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Posts Tagged ‘boussole’

JE TUE LE TEMPS (André Frénaud)

Posted by arbrealettres sur 8 février 2023




    
JE TUE LE TEMPS

Je tue le temps en taillant dans la houille.
Engorgé je me débarrasse ou j’essaie.

Je tue le temps au vin rouge, à la délicatesse,
à la franche gaieté, à la morale,
à l’excès de zèle, à qui perd gagne, à la boussole,
avec un miroir d’emprunt,
avec un regard farouche,
avec un sourire componctueux,
avec une envie de pleurer.

Je tue le temps à creuse rêverie,
avec un marteau-piqueur, avec un petit flageolet,
avec une superbe convoitise,
avec une raillerie épaisse,
en toute bonne foi, avec un oeil en coin,
avec les discours habituels, avec des mots écrits,
avec du vent.
Je n’approche pas du recours imaginé.

Je tue le temps. Je taille en suffoquant, j’essaie.

Je tue le temps. Si un faucon au poing j’allais,
je saurais faire.

(André Frénaud)

Recueil: Il n’y a pas de paradis
Traduction:
Editions: Gallimard

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Cent fois que je vais à la poste (Varlam Chalamov)

Posted by arbrealettres sur 21 décembre 2022




    
Cent fois que je vais à la poste
Pour aller chercher ta lettre.
À présent la nuit je ne dors plus,
je ne vis plus le jour.

Je crois, je crois à tous les signes,
Aux songes comme aux araignées,
Je crois aux skis, je crois en été
Aux barques étroites qui filent.

Je crois au vrombissement des automobiles,
À leurs orageux diesels,
Aux colombes messagères,
Aux mâts des navires.

Je crois aux sifflets des vapeurs,
Je crois aux trains,
Même à l’été
Je crois parfois.

Je crois dans les traîneaux à rennes,
Dans la boussole du voyageur
Près de ses cartes engivrées
Et dans la désolation de l’heure.

Dans les vaillantes kibitkas
Et dans les chiens d’attelage,
Aux escargots et leur sang-froid,
À l’indolence des tortues.

Je crois comme par enchantement,
Au sang qui se glace,
Je crois aussi à la patience
Et à ton amour.

(Kibitka : traîneau couvert)

(Varlam Chalamov)

 

Recueil: Cahiers de La Kolyma
Traduction: du russe par Christian Mouze
Editions: Maurice Nadeau

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A vol d’oiseau (Michel Luneau)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2021



A vol d’oiseau

Où va-t-il, l’oiseau sur la mer ? Il vole, il vole… A-t-il au moins une boussole ?
Si un coup de vent Lui rabat les ailes, Il tombera dans l’eau Et ne sait pas nager.
Et que va-t-il manger ? Et si ses forces l’abandonnent, Qui le secourra ? Personne.
Pourvu qu’il aperçoive à temps Une petite crique ! C’est tellement loin l’Amérique…

(Michel Luneau)


Illustration

 

 

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SANS LIEU (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2020



Milarépa

    
SANS LIEU

Je suis celui qui pourchasse
le visage des apparences
Milarépa

sans lieu
sans nom
le géomètre des éclipses
parcourt l’horizon

sans lieu
sans mémoire
il prend le suaire du ciel
et l’étend sur le monde

sans lieu
sans boussole
le visage sillonné d’ombres
il explore les abîmes d’en-haut
sans lieu
sans cesse
il s’en va caresser la mort
au-delà des lunes brûlées

(Zéno Bianu)

 

Recueil: Infiniment proche et Le désespoir n’existe pas
Traduction:
Editions: Gallimard

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Finis, fleurs et petits oiseaux… Dieu est mort! (Anise Koltz)

Posted by arbrealettres sur 30 août 2020




    

Finis, fleurs et petits oiseaux… Dieu est mort!
L’homme est seul face à lui-même, face à l’univers.
C’est à lui qu’incombe l’entière responsabilité de sa vie et celle des autres.
Chacun de nous risque de se perdre sans guide, sans boussole, sans initiation aucune.

