, de l’aube au soir,
Tricote,
Maille à maille, de pauvres notes.

J’ai visité de lointains fleuves,
Tristes et grands, comme des veuves.

Serait-il calme et frais mon coin,
Qu’une vieille servante, avec grand soin,
Tiendrait propre, comme un dimanche.
Contre le mur d’une chambre blanche,
Une carte pendrait des îles Baléares,
Avec, en or, des rinceaux rares
Et des drapeaux épiscopaux ;
Et sur l’armoire, la merveille

— Petits bâtons, minces ficelles —
D’une fragile caravelle
Qui voguerait, voiles au clair,
Dans la panse d’une bouteille.

J’ai parcouru, sous des minuits de verre,
Des courants forts qui font le tour de la terre.

Au cabaret, près du canal.
Le soir, à l’heure réglementaire,
Je m’assoierais, quand le fanal,
Au front des ponts,
Darde son œil, comme une pierre verte.
J’entreverrais, par la fenêtre ouverte,
Dormir les chalands bruns, les barques brunes,
Dans leur grand bain de clair de lune
Et le quai bleu et ses arbres lourds de feuillée,
Au fond de l’eau, fuir en vallée,
En cette heure d’immobilité d’or,
Où rien ne bouge, au fond du port,
Sauf une voile mal carguée,
Qui doucement remue encor,
Au moindre vent qui vient de mer.

La mer ! la mer !

La mer tragique et incertaine,
Où j’ai traîné toutes mes peines !

Depuis des ans, elle m’est celle,
Par qui je vis et je respire,
Si bellement, qu’elle ensorcelle
Toute mon âme, avec son rire
Et sa colère et ses sanglots de flots ;
Dites, pourrais-je un jour,
En ce port calme, au fond d’un bourg,
Quoique dispos et clair,
Me passer d’elle ?

La mer ! la mer !

Elle est le rêve et le frisson
Dont j’ai senti vivre mon front.
Elle est l’orgueil qui fit ma tête
Comme de fer, dans la tempête.
Ma peau, mes mains et mes cheveux
Sentent la mer
Et sa couleur est dans mes yeux ;
Et c’est la houle et le jusant
Qui sont le rythme de mon sang !

En des lointains de Finistères
J’ai labouré les mers,
Selon l’éclair et le tonnerre.

Au cassement de soufre et d’or
Des cieux d’ébène et de portor,
J’ai regardé s’ouvrir la nuit
Si loin dans l’ombre et l’inconnu,
Que mon désir n’est point encor
Jusqu’aujourd’hui,
Du bout du monde, revenu.

Chaque coup d’heure au cœur du temps,
Chaque automne, chaque printemps,
Me rappellent des paysages
Plus beaux que ceux que mes yeux voient ;
Golfes, pays et cieux, en mon âme, tournoient
Et mon âme elle même, avec l’humanité,
Autour de Dieu, depuis l’éternité,
À travers temps, semble en voyage :
J’ai dans mon cœur l’orgueil et la misère,
Qui sont les pôles de la terre.

Et qu’importe d’où sont venus ceux qui s’en vont,
S’ils entendent toujours l’appel profond

Au carrefour des doutes !
Mon corps est lourd, mon corps est las,
Je veux rester, je ne peux pas ;
L’âpre univers est un tissu de routes
Tramé de vent et de lumière ;
Mieux vaut partir, sans aboutir,
Que de s’asseoir, même vainqueur, le soir,
Devant son œuvre coutumière,
Avec, en un cœur morne, une vie
Qui cesse de bondir au delà de la vie !

Dites, la mer au loin que prolonge la mer ;
Et le suprême et merveilleux voyage,
Vers on ne sait quel charme ou quel mirage,
Se déplaçant, au cours des temps ;
Dites, les signaux clairs des beaux vaisseaux partant
Et le soleil qui brûle et qui déjà déchire
Sa gloire en or, sur l’avant fou de mon navire !

(Émile Verhaeren)

Illustration: Vladimir Kush

 

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Paysage d’après-midi (Jean Grosjean)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2018




    
Paysage d’après-midi

Unique objet dans le grand azur vide
le seul soleil peuple l’après-midi.
Les toits terrés sous sa clarté livide
n’ont qu’à rêver comme un pâtre endormi.

