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Poésie

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Beaucoup de lumière (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 29 novembre 2022




    
Beaucoup de lumière
et votre voix partout
mêlée aux voix des choses
comme une paix brutale
un couteau de fraîcheur
au plus épais de l’âme

Je parle de l’âme
Je pourrais dire le corps
le bois de cette table
ou le tissu de vos robes
Je pourrais dire chaque chose
dans la lumière
L’âme n’est rien que l’invisible
et l’invisible est tout ce que l’on voit
ou plutôt tout ce qui sous nos yeux
demande à être vu
désespère d’être vu
appelle appelle appelle

(Christian Bobin)

 

Recueil: La Vie Passante
Editions: Fata Morgana

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J’attends le printemps (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 29 novembre 2022



« Vous cherchez du côté du plus grand…
C’est tellement plus simple : J’attends le printemps.
Ce que j’appelle le printemps n’est pas affaire de climat ou de saison.
Cela peut surgir au plus noir de l’année.
C’est même une de ses caractéristiques :
Quelque chose qui peut venir à tout moment pour interrompre, briser
– et au bout du compte, délivrer.

Le printemps n’est rien de compréhensible
– c’est même ce qui lui permet de tenir dans trois fois rien
– un bruit, un silence, un rire.

Il se moque de conclure.
Il ouvre et ne termine jamais.
Il est dans sa nature d’être sans fin.

Ce que j’appelle le printemps ne va pas sans déchirure.
C’est une chose douce et brutale.
Nous ne devrions pas être surpris de ce mélange.
Si nous le sommes, c’est que la vie nous rend distraits.
Nous ne faisons pas assez attention.

Si nous regardions bien, si nous regardions calmement,
nous serions effrayés par la souveraineté de la moindre pâquerette :
elle est là, toute bête, toute jaune.
Pour être là, elle a dû traverser des morts et des déserts.
Pour être là, toute menue,
elle a dû livrer des guerres sans pitié.

Ce que j’appelle le printemps est une chose du même ordre…

Dans le printemps, rien de tranquille ni de gagné d’avance.
Lorsqu’il arrive, nous ne nous y retrouvons plus.
Presque rien n’a changé et ce presque rien change tout.

Nous nous accoutumons trop vite à ce que nous avons.

Dieu merci, le printemps vient remettre du désordre dans tout ça.
Nous découvrons que nous n’avons jamais rien eu à nous,
et cette découverte est la chose la plus joyeuse que je connaisse. »

(Christian Bobin)

 

 

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En plein soleil (François Coppée)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2021




    

En plein soleil, le long du chemin de halage,
Quatre percherons blancs, vigoureux attelage,
Tirent péniblement, en butant du sabot,
Le lourd bateau qui fend l’onde de l’étambot ;
Près d’eux, un charretier marche dans la poussière.
La main au gouvernail, sur le pont, à l’arrière,
N’écoutant pas claquer le brutal fouet de cuir,
Et regardant la rive et les nuages fuir,
Fume le marinier, sans se fouler la rate.
–  » Le peuple et le tyran !  » me dit un démocrate.

(François Coppée)

 

Recueil: Promenades et interieurs
Traduction:
Editions:

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L’Espace Restant (Marie-Anne Bruch)

Posted by arbrealettres sur 30 juillet 2020




    
L’Espace Restant

L’automne arrive comme une mise en demeure
et la nuit compte sur la chambre noire de nos sommeils pour développer ses négatifs.
La peur nous cerne, nous accule aux mensonges les plus escarpés,
réduisant notre espace à quelque échafaudage mal domestiqué.
L’amour amadoue la brutalité des miroirs,
l’amour transforme le néant vaste et noir en cathédrales d’espérance.
L’automne arrive comme un coup de semonce
et l’aube précipite l’espace de la nuit dans les angles morts de l’éveil.

(Marie-Anne Bruch)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Recueil: Les Cahiers du Sens
Traduction:
Editions: Le Nouvel Athanor

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Votre rire est éclatant comme un bel oiseau des Iles (Jean de la Ville de Mirmont)

Posted by arbrealettres sur 6 novembre 2019



I

Votre rire est éclatant
Comme un bel oiseau des Iles.
Mais à rire on perd son temps,
O ma soeur, ma soeur fragile !