(Anise Koltz)

 

Recueil: Somnambule du jour
Traduction:
Editions: Gallimard

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L’aurore s’allume (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 22 juin 2020



 

Illustration: William Turner
    
L’aurore s’allume

I
L’aurore s’allume ;
L’ombre épaisse fuit ;
Le rêve et la brume
Vont où va la nuit ;
Paupières et roses
S’ouvrent demi-closes ;
Du réveil des choses
On entend le bruit.

Tout chante et murmure,
Tout parle à la fois,
Fumée et verdure,
Les nids et les toits ;
Le vent parle aux chênes,
L’eau parle aux fontaines ;
Toutes les haleines
Deviennent des voix !

Tout reprend son âme,
L’enfant son hochet,
Le foyer sa flamme,
Le luth son archet ;
Folie ou démence,
Dans le monde immense,
Chacun. recommence
Ce qu’il ébauchait.

Qu’on pense ou qu’on aime,
Sans cesse agité,
Vers un but suprême,
Tout vole emporté ;
L’esquif cherche un môle,
L’abeille un vieux saule,
La boussole un pôle,
Moi la vérité !

II

Vérité profonde !
Granit éprouvé
Qu’au fond de toute onde
Mon ancre a trouvé !
De ce monde sombre,
Où passent dans l’ombre
Des songes sans nombre,
Plafond et pavé !

Vérité, beau fleuve
Que rien ne tarit !
Source où tout s’abreuve,
Tige où tout fleurit !
Lampe que Dieu pose
Près de toute cause !
Clarté que la chose
Envoie à l’esprit !

Arbre à rude écorce,
Chêne au vaste front,
Que selon sa force
L’homme ploie ou rompt,
D’où l’ombre s’épanche ;
Où chacun se penche,
L’un sur une branche,
L’autre sur le tronc !

Mont d’où tout ruisselle !
Gouffre où tout s’en va !
Sublime étincelle
Que fait Jéhova !
Rayon qu’on blasphème !
Oeil calme et suprême
Qu’au front de Dieu même
L’homme un jour creva !

III

Ô Terre ! ô merveilles
Dont l’éclat joyeux
Emplit nos oreilles,
Eblouit nos yeux !
Bords où meurt la vague,
Bois qu’un souffle élague,
De l’horizon vague
Plis mystérieux !

Azur dont se voile
L’eau du gouffre amer,
Quand, laissant ma voile
Fuir au gré de l’air,
Penché sur la lame,
J’écoute avec l’âme
Cet épithalame
Que chante la mer !

Azur non moins tendre
Du ciel qui sourit
Quand, tâchant d’entendre
Je cherche, ô nature,
Ce que dit l’esprit,
La parole obscure
Que le vent murmure,
Que l’étoile écrit !

Création pure !
Etre universel !
Océan, ceinture
De tout sous le ciel !
Astres que fait naître
Le souffle du maître,
Fleurs où Dieu peut-être
Cueille quelque miel !

Ô champs ! ô feuillages !
Monde fraternel !
Clocher des villages
Humble et solennel !
Mont qui portes l’aire !
Aube fraîche et claire,
Sourire éphémère
De l’astre éternel !

N’êtes-vous qu’un livre,
Sans fin ni milieu,
Où chacun pour vivre
Cherche à lire un peu !
Phrase si profonde
Qu’en vain on la sonde !
L’oeil y voit un monde,
L’âme y trouve un Dieu !

Beau livre qu’achèvent
Les coeurs ingénus ;
Où les penseurs rêvent
Des sens inconnus ;
Où ceux que Dieu charge
D’un front vaste et large
Ecrivent en marge :
Nous sommes venus !

Saint livre où la voile
Qui flotte en tous lieux,
Saint livre où l’étoile
Qui rayonne aux yeux,
Ne trace, ô mystère !
Qu’un nom solitaire,
Qu’un nom sur la terre,
Qu’un nom dans les cieux !

Livre salutaire
Où le cour s’emplit !
Où tout sage austère
Travaille et pâlit !
Dont le sens rebelle
Parfois se révèle !
Pythagore épèle
Et Moïse lit !

