J’entre et je sors de moi-même souvent.
Je me demande audience parfois.
Je me rencontre en de longs corridors,
Je fais semblant de ne pas me surprendre
Ou je m’ignore.
Un bref sanglot nocturne
Brise un miroir. On voyage, on voyage,
Et l’on se quitte, on joue à cache-cache,
Mon corps et moi, mariés de l’aurore.
Suis-je sans être ? Et rêver n’est-il vivre
Hors de soi-même, hors les murs, hors le doute,
Là où le corps ne va pas, car il pèse
Plus que le bronze et le plomb des pensées ?
Et je m’en vais sur des lieux de musique
Pour oublier mon lieu de résidence :
L’argile épaisse où j’entre et sors, et j’ose
Me résigner à vivre sans mes ailes.
– Entrez chez moi, j’ai pour vous mille chambres
Et des salons, et des orangeraies…
Mais nul ne vient, le seul hôte est moi-même
Dans ma maison bien trop vaste pour moi.
1
Il n’est vraiment pas surprenant
Que le gâteau et le nanan
Ne se trouvent pas dans mon plat
On m’ fait du plat
J’ fais ma mijaurée
Et j’ reste dans la purée
Avec mes deux yeux
Pour pleurer dans ma chemise
Sans être prise
Par mon amoureux.
2
Il n’est vraiment pas surprenant
Que d’autres aient beaucoup d’amants
Elles sont gentill’s avec eux
Ces vaniteux
Les croient sur paroles
Dans leurs bras ell’s devienn’nt molles
Et pour un baiser
Elles donneraient leur vie.
Je les envie
Sans pouvoir oser.
3
Il n’est vraiment pas surprenant
Que j’adore tous les enfants
Que leurs cris me fass’ palpiter
Mais ma bonté
Comme je la cache
Et comm’ je joue à cach’-cache
Avec le bonheur
Je suis une vieille fille
Pas très gentille
Pleine de rancoeur.
4
Il n’est vraiment pas surprenant
Qu’avec mon caractèr’ méchant
Je reste seul dans mon taudis.
À ce qu’on dit
Je suis hypocrite.
(le manuscrit s’arrête là)
(Robert Desnos)
Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier
Nous avions l’un pour l’autre un tendre sentiment,
Et nous avons vécu en parfait accord.
Nous avons souvent joué « au mari et à la femme »,
Sans jamais nous chamailler et nous battre.
Nous avons ri et plaisanté ensemble,
Nous avons échangé caresses et tendres baisers.
A la fin, nous nous sommes amusés, comme les enfants,
A jouer à cache-cache dans les bois et dans les champs;
Et nous avons si bien su nous cacher
Que nous ne nous sommes jamais retrouvés.
Les amis de Georges étaient un peu anar
Ils marchaient au gros rouge et grattaient leur guitare
Ils semblaient tous issus de la même famille
Timides et paillards et tendres avec les filles
Ils avaient vu la guerre ou étaient nés après
Et s’étaient retrouvé à St-Germain-Des-Prés
Et s’il leur arrivait parfois de travailler
Personne n’aurait perdu sa vie pour la gagner
Les amis de Georges avaient les cheveux longs
A l’époque ce n’était pas encore de saison
Ils connaissaient Verlaine, Hugo, François Villon
Avant qu’on les enferme dans des microsillons
Ils juraient ils sacraient, Insultaient les bourgeois
Mais savaient offrir des fleurs aux filles de joie
Quitte à les braconner dans les jardins publics
En jouant à cache-cache avec l’ombre des flics
Les amis de Georges on les reconnaissait
A leur manière de n’être pas trop pressés
De rentrer dans le rang, pour devenir quelqu’un
Ils traversaient la vie comme des arlequins
Certains le sont resté, d’autres ont disparu
Certains ont même la Légion d’Honneur qui l’eut cru?
Mais la plupart d’entre eux n’ont pas bougé d’un poil
Ils se balladent encore la tête dans les étoiles
Les amis de Georges n’ont pas beaucoup vieilli
A les voir on dirait qu’ils auraient rajeuni
Le cheveu est plus long, la guitare toujours là
C’est toujours l’ami Georges qui donne le la
Mais tout comme lui ils ne savent toujours pas
Rejoindre le troupeau ou bien marcher au pas
Dans les rues de Paris, sur les routes de province
Ils mendient quelquefois avec des airs de prince