Vous savez des jeux plus fous
Que celui de « pigeon-vole ».
C’est un mauvais point pour vous,
O ma soeur, ma soeur frivole !

Vous manquez de sérieux
Et de vertus ménagères.
Vous n’irez jamais aux cieux,
O ma soeur, ma soeur légère !

II

Pourquoi ces mains, dont vous ne faites
Qu’un usage absolument vain ?
Mais quelle fête,
Quand je saisis leurs doigts divins !

Pourquoi ces yeux où ne réside
Rien du tout, pas même l’ennui ?
Mais quel suicide
Que de les perdre dans la nuit !

Pourquoi ces lèvres d’où j’écoute
Tomber des mots sans intérêt ?
Mais quelle absoute
Leur seul baiser me donnerait !

III

Le rire clair, l’âme sans reproche,
Un regard pur comme du cristal,
Elle viendra, puisque c’est fatal !
Moi, je l’attends les mains dans les poches.

A tout hasard, je me suis pourvu
D’un stock d’amour et de prévenances,
N’oubliant point qu’en cette existence
Il faut compter avec l’imprévu.

Tu n’auras donc, petite vestale,
Qu’à t’installer un jour dans mon coeur,
Il est, je crois, plus riche en couleur
Que ton album de cartes postales.

IV

Depuis tant de jours il a plu!
Pourtant, voilà que recommence
Un printemps comme on n’en voit plus,
Chère, sinon dans tes romances.

Adieu rhumes et fluxions !
Adieu l’hiver, saison brutale !
C’est, ou jamais, l’occasion
D’avoir l’âme sentimentale.

Que ne puis-je, traînant les pieds,
Et mâchonnant ma cigarette,
Cueillir pour toi, sur les sentiers,
De gros bouquets de pâquerettes !

V

Amie aux gestes éphémères,
Cher petit être insoucieux,
Je ne veux plus d’autre chimère
Que l’azur calme de tes yeux.

Pas besoin d’y chercher une âme !
De tels objets sont superflus.
Le seul bonheur que je réclame,
C’est de m’y reposer, sans plus.

Que m’importe l’horreur du vide ?
Je vais plonger, à tout hasard,
Ainsi qu’un nageur intrépide,
Dans le néant de ton regard.

(Jean de la Ville de Mirmont)

Illustration: Jeff Scher

 

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Le paysage dans le cadre des portières (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 18 octobre 2019



 

Claude Monet_ train dans la campagnef [1280x768]

Le paysage dans le cadre des portières
Court furieusement, et des plaines entières
Avec de l’eau, des blés, des arbres et du ciel
Vont s’engouffrant parmi le tourbillon cruel
Où tombent les poteaux minces du télégraphe
Dont les fils ont l’allure étrange d’un paraphe.

Une odeur de charbon qui brûle et d’eau qui bout,
Tout le bruit que feraient mille chaînes au bout
Desquelles hurleraient mille géants qu’on fouette ;
Et tout à coup des cris prolongés de chouette.
– Que me fait tout cela, puisque j’ai dans les yeux
La blanche vision qui fait mon coeur joyeux,
Puisque la douce voix pour moi murmure encore,
Puisque le Nom si beau, si noble et si sonore
Se mêle, pur pivot de tout ce tournoiement,
Au rythme du wagon brutal, suavement.

(Paul Verlaine)

Illustration: Claude Monet

 

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En quelques morceaux (Arnaud Savoye)

Posted by arbrealettres sur 9 septembre 2018



 

    
 

En quelques morceaux

Soif et joie;
pieds lavés dans la rivière
remontent à la source.
Rêve d’élan.
De l’engagement.

Nos propres dé‚couvertes
porté‚es haut et partagé‚es,
repas pris en commun.

Ensemble sur
un même chemin,
vers une oeuvre.

Solidarité‚ des oiseaux;
une mésange guette,
surveille, annonce, pré‚vient.

Rouges-queues, chardonnerets,
passereaux au sol picorent,
partage équilibré.