(Victor Hugo)

 

Recueil: Les rayons et les ombres
Traduction:
Editions: Bayard Jeunesse

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Rondeau du rhododendron (Jacques Roubaud)

Posted by arbrealettres sur 2 février 2020



 


    
Rondeau du rhododendron

Le rondeau du rhododendron
Composé en octosyllabes
Se nommera rondeauderdron
De ce mot je suis le coupable

Une fois bien poli bien rond
Je le mettrai dans mon cartable
Le rondeau

Pour le rendre plus présentable
Je l’écrirai sur mon plafond
Ma boussole mon astrolabe
Et je ferai un colophon
Du rondeau

(Jacques Roubaud)

 

Recueil: Rondeaux poésies
Traduction:
Editions: Gallimard

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Il n’y a que la vie (Daniel Biga)

Posted by arbrealettres sur 15 décembre 2019



Illustration: Jérôme Royer
    
Il n’y a que la vie

Excusez-moi je ne vais pas très bien
mais vous non plus peut-être …
les masques que jour après jour
les masques que d’instant en instant
je porte pour me dérober à moi-même :
qui suis-je ?

une souffrance qui s’aiguise puis s’émousse
une peur qui s’épuise et se revigore
une souffrance une peur
mais il ne s’agit pas que de cela encore
derrière les mots qu’y a-t-il ? qui est là ?
derrière les mots peut-être rien n’existe
mais « rien » encore n’est qu’un mot
alors comment dire l’au-delà des mots

excusez-moi je ne vais pas très bien
mais vous non plus peut-être …
« le bonheur est une décision » (Tilman) peut-être
pourtant je n’arrive pas à la prendre
mais peut-être certains sont-ils plus doués
mais peut-être ai-je raté un aiguillage mais
je ne sais pas grand-chose je ne sais pas vraiment
effectivement j’ai l’impression de n’avoir pas décidé de ma vie
mais sans doute n’est-ce qu’une impression
ni le monde où je suis né ni la famille où j’ai grandi
ni la tristesse qui peu à peu m’a enveloppé
ni les métiers que j’ai faits ou n’ai pas faits
ni les lieux où j’ai vécu ou n’ai pas vécu
ni les femmes que j’ai aimées ou n’ai pas aimées
IL N’Y A QUE LA VIE

Martine Raymond Robert Michel Marie-Claude Yves …
le suicide fut-il votre décision ?
Laurence Jean-Claude André Christiane Tahar Rabah Gilles …
la maladie de la mort fut-elle votre choix ?

J’ai vécu légèrement sans ancre ni boussole
plus d’une fois rompant mes minces amarres flottantes
comme si j’allais mourir jeune
et voilà que je ne le suis plus
qu’il me reste peut-être même longtemps à tirer
j’appréhende ce ne sera pas facile facile
– est-ce ma seule lucidité ?
l’art d’aujourd’hui ne correspond guère à ce que je cherche
pourtant dès que j’affirme ou nie quoi que ce soit
mes propos ne sont que masques et démasques
dans son infinité de courants et de mouvances
indéchiffrables inconnus inclassifiables infigeables
IL N’Y A QUE LA VIE

[…]

(Daniel Biga)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Recueil: Il n’y a que la vie
Traduction:
Editions: Castor Astral

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Cloisons de Pluie (Samuel Dudouit)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2019



 

Adam Tan  j54o1_500

Cloisons de Pluie

Si un dieu de la pluie parvenait jusqu’au rire
qui lentement monte en toi
si son odeur de terre lavée et de fougère
et sa chaleur perdue
envahissaient tes mots
tes poèmes iraient seuls sans boussole sans loi
tu pourrais dormir

(Samuel Dudouit)

Découvert ici chez laboucheaoreilles

Illustration: Adam Tan

 

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Nous serons Quoiqu’il en coûte (Jean Lavoué)

Posted by arbrealettres sur 19 janvier 2019



Illustration: Castanheira Amilcar
    
Nous serons
Quoiqu’il en coûte
Les bergers de nos vastes mystères

Avec pour seule boussole
L’astre sonore
Au fond du coeur

(Jean Lavoué)

 

Recueil: Levain de ma joie
Traduction:
Editions: L’enfance des arbres

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