Ce point est la montagne
à gravir sans agir
Intelligence!
Le chemin t’emmène
au merveilleux désert,
au large, au loin,
sans limite il s’étend.
Le désert n’a
ni lieu ni temps,
il a sa propre guise.
Ce désert est le Bien
par aucun pied foulé,
le sens créé
jamais n’y est allé:
Cela est; mais personne ne sait quoi.
C’est ici et c’est là,
c’est loin et c’est près,
c’est profond et c’est haut,
c’est donc ainsi
que ce n’est ça ni ci.
***
Des puntez berk
stîg âne werk,
vorstenlichkeit!
der wek dich treit
in eine wûste wunderlîch,
die breît, di wît,
unmêzik lît.
dî wûste bat
noch zît noch stat,
ir wîse dî ist sunderlîch.
Daz wûste gût
nî vûz durch wût,
geschaffen sin
quam nî dâ hin:
us ist und weis doch nimant was.
us hî, us dâ
us verre, us nâ
us tîf, us hô
us ist alsô,
daz us ist weder diz noch daz.
À l’intérieur de moi
Il y a ce coffre ouvert
À l’intérieur de moi
Son parfum me devance
Faux air de vacances
Il y a ce coffre ouvert
À l’intérieur de moi
Son parfum me devance
Faussaire de nos enfances
Un bouquet de ronces
De fleurs et de réponses
Ça sent fort la naissance
Le tambour du jasmin
Qui frappe à toutes nos portes
L’utérus et les tempes
Les soucis les tulipes
Et nos étoiles violentes
Il y a ce coffre ouvert
À l’intérieur de moi
Des jouets de grands
Lourds de conséquences
Le parfum nous devance
Faussaire de nos enfances
Et leurs ambivalences
Il y a ce coffre ouvert
Nos chocs sont abrités
Personne ne les voit
Mais on n’entend que ça
Il y a ce coffre offert
À l’intérieur de moi
Personne ne le voit
Mais on n’entend que ça
(Nawel Ben Kraïem)
Recueil: Frontières Petit atlas poétique
Editions: Bruno Doucey
La fille, pour son plaisir,
Choisit le matelot.
L’eau voulut des navires
Pour voguer à son eau.
L’homme choisit la guerre
Pour jouer au soldat
Et partit pour la faire
Sur l’air de « Ca ira ».
Bref, chacun possédait
Ce qu’il avait souhaité.
Moi, je voulais un homme
Ni trop laid, ni trop beau,
Qui promènerait l’amour
Sur les coins de ma peau,
Un homme qui, au petit matin,
Me prendrait par la main
Pour m’emmener croquer
Un rayon de soleil.
Moi, je voulais un homme.
A chacun sa merveille
Et la vie, en passant
Un jour, me l’amena.
Puis, la fille prit des coups
Par son beau matelot.
La guerre, en plein mois d’août,
Nous faucha le soldat.
Le navire qui passait
Juste à ce moment-là,
Le navire qui passait
Prit l’eau et puis coula.
Bref, on ne sait pourquoi
Mais tout se renversa.
Moi, je pris en plein coeur
Un éclat de son rire
Quand il jeta mon bonheur
Dans la fosse aux souvenirs.
Je le vis s’en aller,
Emportent mon soleil,
Emportant mes étés.
J’avais voulu un homme.
J’aurais dû me méfier :
Cette garce de vie,
Un jour, me le reprit.
Qu’importe si la vie
Nous donne et nous reprend
Puisqu’ici-bas, tout n’est
Que recommencement.
La fille, pour son plaisir,
Reprendra des matelots.
On refera des navires
Pour le ventre de l’eau.
Y aura toujours des guerres
Pour jouer aux soldats
Qui s’en iront les faire
Sur l’air de « Ca ira ».
Eh ben moi, je reprendrai un homme.
Pas de mal à ça,
Un homme.
Les hommes, j’aime ça.
Un homme, un homme, un homme…
Notre eau croupit
dans des marmites
rouillées où on se lave
le croupion
On nous jette
des restes des
miettes des
croûtes des
mioutes des
criettes des
couennes des
épluchures
des coulures
des fonds des
oublis des
vieux rabs
des ordures
Avec tout ça on
fait des oeufs
au jaune pur
(Michel Besnier)
Recueil: Mes poules parlent
Traduction:
Editions : Møtus
On la voit mal mais quand même une couleur un peu bleue
contre la vitre de la bibliothèque un vieux meuble
avec des appareils pour les leçons de choses dedans
un entonnoir en verre la poussière le temps
solitude ça continue, qu’est-ce qu’on attend
pour s’en aller je
sais pas où ?
j’attends rien çа continue.
(James Sacré)
Recueil: Bocaux, bonbonnes, carafes et bouteilles (Comme)
Traduction:
Editions: Le Castor Astral & Le Noroît
Ça commence par des ombres
Ça porte
Ça guide
Ça enfle
Ça gronde
Ça se tait
Ça fait naître les personnages d’une famille éphémère
Ça ne prévient pas
Ça s’invite
Ça s’impose
Ça veut se raconter, jusque dans les silences
Ça glace autant que Ça réchauffe, C’est impitoyable
Ça aime
Ça hait
Ça séduit
Ça repousse
Ça bouscule
Ça ravage
Ça déniche le réel
a vient de l’intérieur
Ça ne demande qu’à sortir
Ça cherche la vérité
Ça fait chair
Ça veut tempêtes et bonaces
Ça veut soulever le monde
Ça veut prendre l’espace
Ça veut plus
Ça veut tout
Ça veut croire à tout prix
Ça veut nouer le corps avec l’esprit
Ça veut unir
Ça veut posséder
Ça veut finir sans achever
Ça veut l’éternité
(Franck Bouysse)
Recueil: Fenêtre sur Terre
Traduction:
Editions: Phébus