Parfois, une colère, une ré‚volte.
Et tu dé‚poses tes sentiments,
affirmes l’être que tu es,
insuffle une direction.

Parfois, oui,
une mise à nu simple.
Révélation de l’être,
reconnaissance.

Tu es, je te vois, t’entends.
Mots, portée d’une page,
mots murmurés, répétés.
Ils pénètrent l’intérieur,
mordant d’une oreille, elle
écoute.

Un feu; le feu en nous
n’incendie plus la forêt et son
entêtante illusion du sauvage en gestation
avant son réveil brutal, brûlure vive.

Ici, seul le désir partagé, désir commun,
s’érige contre-feu.

Embrasement des coeurs.
Nous puiserons dans la flamme
ravivée chaque matin.

Opiniâtreté des jours
courage de l’oiseau éclatant,
persistante volonté
où chacun prend part à.

Néfliers rougeoyants, éclats des regards.
Il y a de la passion dans cette terre brandonnée.
Ne rêvons-nous pas secrètement de prolonger le jour?

Le bois nourrit l’âtre,
repousse le noir de la nuit.
Coûte que coûte maintenir flamme,
chaleur et lumière.

Ne confondons pas
ombres et corps,
mirage de l’oeil.

Dissocier braises et cendres
en suivant les signaux des fumées.
N’avons-nous pas à chaque instant
à tisonner le corps ?

Une main s’ouvre pour qu’un mot
se dépose dans sa paume : ardeur.

(Arnaud Savoye)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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PEINES PERDUES (Jean Richepin)

Posted by arbrealettres sur 1 août 2018




    
PEINES PERDUES

Hélas! pourquoi ces pleurs dans mes yeux que j’essuie,
Et pourquoi ces soupirs dans ma gorge crevant?
Je ne puis rappeler le passé décevant,
Ni ranimer le feu dans l’âtre plein de suie.

L’amour s’est envolé, la flamme s’est enfuie.
A quoi bon soupirer, pleurer, en y rêvant,
Comme un hautbois plaintif qui se nourrit de vent,
Comme un vieux toit rompu qui se repaît de pluie?

Ah ! pauvre cœur troublé de regrets, de remords,
Tes soupirs rendront-ils le souffle aux oiseaux morts
Et tes pleurs feront-ils s’épanouir des roses?

Au fond de ta douleur tu peux les laisser choir;
Soupirs et pleurs, tout est stérile. Tu n’arroses
Qu’un linceul; et pas même, encore!… ton mouchoir.

« Homme aux yeux cruels, prends garde !
Tu nous écrases! Regarde
Nos cadavres sous tes pas.
Tu pleures et tu t’irrites.
Nous sommes les marguerites.
Pitié! Mais tu n’entends pas.

— Si, je vous entends, menteuses.
peuple d’entremetteuses,
Sois-tu donc anéanti!
Mourez sous mes mains brutales
C’est en comptant vos pétales
Que ma maîtresse a menti. »

(Jean Richepin)

 

 

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Cette joie (Fabienne Courtade)

Posted by arbrealettres sur 10 février 2018



Illustration: Noèla Morisot
    
cette joie est tout aussi brutale que claire et évidente

évidemment on ne peut rien saisir

ni retenir
c’est une peine mortelle

Qui augmente notre faim
et notre soif

(Fabienne Courtade)

 

Recueil: Le même geste
Traduction:
Editions: Flammarion

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De la rencontre aléatoire (Yves Mabin Chennevière)

Posted by arbrealettres sur 9 février 2018



    

— De la rencontre aléatoire
des yeux et des corps,
des mouvements et des mots,
des heures et des sons,
dépend la découverte imprévue
des énigmes que le réel abrite,

S’imposent le refus des contraires évidents,
l’interruption brutale des mélodies sinueuses,
l’admiration des images blessantes,
la recherche cruelle de la douceur cachée,

Naît le privilège offert au coeur lacéré,
de l’adoration muette,
à l’âme de savoir
qu’elle n’est peut-être rien ;

(Yves Mabin Chennevière)

 

Recueil: Variations du sensible
Traduction:
Editions: De la Différence

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