Autour du bourg les labours nus s’étirent
jusqu’aux forêts dont l’ombre est si sauvage.
Ô bénie soit cette ombre en son empire
quand l’âme aussi est l’ombre du visage.

(Jean Grosjean)

 

Recueil: Les parvis
Traduction:
Editions: Gallimard

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MON CORPS SUR LE FAUTEUIL… (Jules Romains)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2018



Serge Labégorre 9931

Mon corps sur le fauteuil est un bourg au soleil
Qui s’incline selon la pente et la colline ;
L’heure y sonne ; la rue est faite d’enfants blonds ;
Des femmes, à leur seuil, sourient d’être vivantes.

Avant de galoper mes instants se relayent ;
Je ne sais pas si quelqu’un meurt dans ma poitrine
Où la lumière envoie un vol de petits plombs
Qui déchirent à peine assez pour qu’on les sente.

Mon sang n’a pas de fin ni de commencement.

Là, c’est mon corps ; puis la table ; puis les murailles.
Je suis moi vaguement ; mes yeux et mes oreilles
Ne reconnaissent pas l’univers et s’embrouillent.
Je suis moi par-dessus quelque chose d’opaque.
Ce qui pense dans moi ressemble au chevrier
Qui est sur les plateaux un matin de printemps ;
La brume emplit tous les vallons jusqu’à ses pieds
Tandis que le soleil lui dilate les tempes.

(Jules Romains)

Illustration: Serge Labégorre

 

 

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Où es-tu ? (Sergueï Essénine)

Posted by arbrealettres sur 4 avril 2018



Illustration    
    
Où es-tu ? où es-tu, maison du père
qui te chauffais l’échine sous le tertre ?
Et toi, ma fleurette bleue, si bleue
et le sable non foulé…
où es-tu, où es-tu, maison du père ?

Un coq chante sur l’autre rive.
Le berger paît son troupeau.
Trois lointaines étoiles
se sont allumées dans l’eau.
Un coq chante sur l’autre rive.

Le temps, ce moulin à une aile,
derrière le bourg fait descendre
la lune-balancier qui arrose le seigle
de l’invisible pluie des heures.
Le temps, ce moulin à une aile.

Cette petite pluie et sa volée de flèches
a lancé en toupie ma maison dans les nues,
elle a fauché la fleurette bleue
et piétiné le sable d’or.
Cette petite pluie et sa volée de flèches.

(Sergueï Essénine)

***

Recueil: Journal d’un poète
Traduction: Christiane Pighetti
Editions: De la Différence

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VA DANSER ! (Gaston Couté)

Posted by arbrealettres sur 10 février 2018



Illustration: Joseph Matar
    
VA DANSER !

Au mois d’août, en fauchant le blé,
On crevait de soif dans la plaine;
Le corps en feu, je suis allé
Boire à plat ventre à la fontaine :
L’eau froide m’a glacé « les sangs ».
Et je meurs par ce tendre automne
Où l’on danse devant la tonne
Durant les beaux jours finissants…

J’entends les violons… Marie !
Va, petiote que j’aimais bien ;
Moi, je n’ai plus besoin de rien !…
Va-t’en danser à la frairie,
J’entends les violons… Marie !…

Veux-tu bien me sécher ces pleurs?
Les pleurs enlaidissent les belles !
Mets ton joli bonnet à fleurs
Et ton devantier en dentelle :
Rejoins les jeunesses du bourg
Au bourg où l’amour les enivre ;
Car, si je meurs, il te faut vivre…
Et l’on ne vit pas sans amour !

Entre dans la ronde gaiement ;
Choisis un beau gâs dans la ronde,
Et donne-lui ton cœur aimant
Qui resterait seul en ce monde…
Oui, j’étais jaloux cet été
Quand un autre t’avait suivie ;
Mais on ne comprend bien la vie
Que sur le point de la quitter…

Après ça, tu te marieras…
Et, quand la moisson sera haute,
Avec ton homme au rude bras,
Moissonnant un jour côte à côte
Vous viendrez peut-être à parler,
Emus de pitié grave et sobre,
De Jean qui mourut en Octobre
D’un mal pris en fauchant les blés…

(Gaston Couté)

 

 

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